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ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE

1er Octobre 1791.

'ASSEMBLÉE nationale législative ouvrit sa première séance le 1er octobre 1791. Ses premières décisions annonçaient d'abord du patriotisme et faisaient concevoir d'heureuses espérances sur le rétablissement de la liberté et la réforme des vices de la Constitution. Mais

bientôt, détruisant son propre ouvrage, elle démontre elle-même le peu de confiance que le peuple peut avoir dans les lumières et l'énergie de ses nouveaux représentants, dont Pastoret, comme président; GaranCaulon, Cérutti, Lacépède, Condorcet, comme secrétaires, occupent le bureau. Nomination du plus mauvais augure, en ce qu'elle prouve l'ascendant qu'ont déjà ces indignes députés de Paris.

Il est certain toutefois que cette nouvelle Assemblée renferme trois partis. L'un composé de zélés patriotes, vrais amis de la liberté, qui ne désirent que le bonheur de la nation, et qui ne veulent d'autre récompense de leurs travaux que la gloire de les avoir consacrés au bien public. L'autre est composé de ces hommes à préjugés, qui n'ont pu encore secouer la crasse de leur

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éducation, qui ne conçoivent pas la majesté nationale, et qui continuent à s'humilier devant les favoris de la fortune; de ces endormeurs qui ne redoutent rien tant au monde que les commotions politiques, capables de déranger leur bien-être; de ces égoïstes toujours empressés à courir après la fortune, et toujours prêts à lui sacrifier le devoir et l'honneur. Enfin, le dernier renferme tous les esclaves ministériels qui infectent l'Assemblée; hommes sans foi, sans loi et sans pudeur, qui se prostitueraient aux volontés de la cour pour le moindre sourire, et qui trahiraient la patrie, leurs amis et leurs frères pour la plus légère faveur.

Je serai à la piste de toutes les menées de ces lâches ennemis de la patrie; je dévoilerai au grand jour toutes leurs turpitudes; j'appliquerai sur leur front le cachet de l'opprobre, et je les vouerai à l'exécration publique, comme j'ai agi avec leurs devanciers.

Je ne serai pas moins soigneux à démasquer les faux patriotes qui chercheront à se mettre en montre pour se faire acheter, les petits intrigants qui s'insinueront dans les Comités pour se faire valoir, les fourbes adroits qui n'épouseront la cause du peuple que pour capter sa confiance et trafiquer impunément de ses intérêts.

Enfin, je me ferai un devoir sacré de rendre justice aux vertus civiques des vrais défenseurs de la patrie et de relever leurs généreux efforts, mais sans jamais leur prodiguer l'éloge. Sans doute il est nécessaire de soutenir leur courage pendant qu'ils parcoureront leur pénible carrière; mais c'est au bout qu'il faut les attendre pour les couronner.

Pour compléter le tableau des fonctionnaires qui constituent le nouveau gouvernement de Louis XVI,

jetons un coup d'œil sur les nouveaux ministres, tout aussi dévoués à la cour que leurs indignes prédécesseurs sous la Constituante, et voyons, sous la Législative, comment est interprété le fameux décret qui consacre la responsabilité ministérielle.

On sait que tous les cahiers des députés aux États généraux avaient fait un point capital de la responsabilité des ministres. A l'ouïe du décret qui la consacre, le peuple crut avoir ville gagnée; il chanta victoire et ne s'aperçut point qu'en réservant au Corps législatif le droit de décider si les ministres seraient ou ne seraient pas pris à partie, les pères conscrits, prostitués à la cour, rendaient la responsabilité complétement dérisoire. Révoltée des machinations éternelles de l'ancien cabinet, la nation entière n'a cessé, pendant six mois, de dénoncer les Guignard, Latour-du-Pin, Laluzerne, Montmorin et Champion, comme des traîtres et des conspirateurs. Qu'y a-t-elle gagné? Ils ont paisiblement quitté le timon des affaires. Dès lors, leurs successeurs, Fleurieu et Thévenot, ont de même quitté la partie, pour se soustraire aux recherches de leurs machinations. Le pis-aller, pour un ministre infidèle, concussionnaire, dilapidateur, traître et conspirateur, est donc de ne pas réussir à consommer en paix ses noirs desseins, et de quitter sa place comblé des faveurs de la cour.

Croyez-en l'ami du peuple: tant que la couronne sera héréditaire, le prince sera l'éternel ennemi de la nation, et ses ministres ne seront jamais que des fripons payés pour exécuter ses funestes projets.

C'est sur cette maxime d'éternelle vérité que nous devons juger les Duport-du-Tertre, Duportail, Bertrand de Molleville, Tarbé, Valdec, etc. Tant qu'ils

n'oseront afficher publiquement leur prostitution, ils s'attacheront à en imposer au législateur. C'est donc une stupidité de renvoyer au pouvoir exécutif la réparation des attentats ministériels; comme c'est une singerie de renvoyer à des comités corrompus par les ministres la réparation des malversations des agents royaux ou ministériels. Ce vice est dans la Constitution elle-même, où il est dit que les ministres ne pourront être recherchés pour fait d'administration qu'autant que le législateur les aura déclarés recherchables. La crainte de faire perdre aux ministres tout leur temps à se justifier a été le prétexte frivole dont on a motivé cette loi funeste; et l'on n'a pas voulu voir que l'impunité dont on les a environnés, comme d'un mur d'airain, est précisément la cause de leur audace à violer les lois et à machiner contre la patrie.

Pour réprimer les abus du pouvoir ministériel, il fallait que tout homme qui en aurait été la victime fût autorisé à prendre à partie le ministre délinquant; seul moyen de les rendre extrêmement rares, si ce n'est d'en tarir la source. Sans ce droit sacré, dont un législateur ennemi de la 4iberté pouvait seul priver les Français, il est impossible de jamais mettre un frein aux malversations des agents de l'autorité, ni un terme aux machinations de nos ministres.

Voyons maintenant à l'œuvre les différents pouvoirs dont nous venons de faire connaître l'esprit général.

C'est en silence et dans les ténèbres, que le traître Duportail poursuit les noirs projets de ses prédécesseurs. Depuis son avénement au ministère, il feint de rétablir les fortifications de nos places démantelées; il retire peu à peu les garnisons de celles qui pourraient arrêter l'ennemi; il laisse nos forteresses sans munitions, ou

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