Page images
PDF
EPUB

partinffent point à ce comique artendrif fant, contre lequel le bon goût fe récriera toujours. Mais s'il n'eft pas poffible de tirer ces deux Pieces, d'ailleurs excellentes, d'une claffe profcrite, il eft du moins trèsfacile d'adoucir la rigueur de leur condamnation. D'abord M. Collé ne les avoit point compofées pour le Public, mais pour la récréation de fes amis, ou plutôt pour celle du Prince auquel il eft attaché; & quand on ne travaille que pour un Théatre de Société, il eft très-permis de céder aux idées d'autrui, quoique peu conformes aux principes. En fecond lieu, il s'eft expliqué fi fouvent lui-même en faveur de la bonne & vraie Comédie, contre celle à laquelle il a facrifié, qu'un jugement fi défintéreffé n'eft propre qu'à lui procurer une double gloire, l'une d'avoir fait les deux meilleures Pieces d'un genre qu'il condamne lui-même, l'autre de fa voir rendre hommage aux regles & au goût.

Ce ne fut point l'ambition de paroître qui l'engagea à donner ces deux Pieces au

Public. Quoique connu dans les meilleures Sociétés par des Chanfons, des Vaudevilles, des Parodies, des Amphigouris & d'autres Productions marquées au coin de l'agrément & de la gaieté; néanmoins une grande modeftie, beaucoup de défiance de lui-même, une juste idée des difficultés de l'Art, l'empêchoient de se produire fur le Théatre de la Nation. Il fallut que des Littérateurs éclairés, M. le Duc d'Orléans lui-même, encourageassent sa timidité, & le fiffent confentir à ne plus fouftraire au Public ce qu'on avoit fi fort goûté dans le particulier.

[ocr errors]

Dupuis & Defronnais parurent donc en 1763, avec les changemens qu'exigeoit le Théatre François. Cette Piece fut reçue avec les plus grands applaudiffemens, & les Connoiffeurs n'improuveront fon fuccès, que parce qu'elle excite les larmes, & qu'elle étoit annoncée fous le titre de Comédie. Malgré cela, fi l'on fait attention à la vérité, à l'intérêt, à la nobleffe des caracteres, on fera plus indulgent à l'égard de l'Auteur; on lui fera même

grace en faveur des fentimens qu'il déploie & du coloris qu'il leur donne.

La Chaffe d'Henri IV auroit été accueillie avec enthoufiafme, quand elle n'auroit eu d'autre effet que de rappeler un trait intéreffant de la vie d'un Monarque, dont le nom feul fuffit pour attendrir les cœurs; mais M. Collé y a joint tout l'art dont le fujet étoit fufceptible, celui de bien amener les incidens, de mettre du jeu & de la variété dans fes perfonnages, de développer l'ame de fon Héros, de faire reffortir, pour ainsi dire, de chaque Scène un intérêt qui lui eft particulier & contribue à l'effet général, de joindre enfin à l'énergie du fentiment, l'aifance & le bon ton du Dialogue, en confervant la naïveté & le coftume des mœurs du fiecle d'Henri IV.

Quoique ces deux Pieces foient bien éloignées de reffembler à nos Drames langoureux & romanefques, les fentimens particuliers que ce Poëte a fait connoître en plufieurs occasions, doivent le rendre

fenfible au reproche d'avoir contribué, par ses talens, à accréditer un gente que fes lumieres réprouvent. On peut même penfer que c'est pour rendre hommage au goût & réparer fes propres écarts, qu'il s'eft occupé à rajeunir plufieurs Pieces de notre ancienne & vraie Comédie. L'Andrienne de Baron, l'Efprit follet d'Auteroche, le Menteur de P. Corneille, doivent à fa plume une touche qui les à réparés & modernés, fi on peut fe fervir de ces termes. Il a encore retouché la Mere coquette de Quinault, fans changer autre chofe que le caractere du Marquis, perfonnage parafite & hors de nature, qu'il a fu ajuster au refte de la Piece. On ne peut être qu'étonné, après cela, de l'indifférence des Comédiens pour ces quatre Pieces. Ils en font reparoître tous les jours tant de médiocres, telles que les Amazones modernes, le faux Savant, &c. qu'il eft aifé de voir qu'ils s'occupent moins à contenter le Public qu'à le dominer, en le repaiffant des Pieces qu'eux feuls font capables d'adopter. Nous

y

ne doutons pas que les quatre dont nous venons de parler, n'euffent le plus grand fuccès, avec les corrections que M. Collé y a faites, puifqu'elles ont été fi fort applaudies avec leurs imperfections.

COLLET, [Pierre] Docteur en Théologie, né à Ternay, dans le Vendomois, mort à Paris en 1770.

mons,

Ses Ouvrages de Biographie, fes Serfes Panégyriques, écrits d'une maniere diffuse & dépourvus de goût, ne lui laiffent qu'une place médiocre parini les Littérateurs. Ses Inftitutions Théologiques, Scolaftiques & Morales, lui donnent un rang plus diftingué parmi les Théologiens. Ce Livre eft devenu claffique dans la plupart de nos Ecoles & dans les Séminaires, où l'on préfere l'orthodoxie aux fentimens particuliers de quelques Théologiens entêtés. M. l'Abbé Collet n'a pas le mérite d'écrire élégamment, ni en Latin, ni en François; mais il a dans l'une & l'autre langue celui de la clarté, de la netteté, de la méthode, qui convien

« PreviousContinue »