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DE

L'ANCIEN MONITEUR

SEULE HISTOIRE AUTHENTIQUE ET INALTÉRÉE

DE LA

RÉVOLUTION FRANÇAISE

DEPUIS LA RÉUNION DES ÉTATS-GÉNÉRAUX JUSQU'AU CONSULAT

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A15

t.10

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De Pétersbourg, le 6 septembre. On vient d'apprendre dans cette capitale que l'escadre turque, dans la mer Noire, a été entièrement défaite par celle de l'impératrice, sous les ordres de l'amiral Outchakow. Neuf vaisseaux ottomans ont été pris ou détruits. Le reste a été mis en fuite, et l'effroi s'est répandu jusque dans le sérail du Grand Seigneur, lorsqu'on a su que l'amiral russe avait paru à l'embouchure du canal.

On dit que le prince Potemkin est attaqué d'une fièvre moldave, et que son état n'est pas sans danger.

ALLEMAGNE.

De Vienne, le 17 septembre. L'Académic Thérésienne, fondée pour l'éducation de la jeune noblesse non fortunée, et supprimée ensuite, a été rétablie par l'empereur sous le nom d'Académie Thérésienne-Léopoldine.

De Francfort, le 24 septembre. Nous avions bien dit que la Russie se ménage tous les moyens pour avoir une influence dans les affaires de la Moldavie; elle a déjà commencé son jeu politique en faisant rendre par la Porte la dignité d'Hospodar de cette province à Constantin Mauro-Cordato, qui s'était réfugié en Russie et mis sous la protection de la cour: c'est ce même prince contre lequel la Porte avait élevé tant de plaintes dans sa déclaration de guerre contre la Russie.

L'électeur palatin, pour se venger de la translation des douanes françaises aux frontières externes, qui font du tort au commerce de ses sujets palatins, vient de mettre un impôt additionnel de 30 pour 100 sur toutes les marchandises françaises qui seront introduites dans le Palatinat; ce prince a notifié cette démarche à la diète germanique, probablement dans la vue de la faire généraliser. Mais il n'est pas difficile de prévoir qui perdra le plus à cet arrangement, des Français ou des Allemands. Les personnes versées dans ces matières pensent que les Allemands se trouveront d'autant plus mal de l'impôt additionnel que les contrebandiers en feront mieux leurs affaires.

PRUSSE.

De Berlin, le 20 septembre. Les manœuvres de Potsdam commenceront incessamment, et seront suivies des mariages des deux princesses filles du roi. Il y a ici à cette occasion un grand concours d'étrangers. Le plus grand nombre se rendra à Potsdam, et n'en reviendra qu'après le retour du roi de Prusse, qui est fixé au 24 de ce mois. La princesse d'Orange sa sœur est attendue ici le même jour, ainsi que le prince héréditaire d'Orange, futur époux de la princesse Wilhelmine. On doute que le duc de Brunswic puisse paraître à ces fêtes, à cause de

sa santé.

PAYS-BAS.

De Bruxelles, le 27 septembre. On dit que les émibruit que M. de Lacqueuille a manqué d'être arrêté grés français ne tarderont point à quitter cette ville. Le samedi dernier, sur la poursuite de ses créanciers, donne beaucoup à penser. M. de Lacqueuille, en effet, se dispose à partir tout à fait pour Coblentz, et il n'a, dit-on, obtenu sa liberté que sur caution valable.

On fait cependant les derniers efforts pour retenir les fugitifs. En ce moment on leur annonce un congrès à Aix-la-Chapelle, et en outre le rétablissement des mousquetaires, gendarmes et chevau-légers, ce qui donnera des places à tout le monde. Un prince allemand, qu'on ne nomme pas, doit fournir quatre cents chevaux pour la

remonte des chevau-légers.

rient de passer par ici pour se rendre à Aix-la-Chapelle. M. Fernand Nunez, ambassadeur d'Espagne à Paris,

2. Série.

Tome I,

Troisième année de la Liberté.

Il s'imprime dans cette ville un nouveau journal qui'a pour titre: Tocsin de la Nécessité, ou journal historique et politique, rédigé par M. Suleau, et dédié à toutes les puissances.

ITALIE.

De Naples, le 8 septembre. Depuis qu'il a été convenu entre le pape et S. M. sicilienne que le roi aurait désormais, sans partage, la nomination à tous les évêchés du royaume, en présentant à Sa Sainteté des sujets acceptables, qui continueront d'être consacrés à Rome, le roi a nommé aux soixante-trois évêchés vacants. Il à choisi entre les prêtres les plus distingués par les vertus et les travaux évangéliques. Ils iront à Rome à la fin de l'automne pour y recevoir la consécration.

Le marquis de Marco, très-ancien ministre et secrétaire d'Etat de la maison du roi, de grâce et de justice, et des affaires ecclésiastiques, a été déchargé de ces deux derniers départements, par une lettre très-honorable qui lui a été adressée par S. M. Il reste ministre de la maison du roi et conserve son entrée aux conseils.

Le marquis Simonetti, lieutenant général de la chambre royale, a été nommé secrétaire d'Etat de gràce et de justice.

Le sieur Corradini, qui était directeur général des finances, a été nommé secrétaire d'Etat au département des affaires ecclésiastiques. Il a été remplacé dans l'emploi de directeur général des finances par M. le marquis Palmieri.

Le sieur Mazzochi a été nommé lieutenant de la chambre royale.

Dans ces différentes nominations, le roi n'a eu égard qu'à l'ancienneté de service et au mérite reconnu ; aussi ont-elles été très-bien accueillies du public.

La fête de Pie di Grotta a eu lieu le 8 de ce mois, comme à l'ordinaire. Le roi, la reine, la famille royale et toute leur cour y ont paru en grande pompe. Toutes les troupes étaient sous les armes. Le concours du peuple a été très-nombreux.

BULLETIN DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE.

DERNIÈRE SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE CONSTITUANTE, DU VENDREDI 30 SEPTEMBRE. Quatrième présidence de M. Thouret. Plusieurs citoyens font hommage à l'Assemblée de divers ouvrages.

M. BOUCHE: Vous connaissez tout le zèle avec lequel la garde de la prévôté, aujourd'hui gendarmerie nationale, a rempli son service auprès de vous: cette troupe fidèle vous a suivis dans tous vos travaux avec un zèle et un courage vraiment admirables. Je crois que l'Assemblée nationale doit, autant à titre de justice qu'à titre de reconnaissance, accorder un faible dédommagement aux individus qui composent cette troupe. Je penserai donc qu'il serait de toute justice d'accorder à chacun d'eux une gratification

de 150 livres.

La proposition de M. Bouche est décrétée.

M. REGNAULT DE SAINT-JEAN-D'ANGÉLY : L'Assemblée nationale se rappelle que, lorsqu'à Versailles ses membres ne purent pas entrer dans la salle qui leur était destinée, M. Lataille, propriétaire du jeu de paume, fut le seul qui eut le courage, et certes il en fallait alors, de recueillir les représentants sans asile; et nous avons à nous étonner de ce que jusqu'à présent ce dévoûment soit resté sans récompense. Je propose donc à l'Assemblée nationale de décréter pour M. Lataille, avec un témoignage de reconnais

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sance que vous lui devez, une gratification de 6,000 livres.

La proposition de M. Regnault est adoptée.

M. GOUPILLEAU: Je demande que le décret rendu hier sur la proposition du ministre de la guerre, qui augmente de vingt le nombre des officiers généraux, soit rapporté. Nous ne sommes point en état de guerre. Les officiers généraux sont en nombre suffisant pour le moment. Cette proposition n'a presque point été discutée, et il est à croire que ces places ont été créées plutôt pour des individus que pour la chose publique. (On applaudit.)

M. DELLEY D'AGIER: Je ne conçois point comment on demande le rapport du décret. Vous avez ordonné un établissement de quatre-vingt-dix-sept mille hommes de gardes nationales; il est impossible que vous n'augmentiez pas le nombre de vos officiers généraux; car, pour que ces troupes puissent être de quelque utilité, il est nécessaire que des officiers qui sachent leur métier soient à leur tête.

M. LOUIS NOAILLES : Il me semble que l'Assemblée nationale a fait dans sa séance d'hier comme les ministres de l'ancien régime. Lorsqu'ils voyaient leur crédit s'échapper, et qu'ils étaient près de perdre leur place, ils faisaient une promotion pour s'assurer des créatures. Il vous a été demandé hier, sur la proposition du ministre de la guerre, de prier le roi de nommer vingt nouveaux officiers généraux. Le décret qui a été rendu sur cet objet a été adopté contre les règlements de cette Assemblée. En effet, vous aviez sagement arrêté qu'aucune délibération ne serait prise sur la proposition d'aucun ministre. Cependant, à peine la demande de M. Duportail a-t-elle été entendue que l'on a décidé qu'il y aurait vingt officiers généraux de plus dans l'armée. Ce ne sont pas des officiers généraux dont nous avons besoin, mais bien des soldats; ce n'est pas du luxe qu'il nous faut, de la discipline. On nous a dit que l'armée était augmentée de cent mille auxiliaires; mais cette augmentation avait été arrêtée lors du départ du roi, et c'était pour subvenir au besoin que cette mesure exigeait que vous aviez arrêté qu'il y aurait vingt généraux ajoutés au nombre de quatre-vingt-seize que vous avez fixé pour l'organisation de notre armée. Depuis cette époque, messieurs, vous n'avez ordonné la levée d'aucun bataillon de gardes nationales, d'aucun régiment ou d'aucun corps. La demande qu'on vous a faite n'a donc pour objet que de favoriser quelques individus; et rien n'étant plus contraire à l'intérêt public et aux principes que vous avez constamment suivis, je demande et j'insiste sur le rapport du dé

cret.

mais

M. FRETEAU : Il est essentiel que l'Assemblée sache que le roi a pris, depuis plusieurs jours, des mesures infiniment propres à rétablir l'ordre avec les puissances étrangères, et les réduire au rôle qui leur convient dans cette affaire, c'est-à-dire de spectateurs tranquilles de l'ordre qui va se rétablir en France, et du règne de la liberté, des lois et de la prospérité de cet empire. Le ministre des affaires étrangères a informé le comité diplomatique, dès le 20 de ce mois, par écrit, que le roi s'était empressé de faire notifier aux principales cours de l'Europe l'acceptation solennelle qu'il a faite de l'acte constitutionnel, et qu'il s'était expliqué vis-à-vis d'elles de la manière la plus ferme sur sa résolution de le faire exécuter. Le ministre annonçait que cette lettre devait ôter aux étrangers le plus léger prétexte de s'immiscer dans nos affaires ; et vous devez savoir, messieurs, que, l'année dernière, il fut annoncé à l'Assemblée qu'il devait se former dans le Brabant un rassemblement de quarante-cinq mille Autrichiens; que l'empereur avait chargé M. Mercy d'annoncer combien cette mesure était éloignée de toute vue hostile, et en même

temps de représenter au ministre de France que jamais le conseil de Vienne n'avait abandonné cette maxime de première équité et de droit public: « de ne pas se mêler dans les différends domestiques qui pouvaient agiter les puissances ses alliées. Ce sont les propres paroles de la dépêche de M. Mercy. Lorsque le roi, dans sa lettre, emploie des expressions capables d'imposer même à ceux qui ont des vues hostiles, peut-on douter qu'il ne maintienne dans les dispositions pacifiques ceux qui, l'année dernière, invoquaient eux-mêmes les principes du droit public et d'équité naturelle? Sur ce point, je demande done, ou que l'on rejette la proposition d'augmenter l'état militaire, ou que l'Assemblée ne s'y porte qu'en statuant l'époque très-prochaine où on le supprimera.

L'Assemblée ordonne le rapport du décret à la première législature.

M. CAMUS: Je vous présente le tableau général des gratifications accordées aux employés près de l'Assemblée, montant à la totalité de 44,000 liv.; j'en dépose un exemplaire sur le bureau.

Je crois devoir rappeler à l'Assemblée le zèle et l'activité qu'ont mis MM. Vaquier et Fevrier dans les places qu'ils ont occupées. Je ne dois pas oublier les services qu'a rendus M. Paris dans les différents objets dont il a été chargé pour l'Assemblée nationale à Versailles. Je prie l'Assemblée nationale de témoigner sa satisfaction du désintéressement et de la distinction avec lesquels M. Paris s'est acquitté de ses fonctions; témoignage flatteur dont il est jaloux. Quant à la récompense que l'Assemblée nationale peut lui adjuger, le montant du règlement serait de 20,000 liv. Je demande qu'il lui soit donné 8,000 liv.

L'Assemblée adopte ces différentes propositions. Le corps municipal de la ville de París est introduit à la barre.

M. BAILLY: Messieurs, la ville de Paris vient pour la dernière fois offrir ses hommages aux premiers représentants d'une nation puissante et libre. Vous avez été armés du plus grand pouvoir dont les hommes puissent être revêtus. Vous avez fait les destinées de tous les Français; mais aujourd'hui ce pouvoir expire: encore un jour, et vous ne serez plus. On vous regrettera sans intérêt, on vous louera sans flatterie; et ce n'est pas nous, ni nos neveux, ce sont les faits qui vous loueront. Que de jours mémorables vous laissez au souvenir des hommes! Quels jours que ceux où vous avez constitué la première représentation du peuple français, où vous avez juré d'avance la constitution qui était encore et dans l'avenir et dans votre génie; où votre autorité naissante, mais déjà forte, comme celle d'un grand peuple, a maintenu vos premiers décrets, ceux où la ville de Paris a appuyé votre sagesse de son courage, où un roi chéri a été rendu à une nation sensible, et ce jour à jamais célèbre où, vous dépouillant de vos titres et de vos biens, vous avez essayé sur vous-mêmes les sacrifices que l'intérêt public imposait à tous les Français. C'est à travers les alternatives et des inquiétudes et de la joie, et des triomphes et des orages, que votre sagesse a dicté ses décrets, qu'elle a établi les droits du peuple, marqué les formes d'une représentation libre proclamé la monarchie déjà consacrée par les siècles et de nouveau sanctionnée par le vœu général, et que cette sagesse, en renonçant solennellement aux conquêtes, nous a fait des amis de tous les peuples. Mais le plus beau de tous les moments, le plus cher à nos cœurs, est celui où une voix s'est fait entendre et a dit : « La constitution est achevée; » où une autre voix a ajouté: « Elle est acceptée par le roi. » Alors cette union du prince et de la nation a posé autour de nous les bases de la paix, du bonheur et de la prospérité publique.

Législateurs de la France, nous vous annonçons

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