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prédit presque toutes leurs machinations, leurs artifices, leurs attentats, et les événements venus à la suite? Qui ignore qu'en combattant pour la liberté, il se montra constamment au-dessus de toutes les séductions, de toutes les menaces, de toutes les craintes? Sa plume était l'épouvantail des ennemis de la Révolution; en vain, pour le réduire au silence, la Cour a-t-elle machiné sa perte; en vain le Châtelet l'a-t-il décrété de prise-de-corps; en vain le Général parisien a-t-il fait marcher une armée pour assiéger sa maison; en vain les agents ministériels ont-ils mis à sa poursuite des légions d'espions et d'assassins. Pour échapper à leurs embûches, et servir plus longtemps la patrie, on l'a vu se condamner deux années entières à une vie souterraine, et combattre, pour le peuple, le glaive sur le sein, sans que jamais cet affreux genre de vie ait fait mollir un instant son courage indomptable. Ces hordes ennemies ne pouvant le réduire au silence, n'ont plus songé qu'à rendre nulle l'influence de ses écrits. Non contents de les faire intercepter à la poste et enlever aux distributeurs par la soldatesque, de jeter les distributeurs dans des cachots, et décerner la peine des galères contre les colporteurs qui en seraient trouvés saisis; elles ont soudoyé cent plumes vénales pour les décrier, corrompu d'infidèles publicateurs pour les défigurer, et délapidé le trésor public pour en contrebalancer les salutaires effets.

« Que pourrions-nous ajouter à des faits de cette nature, tous de notoriété publique? Bornons-nous donc à donner une idée de l'ouvrage que nous annonçons. L'auteur y fait le tableau des ennemis de la patrie conjurés pour remettre le peuple sous le joug. Il y dévoile les complots éternels de la Cour et de ses

suppôts, les noires machinations de la majorité contrerévolutionnaire du Corps législatif; des directoires de District et de Département, des tribunaux provisoires de la Haute-Cour nationale, des prêtres réfractaires, des officiers de l'armée de ligne, des états-majors des bataillons nationaux, et des principaux fonctionnaires publics. Il y développe la politique artificieuse de l'Assemblée constituante, pour rendre au monarque tous les pouvoirs, et rétablir le despotisme. Il y relève les vices de la Constitution, qui ont fait jusqu'ici le malheur de la France; les décrets à réformer et les mesures à prendre pour établir la liberté et la félicité publiques sur des bases inébranlables. Les lecteurs qui n'ont pu se procurer l'Ami du peuple seront flattés d'en trouver les morceaux les plus saillants fondus dans L'ÉCOLE DU CITOYEN; et d'y lire plus de trois cents prédictions publiées par l'auteur, longtemps à l'avance, sur les principaux personnages qui ont figuré dans les affaires publiques, et sur les principaux évènements de la Révolution.

<< D'après cet exposé, nous ne craignons pas de donner L'ÉCOLE DU CITOYEN comme un livre indispensable à tous les Français qui aiment à s'instruire de leurs droits et à connaître les ressorts qu'on a fait jouer pour égarer le peuple et l'asservir constitutionnellement, pour le réduire à la misère, le tourmenter sans cesse par la famine, pour écraser les amis de la liberté, assurer l'impunité aux conspirateurs, souffler les feux de la discorde, livrer le royaume aux désordres de l'anarchie, et allumer dans tous ses points les torches de la guerre civile.

« Cet ouvrage, en deux volumes in-8°, chacun d'environ 400 pages, imprimés en beaux caractères et

sur beau papier, sera délivré aux souscripteurs dans le courant d'août prochain, et franc de port partout le royaume (1).

« L'auteur ayant désiré que le prix de cet ouvrage fût à la portée des citoyens les moins aisés, le prix de la souscription sera de 6 livres 10 sols pour Paris et de 7 livres 10 sols pour les départements. >>

Nous voici à l'article relatif au journal de Marat, qui suit immédiatement ce qui précède.

« Les Sociétés patriotiques de la capitale, ayant bien senti, depuis la suspension du journal intitulé l'Ami du peuple, par les persécutions inouies exercées contre l'auteur, que la patrie manquait de son défenseur le plus zélé et le plus ferme, viennent de se réunir à celle des Cordeliers pour inviter Marat à reprendre la plume. Convaincues que tout le bien qu'on a droit d'attendre de ce journal, si redouté des ennemis de la liberté, ne pourra s'opérer qu'autant qu'il sera répandu dans le royaume entier; elles ont désiré qu'à commencer à la reprise, il fût proposé par souscription, et au plus bas prix possible. En conséquence, le prix de la souscription, malgré l'augmentation très-considérable du prix du papier, restera fixé à 42 livres par an, 21 livres pour six mois, franc de port par la poste. La nouvelle municipalité, et surtout l'administration de la police de Paris, étant très-patriotiques, on

(1) Après cette tentative, restée infructueuse, plus tard Marat aura recours, inutilement encore, aux fonds votés au ministère de l'intérieur pour la publication d'écrits propres à éclairer la nation. Enfin, Marat s'adressera à Louis-Philippe-Joseph d'Orléans lui-même et sera refusé. Nous mettrons sous les yeux du lecteur ces documents aussi rares qu'intéressants; ils feront réfléchir les historiens et pâlir les colomniateurs, (Note du bibliographe.)

a pris les mesures convenables pour que cette feuille fût respectée à la poste et que le service s'en fit régulièrement.

<< MM. les souscripteurs sont priés de remettre le prix de leur souscription, tant de L'ÉCOLE DU CITOYEN que de L'AMI DU PEUPLE, à MM. les secrétaires des Sociétés patriotiques, affiliées à la Société des Jacobins de Paris, qui voudront bien en tenir

note.....

« Les sociétés affiliées sont priées de vouloir bien faire insérer le Prospectus dans les papiers publics de leurs départements respectifs.

Le document que nous venons de reproduire se termine par l'arrêté du club des Cordeliers, en date du 18 mars 1792. « .... Cette Société saisit avec empressement l'occasion qui se présente de donner à l'ami du peuple, l'apôtre et le martyr de la liberté, un témoignage éclatant de son estime, et de répondre à son vou. En conséquence, elle a arrêté à l'unanimité: 1° Qu'il sera fait mention civique, dans son procèsverbal, de la lettre de l'ami du peuple; 2° Que, pour répondre à sa confiance et remplir ses vues d'une manière digne du zèle de la Société,

... • •

il sera établi dans son sein une commission chargée de faire passer à toutes les Sociétés patriotiques du royaume le Prospectus de l'ouvrage que Marat se propose de publier incessamment, sous le titre de L'ÉCOLE DU CITOYEN............. »

Lecteur, avez-vous bien compris tout ce qu'il y a derrière cette mesure des Sociétés patriotiques ?... Il y a un peuple entier qui a perdu son pilote et flotte à la dérive sur l'océan des dangers publics; il y a un patriote ardent, infatigable, indomptable, enchaîné par

la misère..... Pauvre peuple! que d'efforts pour conserver ou recouvrer les droits imprescriptibles que tu tiens de la nature.

Les sacrifices que Marat, seul, s'était toujours imposés, ce sont les bons patriotes tous ensemble qui vont essayer de les réaliser; chacun fournira son. obole. Mais pour atteindre le but, il faut préalablement que chaque citoyen verse au moins la moitié du montant de sa souscription, c'est-à-dire 21 livres. Vingt et une livres !... mais combien pourront les réaliser, dans ces temps de chômage et de misère publiques ?

Encore quelques instants, et les faits que nous allons révéler vont tout expliquer.

D'abord, qu'advint-il du projet; les souscriptions firent-elles défaut ou furent-elles seulement insuffisantes? Non, elles ne firent pas défaut; mais tels qui pouvaient distraire journellement 2 sols de leur nécessaire ne purent réaliser le montant de la souscription; le nombre fut insuffisant. Néanmoins, cet appel suprême n'aura pas été fait en vain, car le journal l'Ami du peuple reparaîtra, grâce surtout aux ressources inattendues offertes par le noble dévouement d'une patriote nommée Simonne EVRARD, et qui, dans l'histoire, portera désormais, et à bon droit, le glorieux nom de veuve Marat.

Voici les faits. Marat, rentré secrètement en France, et caché rue Saint-Honoré, no 243, chez les trois sœurs Evrard, adressait à Robespierre et à Chabot des lettres où il les priait d'engager les Sociétés patriotiques à concourir à la reprise du journal l'Ami du peuple, selon la décision du club des Cordeliers. Entre temps, Marat, craignant d'abuser de l'hospitalité qu'il

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