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donner aide et appui aux pauvres, aux veuves et aux orphelins; poursuivre avec une infatigable activité les coupables de toute espèce; enfin, couvrir d'une protection assurée les droits et les propriétés de chacun, et tenir constamment le caractère de juge au-dessus de tout soupçon de corruption et d'injustice: telles sont les obligations imposées aux magistrats, et consignées dans un grand nombre de capitulaires. »>

Partagé entre plusieurs souverains, l'empire de Charlemagne finit par tomber dans un état d'épuisement et de dissolution que hâtèrent d'incessantes querelles et l'invasion répétée des barbares. Les liens politiques, successivement relâchés, se brisèrent; la royauté, affaiblie, déconsidérée, resta sans force au milieu des ruines de l'ordre social, qu'elle n'avait pu ni protéger ni défendre: de cet état de choses naquit la féodalité.

C'est alors qu'à la place de l'unité gouvernementale, la France vit des millions de nobles suzerains, ayant presque secoué le joug de l'autorité suprême, se substituer, pour tous les cas, dans une circonscription plus ou moins étendue, à la puissance souveraine.

Le pays offrait cette bizarre anomalie que l'action du pouvoir royal, paralysée et même balancée par celle des seigneurs féodaux, était la seule qui ne pût pas se faire obéir d'une manière absolue dans une partie du royaume.

La royauté se trouvait donc étouffée par la vaste

oligarchie qui avait envahi et fractionné à l'infini le gouvernement de la France; le peuple ne reconnaissait d'autres lois, d'autres règles, que la volonté de ces petits despotes.

Ne subissant plus la gêne d'une influence supérieure, les ducs, les comtes, les barons, voulurent aussi administrer la justice par eux-mêmes; ils convoquèrent de temps en temps, dans leurs châteaux, des assemblées auxquelles étaient confiées quelques-unes des attributions des anciens, placita minora; et, dans leur ignorance des lois préexistantes, ils imaginèrent des formes nouvelles pour établir la preuve des faits, pour constater les droits des parties; et ils adoptèrent une pénalité monstrueuse et cruelle qu'ils variaient selon leurs caprices. De là les épreuves des combats judiciaires, du feu, de l'eau; en un mot, les moyens étranges que la superstition et l'ignorance mirent en pratique sous le nom de jugement de Dieu.

Quelque facile que fùt l'exercice de cette magistrature accidentelle et expéditive, elle ne tarda pas à lasser la patience d'hommes toujours préoccupés de leurs propres démêlés, de leurs vues d'agrandissement, et voués d'ailleurs par inclination au métier des armes. C'est alors qu'ils se firent remplacer, dans la présidence des assemblées judiciaires, par les plus éclairés d'entre leurs vassaux. Ces délégués prirent le titre de prévôt ou de vicomte (quasi vice comitum gerentes).

Les ducs, comtes et barons s'étaient néanmoins

réservé une haute juridiction; mais ils s'en dessaisirent bientôt en faveur de magistrats d'un ordre supérieur, qu'ils instituèrent sous la dénomination de baillis et de sénéchaux, qualifications que s'attribuèrent, par la suite, les juges inférieurs dans les villes et les localités moins importantes, où se formèrent, sous leur surveillance, d'autres juridictions.

Placé au premier rang dans cette organisation judiciaire et administrative, le prévôt de Paris avait des pouvoirs immenses: il ne relevait que du roi, exerçait en son lieu et place, et pouvait, par conséquent, adresser des ordres aux magistrats des provinces. Les règlements d'administration faits par le prévôt de Paris ayant été obligatoires pour tout le royaume jusqu'à la fin du quatorzième siècle, le titre d'ordonnance leur fut appliqué comme aux décisions royales; et, quoique ces mêmes actes n'aient plus maintenant qu'un caractère municipal pour la ville de Paris, ce titre d'ordonnance est resté attaché aux arrêtés pris par le préfet de police.

Les assesseurs (rachimburgs) des anciens comtes, dont il est fait mention dans le capitulaire de Louis le Débonnaire, de 829, furent en partie remplacés par un conseil de prud'hommes auprès du prévôt de Paris, des baillis et des sénéchaux.

Philippe-Auguste plaça en 1189, le siége de la juridiction municipale au grand Châtelet, qui de

vint le château de la ville, d'où relevaient tous les fiefs du comté de Paris.

Il résulte des anciens manuscrits (collection dite de Lamoignon) que le roi saint Louis allait souvent au Châtelet, se seoir près d'Étienne Boislève, pour l'encourager à donner l'exemple aux autres juges du royaume.

De même que Louis IX fut le premier qui réunit et fit déposer à la Sainte-Chapelle les ordonnances des rois, sous le titre de Trésor des Chartes de France, le prévôt Boislève, ou Boileau, qui avait donné au Châtelet de nouvelles attributions, fut le premier qui rassembla en cahiers les actes de sa juridiction; il compléta, en outre, la série des anciennes ordonnances de police, et en forma un volume qu'on nommait le livre blanc.

Le prévôt de Paris réunissait en lui des pouvoirs d'une nature bien différente : ceux de législateur, de magistrat municipal, administrant les affaires de la commune; ceux de magistrat de l'ordre judiciaire, président du Châtelet; et enfin, ceux d'un chef militaire, car il portait l'épée à la tête des troupes dont il avait le commandement. On retrouvait l'indice de ces divers pouvoirs dans les insignes qu'il revêtait pour les grandes cérémonies 1. Une compagnie d'ordonnance, deux compagnies

'Le prévôt de Paris y paraissait vêtu d'une robe de brocart d'or, fourrée d'hermine, sur un cheval richement caparaçonné : deux pages marchaient devant lui,

de sergents, l'une à cheval, l'autre à pied, étaient sous ses ordres; on appelait ces derniers sergents à verge, les autres soldats du guet; leur commandant portait le nom de chevalier du guet. Des bourgeois, élus pour chaque quartier ou paroisse, destinés à faire exécuter les règlements de police, et que l'on nommait commissaires, jouissaient d'une considération qui diminua quand ces charges, devenues vénales, cessèrent d'être électives; ils marchaient de pair avec les officiers de la juridiction, et avaient à leur disposition chacun dix sergents.

Ne semble-t-il pas que la garde municipale, les commissaires de police et les sergents de ville actuels, soient la reproduction modifiée de ce qui existait sous le prévôt de Paris?

L'accroissement rapide de la population de la capitale, l'augmentation relative de la somme des besoins du service public, multiplièrent tellement les devoirs du prévôt, que ce magistrat dut se faire seconder, dans l'exercice de ses fonctions, par deux lieutenants, l'un pour les affaires civiles, l'autre pour les affaires criminelles.

Le Châtelet, dont le prévôt de Paris était le chef, renfermait dix siéges de justice. Dans ce nombre, quatre, le parc civil, la chambre civile, la chambre

portant, chacun au bout d'une lance, son casque et ses gantelets. (Dictionnaire de police, par Trébuchet, Elouin et Labat.)

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