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au premier déficit de 54,769 livres 9 sous 5 deniers; ce qui portera le déficit réel et définitif, au 10 novembre 1771, à la somme de 89,551 livres 9 sous 7 deniers.

C'est de cette dernière somme que je me trouverai véritablement à découvert. Je ne m'occuperai point encore à chercher les moyens de remplacer ce déficit. J'ignore quel sera l'événement des opérations de 1772, et si la perte sur les approvisionnements sera aussi considérable qu'elle l'a été en 1771 ; j'avoue que je le crains beaucoup. Mais, quoi qu'il en arrive, j'attendrai jusqu'à ce que l'opération de cette année soit terminée, et que je sache quelle sera définitivement la perte totale: il sera temps alors de vous proposer les moyens d'y subvenir. Heureusement le temps favorable qu'on a eu cet automne pour faire les semailles, et la manière dont s'annonce la levée des blés, donnent lieu d'espérer que cette année 1772 sera le terme des misères qui nous affligent depuis si longtemps.

C'est avec beaucoup de peine, monsieur, que je vous présente un déficit aussi considérable; je crois pourtant devoir faire remarquer, pour ma justification, qu'il vous paraîtrait moins fort si, au lieu de le comparer à la totalité des fonds que j'ai reçus, vous vouliez le comparer à la totalité des opérations que j'ai faites avec ces fonds. En effet, j'ai reçu dans le cours de deux années 386,000 livres. Avec cette somme, dans le courant de ces deux années, j'ai fait entrer dans la généralité des grains de différentes natures, des riz et des fèves pour la valeur de 890,248 livres j'ai fait exécuter dans les deux années pour 303,400 livres d'ouvrages, et j'ai distribué pour 47,200 livres d'aumônes; en sorte que la totalité des opérations monte à plus de 1,240,000 livres. J'ai donc fait pour près de 855,000 livres d'opérations au delà des 386,000 livres que j'ai

reçues.

J'ose me flatter qu'un déficit de moins de 90,000 livres sur des opérations de plus de 1,240,000 livres vous étonnera moins, et que vous jugerez moins défavorablement de mon économie; peut-être même vous paraîtrai-je mériter quelque approbation : c'est la principale récompense que je désire de mon travail.

Je vous serai infiniment obligé de vouloir bien m'instruire promptement de votre décision sur l'article des gratifications et des indemnités que je vous ai proposées, afin que je puisse annoncer aux personnes qu'elles concernent le sort auquel elles doivent s'attendre.

Vous trouverez joints à cette lettre trois états, savoir: 1° le compte général des approvisionnements en grains pendant les deux années 1770 et 1771; 2° le compte général des achats de riz et de fèves, et de leur emploi, pendant ces mêmes années; 3° le tableau de la dépense des ateliers de charité, et des ouvrages exécutés pendant l'année 17711.

Je suis avec respect, etc.

FIN DES TRAVAUX RELATIFS A LA DISETTE DE 1770 ET 1771.

LETTRES AU CONTROLEUR-GÉNÉRAL

RELATIVES

1o A L'ABOLITION DE LA CORVÉE POUR LES TRANSPORTS MILITAIRES;

2o A LA RÉFORMe des droits d'octrois perçus par les villes.

PREMIÈRE LETTRE.

--

Sur l'abolition de la corvée pour les transports militaires. (Limoges, le 19 avril 1765.)

Monsieur, depuis que je suis chargé de l'administration de cette province, je n'ai pu m'empêcher d'être vivement frappé des désordres qui accompagnent le transport des équipages de troupes, auquel sont assujettis les habitants des lieux de passage et des paroisses circonvoisines; du dérangement que cette corvée apporte dans les travaux de l'agriculture, et de l'impossibilité d'y mettre un ordre qui en adoucisse le joug. Je me suis occupé, en conséquence, des moyens que l'on pourrait employer pour faire remplir ce service d'une manière moins onéreuse à la province. J'ai su que depuis longtemps les états de Languedoc ont pris le parti de traiter avec des entrepreneurs qui se chargent de faire ces transports aux dépens de la province moyennant un prix convenu, et qu'en 1752 M. de Beaumont, alors intendant de Franche-Comté, rendit à cette province le service d'y introduire le même usage qui s'y est perpétué, mais qui n'a encore été étendu à aucune autre.

J'ai cru que vous ne trouveriez pas mauvais que je procurasse le même avantage à la généralité de Limoges, en faisant un marché avec des entrepreneurs qui s'engageraient, comme en Languedoc et en Franche-Comté, à fournir les voitures et les chevaux.

1 Ces trois pièces n'ont pas été données par Dupont de Nemours. (E. D.)

Ces entrepreneurs établiraient dans chaque lieu d'étape des soustraitants, commis ou agents, qui conduiraient les troupes d'un gîte à l'autre; mais ne pourraient faire de fournitures que sur un ordre expédié par le subdélégué dans le lieu du départ, et visé ensuite par le subdélégué ou autre personne de confiance à ce commise dans celui de l'arrivée. Ce visa constatera que la fourniture ordonnée aura été faite, et sera la pièce justificative sur laquelle l'entrepreneur touchera le payement des chevaux compris dans l'ordre qu'il aura rapporté.

Je pense que, pour assurer le service et l'économie dans ce service, il devra être payé comptant. Le retard du payement renché, rirait le service d'une manière beaucoup plus dispendieuse que ne seront les moyens d'en procurer l'avance.

Cette espèce de fourniture est sujette à trop de variétés imprévues, pour qu'il soit praticable d'imposer tous les ans une somme fixe qui en paye la dépense; mais l'intendant peut être autorisé par un arrêt du Conseil, pour tout le temps que durera le traité, à imposer chaque année le montant du compte qu'il arrêtera des fournitures payées par le préposé du receveur général; et, pour dédommager celui-ci de l'avance qu'il en aura faite, on lui passera dans son compte le sou pour livre en sus. Outre ce sou pour livre, l'arrêt du Conseil permettrait l'imposition d'un autre sou pour livre pour frais de recouvrement, dont quatre deniers seraient attribués aux collecteurs, quatre aux receveurs des tailles, et quatre au préposé chargé des avances dans la caisse duquel les receveurs particuliers versent les deniers de l'imposition; au moyen de quoi ce préposé aurait seize deniers pour livres du montant de ses avances.

Ce serait trop si l'argent lui rentrait exactement aussitôt après son compte rendu; car, ses avances étant faites à différents temps dans le courant de l'année, il y en aura toujours une partie dont il ne pourrait réclamer l'intérêt pour l'année entière; mais il faut considérer que ces fonds ne lui rentreront qu'après le recouvrement de l'imposition, et que ce recouvrement, suivant la même marche que celui des impositions ordinaires, il ne pourra le plus souvent être achevé que dans le courant de la seconde année. En envisageant la chose sous ce point de vue, l'avantage fait au préposé ne paraîtra pas trop fort. Il est indifférent que le commis à la recette générale chargé de ces avances les fasse en son propre nom, ou dans sa qualité de commis

à la recette; et il ne serait pas difficile de trouver un autre homme qui les fasse aux mêmes conditions.

Rien ne sera plus simple que le compte à rendre de sa gestion. Il ne s'agit que de faire un relevé des ordres donnés pour la fourniture, sur lesquels on aura payé, et qui auront été gardés quittancés pour servir de pièces justificatives au compte.

Je ne vois pas qu'il puisse se glisser aucun abus dans cette comptabilité. L'unique crainte qu'on pourrait avoir serait qu'il ne fût donné des ordres pour une plus grande quantité de fournitures que celles qui doivent être accordées aux troupes suivant l'ordonnance. Mais un pareil abus est tout aussi possible quand les fournitures sont faites en nature que quand elles seront faites en argent. Il sera toujours moins onéreux dans ce dernier cas, et il doit même être moins commun, puisque le payement des fournitures fera nécessairement passer tous les ordres sous les yeux de l'intendant, qui pourra, s'il apercevait qu'il en eût été donné mal à propos, prendre les précautions convenables pour réprimer cet abus commis, et empêcher de le renouveler.

Peut-être est-ce dans cette vue qu'on a établi en Franche-Comté un inspecteur de ces fournitures, dont les appointements sont passés en dépense. Mais j'espère que je pourrai me passer d'inspecteur; sauf à tenir compte au préposé de quelques menues dépenses en frais de régie, qu'il sera obligé de faire pour assurer le service dans quelques cas pressés.

Je désire beaucoup que vous approuviez le projet d'arrêt du Conseil que je vous soumets pour remplir ces vues et organiser cet établissement.

Avant de vous rien proposer, j'ai cherché à m'assurer d'un entrepreneur; je n'ai pu trouver que deux particuliers qui aient voulu se charger de cette fourniture, et je leur ai fait faire la soumission que je joins à cette lettre. Vous verrez par cette soumission que je suis obligé de donner quatre francs par cheval; mais aussi les entrepreneurs se contentent de l'étape pour leur tenir lieu des vingt sous d'ordonnance dont ils sont privés.

J'ai encore été obligé de passer aux entrepreneurs le prix d'une demi-journée par cheval pour les séjours que font les troupes suivant leurs routes. Cette augmentation m'a paru indispensable, parce que la rareté des chevaux dans cette paroisse, où les travaux se font

avec des bœufs, mettra les entrepreneurs dans l'impossibilité de fournir des chevaux à chaque lieu d'étape : ils seront forcés par conséquent de conduire les équipages avec les mêmes chevaux depuis l'entrée de la généralité jusqu'à la sortie, et par conséquent de les nourrir sans rien faire pendant les séjours.

Mais je ne crois pas que cette légère augmentation dans les prix doive mettre obstacle à un établissement dont l'avantage et la nécessité me sont aussi démontrés. D'ailleurs, il y a grande apparence que ces prix diminueront dans la suite. Lors du premier marché passé par M. de Beaumont, le prix était de cent sous par cheval. Il a diminué depuis à chaque renouvellement. Les entrepreneurs ne traitent qu'en tremblant lorsqu'il s'agit d'un établissement nouveau dont ils ne connaissent pas encore la portée; c'est par cette raison que je n'ai voulu traiter dans ce premier moment que pour une seule année. Je ne pense pas que vous trouviez aucune difficulté dans la forme. J'espère aussi que la soumission dont j'ai l'honneur de vous envoyer copie suffira pour rendre l'arrêt dans lequel vous autoriserez ce traité. Je compte bien en rédiger les conditions dans une forme plus étendue, et y spécifier en détail les différentes précautions auxquelles doivent être assujettis les entrepreneurs pour assurer le service. Mais j'ai désiré, avant de mettre la dernière main à cet engagement, d'avoir votre approbation. D'ailleurs, la rédaction de ces différentes clauses exige beaucoup de réflexions et un travail assez long, et je n'ai pas cru pouvoir trop hâter le moment de délivrer cette province d'un joug très-onéreux, en profitant sans délai de l'offre des entrepreneurs.

Je vous serai très-obligé de vouloir bien faire expédier l'arrêt que j'ai l'honneur de vous demander, et de me faire part de votre décision à cet égard le plus tôt qu'il vous sera possible.

En vous proposant, monsieur, le plan contenu dans cette lettre, et en vous le présentant comme infiniment moins onéreux aux peuples que les fournitures en nature qui ont eu lieu jusqu'ici, je sens que vous ne devez pas m'en croire sur ma parole, et je dois sans doute vous développer les motifs qui déterminent ma façon de penser. Je suis cependant retenu par la crainte de ne vous dire que des choses trop connues, et qui n'ont véritablement éprouvé aucune contradiction lorsque M. de Beaumont a proposé, en 1752, un arrangement de la même nature pour la Franche-Comté. Cependant, l'exemple

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