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VIII

La part que j'ai prise à la révolution de juillet. Réunion des électeurs. - Réunion de députés chez Casimir Périer. - Députation des électeurs. — Commissaires insurrectionnels. Jugement du tribunal de commerce du 28 juillet 1830. — Le général Lafayette chez M. Audry de PuyraRéorganisation de la garde nationale. Le gouvernement provisoire. Nomination du lieutenant-gé

veau.

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néral.

Je n'ai ni le projet ni la prétention d'écrire l'Histoire de la révolution de juillet. Mon intention est de raconter seulement ce que j'ai vu, la part que j'ai prise à cette glorieuse résistance à l'oppres. sion, dans laquelle les citoyens ont montré tant de courage et de patriotisme en défendant la sainte cause des lois.

Lorsque j'ai à rappeler des événements d'une si haute importance, qui ont changé le gouvernement

du pays et réagi sur toute l'Europe, il y aurait trop de présomption à penser que ma coopération, quelque active et dévouée qu'elle ait pu être, ait eu la moindre influence sur l'accomplissement de cette œuvre; et si, pour être conséquent avec le plan que je me suis tracé, je me vois obligé de dire les choses qui me sont personnelles, je prie mes lecteurs de croire que je le fais avec toute l'humilité possible, et avec la conscience de la très-minime part dévolue à chacun dans une révolution à laquelle tout le monde a concouru, dans laquelle tout le monde a fait son devoir.

Les ordonnances avaient paru au Moniteur dans la matinée du 26 juillet.

Le même jour, à une heure, les membres des bureaux définitifs aux dernières élections se considérant, avec quelque fondement, comme les organes du corps électoral qui les avait choisis, se réunirent spontanément dans les bureaux du National, dont MM. Thiers et Mignet étaient alors les principaux rédacteurs.

Les électeurs renouvelèrent dans cette circonstance l'exemple donné en 89 par leurs devanciers, qui, le jour même de la prise de la Bastille, se constituèrent à l'hôtel de ville pour agir au nom de la cité.

On ne doutait pas que Charles X ne tentât les efforts les plus désespérés pour soumettre le pays à l'obéissance; on pressentait l'imminence des dangers qui menaçaient les hommes assez courageux

pour proclamer la résistance; et cependant on fut unanime sur ce point, qu'il fallait résister.

Ce principe admis, il devenait essentiel de s'entendre sur les moyens d'exécution. L'assemblée décida qu'une nouvelle réunion aurait lieu le même soir, à sept heures.

Celle-ci, beaucoup plus nombreuse, ne fut pas moins unanime dans la volonté d'agir. Cette fois, on en discuta les moyens; mais il convenait de communiquer aux députés cette grave détermination des mandataires de la capitale.

Plusieurs députés se trouvaient réunis chez M. Delaborde. Comme la démarche proposée tendait également à provoquer de leur part une protestation analogue, cinq commissaires furent chargés de cette mission: c'étaient MM. Mérilhou, Boulay de la Meurthe, Hubert, Féron et moi.

Aucun retard n'avait été mis dans notre démarche; mais les députés réunis chez M. Delaborde ayant jugé leur nombre insuffisant pour donner un caractère définitif à leurs délibérations, venaient de s'ajourner au lendemain chez Casimir Périer, chargé de convoquer tous ses collègues de l'opposition présents à Paris.

La réunion eut lieu le jour suivant, à deux heures. Les cinq commissaires-électeurs y furent admis. M. Mérilhou porta la parole en notre nom, et fit connaître en peu de mots la volonté populaire dont nous étions les interprètes. Les députés nous ayant écoutés en silence, et aucun d'eux ne répon

dant à l'orateur, l'un de nous, M. Boulay de la Meurthe, leur fit observer qu'étant venus au nom de la ville de Paris exprimer ses intentions, nous avions à rendre compte du résultat de notre démarche. « Pouvons-nous faire espérer à nos com» mettants, s'empressa-t-il d'ajouter, que vous vous >> associerez à notre résistance, ou, du moins, que » vous protestez contre un attentat aux libertés >> nationales? Que dirons-nous à ceux qui nous en>> voient? >>

M. Labbey de Pompières, en sa qualité de doyen des députés présents, nous répondit « que leur >> réunion n'avait pas un caractère officiel; que son » but était de se concerter sur ce qu'il convenait » de faire; que, d'ailleurs, ses collègues et lui ne >> formaient qu'une fraction de la chambre, et que » par conséquent aucun d'eux n'avait le droit de » parler au nom de la représentation nationale. » Puis il ajouta qu'en ce qui le concernait person» nellement, il s'associait d'intention aux efforts » des bons citoyens, et qu'il faisait des vœux pour » le succès de leur généreuse entreprise.

Nous quittâmes la réunion pour rendre compte à nos amis, dans les bureaux du National, de l'accomplissement de notre mission; et nous convînmes de nous retrouver le même soir, 27 juillet, chez M. Cadet de Gassicourt.

Je m'y rendis à sept heures et demie. Bientôt l'assemblée fut assez nombreuse pour que nous pussions nous occuper utilement.

Les boutiques étaient fermées, les réverbères brisés; plusieurs barricades avaient été détruites par les troupes royales; des charges de cavalerie venaient d'avoir lieu dans la rue Saint-Honoré, devant la maison de M. Gassicourt. C'était le commencement du combat entre la troupe et les citoyens.

Il fut décidé que douze commissaires seraient nommés, un pour chaque arrondissement, afin d'imprimer à la résistance une sage direction, et d'établir des centres d'action sur les points principaux de la capitale. On choisit, séance tenante, les douze commissaires, et l'on me désigna pour le deuxième arrondissement 1.

Dans la nuit du 27 au 28, et dans la matinée suivante, je fis tout ce qu'on attendait de moi pour seconder le mouvement 2.

A cette réunion se trouvaient, entre autres, MM. Thiers, Schonen, Chevalier, Cauchois-Lemaire, Béranger (le poëte), Boulay de la Meurthe, etc.

2 Ces faits et la plupart des précédents sont consignés dans un ouvrage contenant l'historique de la RÉVOLUTION DE JUILLET, dont je crois pouvoir extraire le passage qui suit : « La nuit du 27 au 28 et la journée du 28 furent » consacrées à faire des barricades, à rassembler des >> armes, à organiser des points de résistance. M. Audry » de Puyraveau et M. Gisquet secondèrent le mouvement » de tout leur pouvoir. M. Gisquet rassembla dans sa maison, rue Bleue, de la poudre et des armes, et sa » maison fut, pendant les journées du 28 et du 29, le

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1 M. GISQUET.

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