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ouvrages qui ont surtout pour objet le but que doit se proposer une Convention nationale.

« Considérant que Marat, l'ami du peuple, riche de vertus civiques, mais pauvre comme l'était Rousseau, s'est vu enlever plusieurs fois par les satellites du despotisme les fruits de ses veilles, et ravir sa fortune dont il ne lui est resté que des dettes honorables.

« Considérant enfin qu'il est digne d'une nation de faire les frais d'ouvrages uniquement entrepris pour le triomphe de la grande cause de la Liberté et de l'Égalité.

« ARRÊTE : Que quatre commissaires pris dans son sein se retireront dès demain par devant le pouvoir exécutif, et notamment auprès de M. Roland, ministre de l'Intérieur, auquel l'Assemblée nationale a remis, par décret, un fond de cent mille livres destiné à l'impression et à la propagation d'ouvrages patriotiques, à l'effet de lui demander, à titre d'avance, la somme nécessaire pour les frais de papier, d'impression, etc., de trois nouveaux écrits dont Marat, l'ami du peuple veut gratifier la patrie.

La Section de Marseille a nommé pour commissaires les citoyens Buisson, Fréron, Dufour, Peyre, pour porter à M. Roland, ministre de l'Intérieur, l'expression de son vœu contenu dans le présent arrêté.

Signé: DANTON, président.

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- Comme on a pu le remarquer, l'arrêté de la Sec

tion de Marseille ne mentionne aucunement le titre des ouvrages en question, mais la femme Roland qui a vu, qui a fureté les documents déposés au ministère de l'Intérieur, fait connaître par ses Mémoires, qu'il y avait un traité des Chaînes de l'esclavage. D'autre part, nous savons par le prospectus, que l'École du Citoyen, proposée par souscriptions, en mars 1792, n'attendait que les fonds nécessaires pour paraître. Enfin, le troisième et dernier des ouvrages mentionnés, c'est le Développement de tous les vices de la Constitution, dite de 1791; suivi du tableau de tous les décrets à réformer pour assurer la liberté (Voyez l'Ami du peuple, no 676, du 22 juillet 1792).

Toujours dans ses Mémoires, la femme Roland prétend encore que Marat, le lendemain du 10 août, a fait enlever par son peuple quatre presses à l'Imprimerie royale. Et l'historien Michelet, se faisant le commentateur du bas-bleu politique, affirme à son tour que Marat avait, par droit de conquête, pris telles presses, tels caractères, et emporté le tout chez lui (1). Grâce aux documents, l'historien vraiment digne de ce nom ne marchera désormais que le flambeau à la main. On voit par ces tristes écarts, dont aucun n'est exempt, que nous n'avons pas encore trouvé le Tacite de la Révolution française.

C'est à l'aide d'un dossier de pièces officielles, que nous allons éclairer cette nouvelle calomnie Roland - Michelet; dossier qui a fait autrefois partie de la riche collection Laroche - Lacarelle, et dont M. Gabriel Charavay a possédé une copie conforme.

(1) Voyez son Histoire de la Révolution française, tome IV, page 69.

Voici ce curieux document publié pour la première fois par M. Louis Combes (1).

• Convention nationale, séance du 4 ventôse an III (22 février 1795).

« Un des secrétaires donne lecture d'une lettre de l'agence des lois. Elle instruit la Convention qu'au mois d'août 1792, quatre superbes presses de l'Imprimerie nationale exécutive furent enlevées par Marat, muni d'un ordre de la municipalité. Une de ces presses a coûté plus de 6,000 livres. Les ustensiles et caractères à l'usage de ces presses furent également enlevés. Le tout fut transféré aux Cordeliers, et est resté entre les mains de la veuve Marat, qui, dans ce moment, les fait rouler dans son domicile. L'agence demande à être autorisée à reprendre ces presses.

« La Convention nationale, après avoir entendu la lecture d'une lettre de l'agence de l'envoi des lois à son Comité des décrets et archives, du 2 de ce mois, décrète :

« I. Que l'agence de l'envoi des lois fera transporter de suite, dans ses ateliers, les quatre presses, ustensiles et caractères de l'Imprimerie nationale du Louvre, enlevés par Marat, d'après un arrêté du Comité de surveillance de la Commune de Paris, emplacés dans la maison nationale des ci-devant Cordeliers, et restés, depuis sa mort, à la disposition de sa veuve.

« III. L'agence des lois, sur sa responsabilité, prendra toutes les mesures nécessaires pour faire restituer ceux des ustensiles et caractères d'imprimerie, appropriés aux dites presses, qui auraient pu être divertis.

(1) Dans les Éphémérides de l'Imprimerie; réimprimé dans l'Ami du peuple du 24 septembre 1868, et dans le journal Le Réveil du 18 juillet 1869

« III. L'agence de l'envoi des lois déposera sur-lechamp au Comité des décrets et des archives les pièces probantes de l'enlèvement dont il s'agit. »

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« L'an III de la République française une et indivisible, le 4e jour de ventôse, heure de midi, nous Joseph La Croix-Chaube, membre de l'agence de l'envoi des lois, et Philippe-Daniel Duboy-Laverne, inspecteur général de l'Imprimerie nationale des lois, nous sommes transportés au Comité civil de la Section du Théâtre-Français, nous y avons requis l'assistance de deux membres dudit Comité pour l'exécution du décret ci-dessus. Et de suite nous sommes rendus avec les citoyens Charles Tuillier et Nicolas-JeanBaptiste Delaunay, membre dudit Comité, chez la citoyenne veuve Marat, demeurant rue de l'École-deSanté; nous lui avons donné lecture du décret ci-dessus, auquel elle a obtempéré, et nous conduisant dans la maison des ci-devant Cordeliers, où étaient lesdites quatre presses nationales à platines de cuivre désignées dans ledit décret, dont elle nous a fait la délivrance et que nous avons fait enlever au même instant, après avoir constaté l'identité, ainsi que les ustensiles en dépendant. Quant aux caractères, châssis et autres ustensiles de composition dont la réintégration est également ordonnée, la citoyenne veuve Marat nous ayant observé et nous étant nous-même assuré par la vérification que nous avons faite, qu'ils se trouvent en ce moment mêlés avec les caractères qui lui appartiennent, ou formant des pages en composition d'un ouvrage (1) dont elle désirait pouvoir achever le tirage, nous avons sursis à l'enlèvement jusqu'au

(1) Plan de législation criminelle, par Marat (note du bibliographe).

départ desdits caractères et au tirage des formes qu'elle s'est engagée à faire dans un bref délai. Et de tout ce que dessus avons dressé le présent procès-verbal que nous avons signé et dont nous avons délivré expédition à ladite citoyenne veuve Marat pour sa décharge. Signé : Tuillier, Delaunay, commissaires, Chaube, Duboy-Lavergne. Et le 16 ventôse, nous soussignés, ci-dessus qualifiés, nous sommes transportés de nouveau au domicile de la citoyenne veuve Marat, laquelle nous a fait la remise et délivrance de treize cent soixante-dix livres de caractères, tant cicéro que petit-romain, saint-augustin et petit-canon, de deux alphabets en grosses lettres de fonte, de huit paires de casses, de quatre paires de châssis, treize galées, un marbre, une forme et autres ustensiles qui avaient été délivrés au citoyen Marat par le directeur de l'Imprimerie nationale du Louvre, ainsi qu'il est énoncé aux divers reçus du citoyen Marat, dont nous devons faire le dépôt au Comité des décrets, suivant l'article 3 du décret ci-dessus. A Paris, les jours et an que dessus. Signé: Chaube, Duboy-Lavergne.

Inventaire des pièces qui ont été déposées par l'agence des lois au Comité des décrets, procès-verbaux et archives de la Convention nationale, conformément à l'article 3 du décret du 4 ventôse de l'an III de la République française une et indivisible.

«1° Lettre du Président de la Commission extraordinaire de l'Assemblée nationale à Anisson-Duperron, directeur de l'Imprimerie nationale du Louvre, du 23 août 1792, demandant à connaître l'ordre des commissaires du Comité de surveillance de la mu nicipalité de Paris, et la décharge donnée par Marat des presses et caractères par lui enlevés au Louvre.

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