remplacés par des gens qui ne les valent pas. On a de celui-ci un Poëme de huit cents vers, dédié à Madame la Duchelle d'Aiguillon, où la force de la poéfie & l'aifance de la verfification annoncent le vrai talent de l'Epopée, dans laquelle il eût réuffi mieux que bien d'autres qui ont ofé courir cette carriere. Le fujet du Poëme n'eft autre chofe que la Defcription du Château de Richelieu; mais dans cette Defcription, l'Auteur a l'art de déployer, d'une maniere auffi féconde que naturelle, toutes les richeffes de la poéfie. Ses vers paroiffent au deffus de fon fiecle, par l'énergie & la pureté du langage qui s'y font remarquer. Nous en citerons des morceaux qui ne dépareroient pas le ftyle du Siecle de Louis XIV. Il peint ainfi deux Captifs de marbre qui portent un balcon : On voit roidir leurs nerfs, on voit groffir leurs Vais ce col détourné, ce pied droit fufpendu, Leurs yeux font gros de pleurs, & leur vifage exprime La grandeur de leur peine & l'horreur de leur crime, Voici comme il décrit le Coloffe de Rhodes: Que l'Ifle où le Soleil chaque jour fe récrée, Et les pieds embrassant & la mer & la terre, Qui ne fentira la beauté de ce morceau, où le Poëte, d'après un des tableaux de l'antichambre du Cardinal de Richelieu, peint la Vérité que le Temps découvre ! D'un abîme fans fond & plein d'obscurité, Son teint blanc & vermeil montre fon innocence Les Princes & les Dieux redoutent la puiffance: C'eft elle qui confond l'artifice & l'erreur, Quirend aux bons l'amour, aux méchans la terreur, Il entre enfuite dans la galerię, où il fuppofe confacrées fur la toile toutes les actions mémorables du regne de Louis XIII, dont il rapporte la gloire au Cardinal. Ici, c'eft la prife de la Rochelle'; là, le fiége de Cafal. Tout eft peint avec un feu, un génie & une fraîcheur d'expreffion qui étonnent, Ce qui furprend encore plus, eft le courage avec lequel il loue le Duc de Montmorency dans la Defcription du combat de Caftelnaudary, qui lui fut fi funefte. Après avoir fait voir les deux armées aux prifes, & avoir peint d'une maniere énergique la défaite du Duc, il lui adreffe ainfi la parole: Grand Héros, qu'un excès d'amour & de valeur Et les ficcles futurs, francs de haine & d'envie, Julien Colardeau a fait encore un autre Poëme, intitulé les Victoires de Louis XIII, que nous n'avons pu nous procurer. S'il eft de la même force que celui dont nous venons de parler, on ne peut trop répéter que ce Poëte a droit de fe plaindre de l'oubli général où fes Ouvrages font enfevelis. 2. COLARDEAU, [ N.] né à Janville dans l'Orléanois, mort à Paris en 1776. Depuis fon Epitre d'Héloïfe à Abailard, il n'a rien paru de lui qui fût propre à foutenir l'idée avantageufe que cette Piece avoit donnée de fes talens. C'eft un malheur pour fa Muse de n'avoir pas toujours trouvé des modeles comme Pope. Avec un tel fecours, M. Colardeau auroit continué fans doute de joindre au mérite d'une verfification heureufe, la chaleur du fentiment, l'énergie des pensées, & la beauté des images. Malgré l'envie que nous aurions de les louer, fes Tragédies d'Aftarbé & de Califte, fon Héroïde d'Armide à Renaud, fa Traduction ou fon Imitation en vers de quelques Nuits d'Young & du Temple de Gnide, femblent être d'un autre Auteur, par la froideur & la foibleffe du style, dont les acceffoires font prefque toujours perdre de vue l'objet principal. Ces divers Ouvrages offrent cependant des traits qui laiffent entrevoir que ce Poëte auroit pu beaucoup mieux faire, s'il fe fût moins livré à fa facilité. Ses vers les plus médiocres confervent toujours le coloris de cette verfification heureufe dont nous avons parlé; mais la verfification, comme on fait, n'eft qu'une partie infuffifante du Génie poétique. COLLÉ, [Charles] Secrétaire ordinaire & Lecteur de M. le Duc d'Orléans, premier Prince du Sang, né à Paris en 1709. Nous voudrions bien que Dupuis & Defronnais, & la Chaffe d'Henri IV, n'ap |