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mais enfin il ouvre les yeux dès que la vérité fe montre; fes erreurs ne font qu'un fommeil, & le réveil de la raison est une jufte condamnation du preftige qui l'avoit féduite.

CROIX DU MAINE, [François GRudé DE LA] né dans le Maine en 1552, mort à Toulouse en 1592.

Sa Bibliotheque Françoise est le premier Ouvrage qui ait paru en ce genre; il fuppofe beaucoup de travail, beaucoup de recherches, mais les inexactitudes en affoibliffent le mérite. On lui doit cependant de l'indulgence, parce qu'il a ouvert une carriere, & c'eft beaucoup. On fait que M. Rigoley de Juvigny en a donné une nouvelle édition avec des notes, à la tête de laquelle est un Discours préliminaire dont nous aurons occalion de parler à l'article de cet Editeur.

CUJAS, [Jacques] Profeffeur en Droit, né à Toulouse en 1520, mort à Bourges en 1590, peut être regardé comme le

Reftaurateur de la Jurifprudence parmi

nous.

Il avoit un efprit pénétrant & fécond, une facilité étonnante pour tout apprendre & tout retenir, l'art de développer & de communiquer fes idées; ce qui l'a rendu, à juste titre, un des plus célebres Profeffeurs en Droit que la France ait eus. On remarque dans fes Ouvrages le même caractere d'efprit qui préfidoit à fes leçons; même profondeur dans les idées, même clarté dans les expreffions, même ordre dans les matieres, même érudition dans les difcuffions.

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Outre cela, Cujas avoit une trempe d'ame qui le rendoit encore plus estimaque fes talens; non feulement il aidoit de fes lumieres fes Ecoliers, il foutenoit de plus, par fes dons, l'émulation de ceux qui, nés avec de l'efprit, trouvoient, dans leur peu de fortune, des obftacles à la perfection de leurs études; générosité qui le fit nommer le Pere des Etudians. Son nom eft fi révéré en Allemagne, que

les Profeffeurs fe découvrent, lorfqu'ils le citent dans leurs leçons.

Cet homme refpectable eut une fille, dont la conduite ne répondit pas à la gravité des mœurs de fon perc. Il arrivoit même fouvent que les Ecoliers quittoient affez volontiers les leçons du Profeffeur, pour fe rendre auprès de la Belle, qui ne s'inquiétoit rien moins que des formalités. Ils appeloient cela, commenter les Euvres de Cujas; plaifanterie indécente, qui ne faifoit pas honneur à leur reconnoiffance.

I.

D.

DACIER, [Anne] fille du favant

M. le Fevre, & femme de M. Dacier, née à Saumur en 1651, morte à Paris en 1720, a été la femme la plus favante ou la plus érudite que la France & peut-être les autres pays aient produite.

Perfonne n'entendoit mieux le Grec & le Latin. Ses Traductions de l'Iliade & de l'Odiffée, des Poéfies d'Anacréon & de Sapho, du Plutus & des Nuées d'Ariftophane, de l'Amphitrion, de l'Epidicus, du Rudens de Plaute, de toutes les Comédies qui nous reftent de Térence; les Commentaires fur plufieurs Auteurs Grecs & Latins, établiroient folidement la réputation d'un docte & excellent Ecrivain; à plus forte raison doivent-ils immortalifer une femme qui a rendu de fi grands fervices à la Littérature. Sa Traduction de I'lliade & de l'Odyffée eft la meilleure de

toutes celles qu'on a faites, & celle qu'on lit avec le plus de plaifir, pourvu qu'ơn ne s'attache pas à la trop abondante érudition prodiguée dans les notes.

L'efprit d'obfervation & la folidité du raifonnement égaloient dans elle les richeffes du favoir. Son Ouvrage des caufes de la corruption du goût, fera toujours, malgré les mépris de l'Auteur du Siecle de Louis XIV, un Ouvrage rempli d'analyfes exactes, de vûes faines, de réflexions fines, & de fages critiques.

On ne doit pas s'étonner qu'avec tant de mérite, Madame Dacier fe foit attiré l'admiration de tous les grands Littérateurs du fiecle dernier. Boileau lui dit, au fujet de fa Traduction d'Anacréon, que perfonne ne devoit entreprendre de traduire ce Poëte après elle, même en Vers. Un Savant d'Allemagne la pria d'infcrire fon nom avec une fentence parmi ceux des Hommes célebres qu'il avoit vus dans fes Voyages. Madame Dacier, après avoir long-temps réfifté, fe rendit à la priere de l'Etranger, & écrivit fon nom avec

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