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dant mériteroit de l'être, par la bonté de fes Ouvrages. Ce n'eft pas exagérer fon mérite, que de dire qu'il étoit un des Ecrivains les plus polis & les plus éclairés du fiecle dernier. Boffuet, qui fe connoilfoit en Littérateurs eftimables, le plaça auprès de M. le Dauphin, en qualité de Lecteur, & l'Académie Françoife le choifit, peu de temps après, pour un de fes Membres.

Nous avons de lui divers Traités de Métaphyfique, d'Hiftoire & de Politique, recueillis en un volume fouvent réimprimé. Ce Recueil contient un grand nombre d'obfervations intéreffantes, inftructives, lumineufes, dont plufieurs étoient certainement neuves lorsqu'elles parurent. Au fond des pensées, l'Auteur joint les agrémens d'un ftyle pur, net & facile. Rien de plus judicieux que le Chapitre qui concerne Hérodote; celui qui eft intitulé, de la néceffité de l'Hiftoire, de fon ufage, de la maniere dont il faut y mêler les fciences, en la faisanı lire à un Prince, eft rempli de préceptes fages, de réfle

xions faines, de critiques juftes & bien préfentées. Le Traité de la Réformation d'un Etat est un des meilleurs morceaux de politique que nous connoiffons.

Le plus connu des Ouvrages de cet Ecrivain prefque oublié, eft l'Histoire générale de la France, durant les deux premieres Races de nos Rois, en deux vol. in-folio. On a avancé qu'il l'avoit prefque achevée, fans favoir que Grégoire de Tours étoit un de nos premiers Hiftoriens. Quoi qu'il en foit, le P. Daniel l'a trop déprimée, & ce Jéfuite a eu d'autant plus de tort de la décrier, qu'il y a puisé luimême de quoi répandre un grand jour fur les premiers temps de notre Monarchie, débrouillés par Cordemoi avec beaucoup de difcernement. C'eft d'après les difficultés vaincues, qu'on doit juger du travail des hommes, & non d'après le réfultat. Il en coute plus pour faire les premiers pas dans une carriere qu'il faut fe frayer, que d'y courir avec rapidité lorfque les obftacles font levés.

Cordemoi annonce par-tour des idées

faines fur la maniere d'écrire l'Hiftoire; & celle de France en particulier; on peut en juger par quelques-unes de fes réflexions.

» Il faut, dit-il, marquer, autant qu'on "le peut, les temps & les lieux, la ma» niere dont on vivoit dans chacun des

pays qu'on parcourt dans le récit; ne raconter que les grands événemens, & n'écrire en détail que les caufes des grands changemens.

N'oublier ni les femmes, ni les enfans des Rois; mais ne parler des Rois » mêmes, qu'à propos des affaires, & ne » relever aucune circonftance de leur vie,

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qu'autant que cette cireonftance aura » contribué aux grands changemens.

Songez bien que les Rois font, à la » vérité, les plus remarquables perfonnes » de l'Hiftoire, mais que les grands chan» gemens en font le véritable fujet; que, » comme fouvent un Miniftre, & quelquefois une femme, y a plus de part que les Rois, on eft obligé, en plusieurs » endroits, de donner plus de place & de

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» relief à ce qu'a fait ce Miniftre, ou cette femme, qu'à ce que le Roi de leur temps » a fait.

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Quand les affaires publiques font le

» fil de l'Hiftoire, il est toujours fuivi: quand les Rois n'y font confidérés qu'au» tant qu'ils ont fervi à les faire chan"ger, on les y fait entrer avec bien plus d'agrément, que lorfqu'on fe met en » tête de ne parler des affaires que felon qu'elles fervent à relever ou diminuer » la gloire des Rois.

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» Il n'eft permis de fuivre toutes les années d'un Prince, & toutes fes actions » en détail, que quand on entreprend d'écrire fa Vie en particulier; alors on » peut ne parler des affaires, que pour le faire paroître tel qu'il a été mais en » écrivant l'Hiftoire d'une Nation, il ne » faut parler des Princes, que pour faire paroître quels ont été les différens ref» forts de l'Etat.

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Quand on rapporte tout à une per»fonne, les Lecteurs n'y prennent jamais

» tant d'intérêt que quand on rapporte

"tout au Public.

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Il faut infinuer dans l'Hiftoire un » amour de vertu & de quoi donner » un honnête défir de gloire; & fur-tout » faire connoître avec adreffe, en quoi » confifte la véritable gloire. On ne le » peut mieux faire, qu'en réglant le prix » des actions, par la conformité qu'elles » ont au devoir, & en faisant penser qu'il "eft bien plus louable de faire pour le » bien public quelque chofe qui paroisse » ordinaire ou médiocre, que de faire quelque chofe de fort éclatant, qui ne » lui ferve de rien, ou qui lui coute trop. Si la matiere principale de l'Hiftoire » n'eft pas la Vie des Princes, le but prin»cipal qu'on doit fe propofer en l'écri»vant, c'eft de les inftruire : & c'est une raifon de rapporter tout aux affaires.

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bliques, & de leur faire connoître qu'il

» n'y a rien de beau ou de bon à exécuter, » que ce qui rend à détourner un mal ou á à procurer un bien public ".

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