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DE LA

RÉVOLUTION FRANÇAISE.

LIVRE III.

Proposition singulière de Mirabeau, lorsqu'il apprit que le roi allait quitter Versailles.

du roi pour la capitale.

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Départ

Son arrivée. Pre

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miers momens du séjour du roi à Paris. Les troubles recommencent.

Le peuple pend un

boulanger. Bienfaits du roi et de la reine.

Création des assignats.

Les états du Cambrésis rappellent leurs députés. - Mandement de l'évêque de Tréguier. Affaire du marquis de Favras. Discours du roi à l'assemblée nationale. Enthousiasme de l'assemblée. MM. de Broglie, de Besenval, etc., etc., sont renvoyés absous. Les assignats deviennent un papier-monnaie. Le livre rouge.-Le comte de Mirabeau défend le gouvernement monarchique. Etat des finances. Retour du duc d'Orléans, d'Angleterre.-Fédération du 14 juillet 1790.Marat. - Affaire de Nancy. Démission de M. Necker. Etat de la dette publique. Camp de Jalès. Le comte de Mirabeau se tourne entièrement du côté de la cour. mort. Ses funérailles.

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Sa

MIRABEAU IRABEAU et sa faction furent effrayés, 1789. quand ils apprirent que le roi allait partir

1789. pour la capitale. Ils savaient mieux que per sonne à quels moyens il avait fallu avoir recours pour détourner le peuple de son devoir, et ils craignaient que la présence continuelle du monarque, au milieu de lui, n'eût bientôt rendu cette portion des Français ce qu'elle était auparavant, fidèle, affectueuse et confiante. Ils firent décréter par l'assemblée nationale, qu'elle était inséparable du roi. Louis XVI répondit en ces termes, à la députation qui vint lui présenter ce décret: « Je reçois avec une vive » sensibilité les nouveaux témoignages d'at>>tachement que me donne l'assemblée. Le » yœu de mon cœur est de ne jamais me sé» parer d'elle. Je vais me rendre à Paris avec » la reine et mes enfans; je donnerai tous >> les ordres nécessaires pour que l'assemblée >> puisse venir y continuer ses travaux. »

On rapporta cette réponse à l'assemblée dans le moment où elle venait de décréter qu'une députation de cent de ses membres accompagnerait le roi à Paris. Mirabeau voulut encore être de cette cérémonie, et il s'était fait inscrire sur la liste. Mounier, qui présidait l'assemblée, était chargé de désigner les membres de la députation. Il refusa d'admettre Mirabeau. « Je n'ai demandé

dit celui-ci, à être de la députation, que 1789 pour apaiser le peuple, en cas qu'il y ait du tumulte quand le roi arrivera à Paris. Monsieur, lui répondit Mounier, ceux qui ont assez de pouvoir sur l'esprit du peuple pour l'apaiser, peuvent aussi le soulever. »

Le roi partit de Versailles à une heure. La reine, monseigneur le Dauphin, Madame royale, Monsieur, Madame, Madame Elizabeth, et madame de Tourzel, gouvernante des Enfans de France, étaient dans son carrosse. Les cent députés, dans leurs voitures, marchaient à sa suite.

Un détachement de brigands portant en triomphe les têtes de deux gardes-du-corps au bout de deux piques, formait l'avant-garde, et était parti deux heures auparavant. Ces monstres s'étant arrêtés un moment à Sèves, forcèrent un perruquier à friser ces deux têtes sanglantes.

Le gros de l'armée parisienne les suivait immédiatement. Avant le carrosse du roi marchaient les poissardes arrivées la veille de Paris, et toute cette foule de femmes qui les avaient accompagnées. Elles étaient toutes à demi ivres. On les voyait à califourchon sur des canons, célébrant, par d'horribles chansons, leurs crimes et ceux qu'elles

1789. avaient vu commettre. D'autres, plus rapprochées de la voiture du roi, chantaient des airs allégoriques, dont leurs gestes insultans faisaient des applications à la reine. Des chariots de blé et de farine, enlevés à Versailles, formaient un convoi escorté par des grenadiers, et entouré de femmes et de forts de la halle, armés de piques, ou portant de longues branches de peuplier. Les femmes arrêtaient les passans, et criaient à leurs oreilles, en montrant le carrosse du roi: « Courage, mes amis, querons plus de pain; nous vous amenons le boulanger, la boulangère et le petit mitron.>> Derrière la voiture du roi étaient quelquesuns de ses gardes, partie à pied, partie à cheval, la plupart sans chapeau, tous désarmés, épuisés de faim et de fatigue, mais donnant à leur souverain cette dernière marque de leur fidélité. Les dragons, le régiment de Flandres, les cent-suisses et les gardes nationales précédaient, accompagnaient et suivaient la file des voitures.

nous ne man

M. Bailly complimenta, suivant l'usage, le roi à la barrière. Dans sa harangue, il appela ce jour, un beau jour.

On se rendit d'abord à l'Hôtel-de-Ville. Le roi

roi, et la reine tenant ses enfans par

la

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main, entrèrent dans l'assemblée des repré- 1789, sentans de la commune avec l'air de la plus grande sérénité. Monsieur, Madame et Madame Elizabeth les suivaient. Un trône avait été préparé. Le roi et la reine s'y placèrent, après des cris plusieurs fois réitérés de vive le roi! vive la reine! vive le dauphin! vive la famille royale! Le président des représentans de la commune harangua le roi.

Le roi n'ayant d'autre réponse à faire à ce discours, que celle qu'il avait déjà faite à celui de M. Bailly, il lui ordonna de la répéter. Elle était aussi simple que courte. « C'est toujours avec plaisir et avec confiance, » avait dit le roi, que je me vois au milieu » des habitans de ma bonne ville de Paris.» M. Bailly ayant oublié les mots et avec confiance, la reine les lui rappela sur-le-champ à haute voix. « Messieurs, reprit galamment M. Bailly, vous êtes plus heureux que si je l'avais dit moi-même. » Les acclamations et les applaudissemens redoublèrent à ces mots. Ils accompagnèrent le roi et la reine jusqu'à leur sortie de l'Hôtel-de-Ville. Leurs majestés, excédées de fatigue, et sans doute dévorées intérieurement de chagrin et d'inquiétude, allèrent, après cette séance, s'établir au palais des Tuileries, pendant que Mon

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