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affichée partout où besoin sera, notamment dans la ville de Turenne, à ce que personne n'en prétende cause d'ignorance. Mandons au sieur Salès, notre subdélégué à Brive, de tenir la main à son exécution. Fait à Limoges, le 23 mars 1770.

3 avril 1770.

DE PAR LE ROI. ANNE-ROBERT-JACQUES TURGOT, etc. Étant informé que, nonobstant les dispositions de la déclaration du roi du 25 mai 1763 et de l'édit du mois de juillet 1764, par lesquelles Sa Majesté a permis à toutes personnes de faire commerce de grains, et de faire tels magasins qu'ils jugeront nécessaires, sans qu'ils puissent être recherchés, inquiétés ou astreints à aucunes formalités, le sieur lieutenant de police de la ville d'Angoulême s'est cru autorisé à rendre une ordonnance par laquelle il a fait défense à toutes personnes ayant du grain dans leurs maisons en magasin ou autrement, d'en retenir au delà de ce qui leur est absolument nécessaire pour leur subsistance et celle de leur famille, et il leur a enjoint d'en faire conduire au marché la plus grande quantité possible, à peine, contre ceux qui retiendraient des grains au delà de leur provision, de mille livres d'amende; il a en outre enjoint à tout grènetier conduisant du grain dans ladite ville d'Angoulême de le conduire droit au marché, sans pouvoir en décharger ni serrer ailleurs, à peine de cent livres d'amende tant contre lesdits grènetiers que contre ceux qui arrheraient, achetèraient ou serreraient les grains sur les chemins ou dans la ville et faubourgs; il a de plus fait défense aux grènetiers de remporter chez eux après le marché les grains non vendus, et il leur a ordonné de les mettre dans un dépôt indiqué par ledit sieur lieutenant de police; enfin il a fait défense aux meuniers d'acheter aucune espèce de grains, soit sur les chemins, soit au marché, sans la permission dudit sieur lieutenant de police;

Et attendu que non-seulement ladite ordonnance est directement contraire à la déclaration du 25 mai 1763 et à l'édit du mois de juillet 1764; que non-seulement elle donne atteinte aux droits de propriété et à la liberté du commerce des grains, que Sa Majesté a établie par une loi perpétuelle et irrévocable; mais que de plus elle tend d'un côté à irriter le peuple contre les propriétaires et les marchands de grains, et par conséquent à lui rendre odieuses les

seules personnes de qui il puisse attendre des secours; que de l'autre, en intimidant les marchands de grains, en gênant leur commerce, et en faisant dépendre leur sort de décisions et permissions arbitraires, elle ne peut avoir d'autre effet que de les écarter des marchés de la ville d'Angoulême; qu'en interdisant à toutes personnes d'avoir du grain dans leurs maisons ou magasins au delà de leur subsistance et de celle de leur famille, elle prohibe équivalemment tout commerce de grains, et rend impossible l'approvisionnement non-seulement de la ville d'Angoulême, mais encore de plusieurs provinces, puisque, dans les circonstances fâcheuses où la médiocrité des récoltes a réduit l'Angoumois, le Limousin et une partie du Poitou et du Périgord, les peuples ne peuvent être alimentés que par les grains achetés dans d'autres provinces, ou en pays étranger par les marchands, soit d'Angoulême, soit d'autres lieux; que lesdits grains ne peuvent arriver à leur destination qu'après avoir été débarqués et entreposés dans les magasins du faubourg de l'Houmeau, sous Angoulême; que, par toutes ces raisons, ladite ordonnance compromet de la manière la plus imprudente la tranquillité publique et la subsistance des peuples tant d'Angoulême que des provinces voisines; qu'il est d'autant plus pressant de prévenir les dangers qui pourraient en résulter, que plusieurs chargements de grains achetés par différents négociants et destinés soit pour la ville d'Angoulême, soit pour l'intérieur des deux provinces d'Angoumois et du Limousin, sont déjà arrivés à Charente et embarqués sur la rivière pour être transportés à Angoulême; et que l'exécution de ladite ordonnance obligerait les marchands ou à contremander lesdits grains pour les soustraire à la vente forcée qu'on voudrait leur prescrire, ou à les vendre tous dans le même lieu, au risque de déranger le cours de leur commerce et de priver les autres parties de la province de leur subsistance étant d'ailleurs instruit que le marché qui a suivi la publication de ladite ordonnance a été très-tumultueux, qu'il a été nécessaire d'y employer main-forte pour contenir la populace, et qu'il est à craindre qu'il n'arrive de plus grands désordres dans les marchés suivants; nous avons cru, dans des circonstances aussi urgentes, ne pouvoir apporter trop de célérité à prévenir les maux que pourrait entraîner l'exécution de ladite ordonance. A l'effet de quoi,

:

Nous ordonnons que la déclaration du 25 mai 1763 et l'édit du

mois de juillet 1764 seront de nouveau publiés et affichés dans la ville d'Angoulême, afin que personne n'en ignore; et que lesdites lois, et notamment les articles I et XI de ladite déclaration seront exécutés selon leur forme et teneur; en conséquence, que, sans s'arrêter à ladite ordonnance du sieur lieutenant de police d'Angoulême, il sera libre à toutes personnes de vendre et d'acheter les grains, tant dans les marchés qu'ailleurs, lors et ainsi que bon leur semblera, comme aussi de les porter et faire porter librement partout où ils le jugeront à propos, et généralement d'en disposer ainsi et de la manière qu'ils aviseront. Faisons défense à toutes personnes d'exécuter ladite ordonnance du sieur lieutenant de police, en ce qui concerne les défenses ci-dessus énoncées; ordonnons que les personnes emprisonnées sous prétexte de contravention à ladite ordonnance, si aucunes y a, seront mises en liberté; à ce faire le geôlier contraint. Mandons au sieur Boisbedenil, notre subdélégué à Angoulême, de tenir la main à l'exécution de notre présente ordonnance; laquelle sera lue, publiée et affichée dans la ville d'Angoulême, au faubourg de l'Houmeau, et partout où besoin sera. Fait à Limoges, le 3 avril 1770'.

XII. ARRÊT DU CONSEIL D'ÉTAT DU ROI,

QUI ORDONNE QUE, SANS S'ARRÊTer a l'ordonnANCE DU LIEUTENANT DE POLICE de la VILLE D'ANGOULÈME DU 30 MARS 1770, IL SERA LIBRE A TOUTES PERSONNES DE VENDRE ET D'ACHETER DES GRAINS TANT DANS LES GRENIERS QUE DANS LES MARCHÉS, LORS ET AINSI QUE BON LEUR SEMBLERA, EN EXÉCUTION DE LA DÉCLARATION DU 25 MAI 1763 ET DE L'ÉDIT du mois de JUILLET 1764. (8 avril 1770.)

(Extrait des registres du Conseil d'État.)

Le roi étant informé que le lieutenant de police de la ville d'Augoulême a rendu une ordonnance par laquelle il fait défense à

· L'ordonnance qu'on vient de lire avait été rendue pour arrêter provisoirement, et le plus promptement possible, le mauvais effet de celle que s'était permise le lieutenant de police d'Angoulême. Mais l'infraction de la loi, par un magistrat spécialement chargé de la police, parut à M. Turgot d'une si grande et si dangereuse conséquence, qu'en même temps qu'il la réprimait directement, il crut devoir être appuyé dans cette mesure par un arrêt du Conseil. Sa demande à ce sujet fut portée par un courrier, qui rapporta en effet l'arrêt du Conseil proposé par M. Turgot. (Voyez la pièce suivante.) (Note de Dupont de Nemours.)

toutes personnes ayant des grains dans leurs maisons en magasin ou autrement, d'en retenir au delà de ce qui leur est absolument nécessaire pour leur subsistance et celle de leur famille, et leur enjoint d'en porter au marché d'Angoulême la plus grande quantité possible, à peine contre ceux qui en retiendraient au delà de leur provision, de 1,000 liv. d'amende, et de plus grande peine s'il échoit; que de plus il est enjoint par cette ordonnance, à tous grènetiers conduisant du blé à Angoulême, de le décharger directement au marché sans pouvoir en conduire ni serrer ailleurs à peine de 100 livres d'amende ; qu'enfin il est fait défense auxdits grènetiers de remporter chez eux, après le marché, les grains invendus, qu'il leur est ordonné de mettre dans un dépôt que ledit lieutenant de police indiquerait, et aux meuniers d'acheter aucune espèce de grains, même aux marchés, sans la permission dudit lieutenant de police; Sa Majesté a reconnu que cette ordonnance, directement contraire à la déclaration du 25 mai 1763 et à l'édit du mois de juillet 1764, compromettrait la tranquillité et la subsistance des peuples, tant de l'Angoumois que du Limousin et d'une partie du Périgord, qui, dans les circonstances fâcheuses où la médiocrité des récoltes a réduit ces provinces, ne peuvent être alimentés que des grains étrangers que le commerce fait importer par la Charente, et dont la ville et le faubourg d'Angoulême sont et doivent être l'entrepôt par leur situation; que cette ordonnance, proscrivant tout emmagasinement à Angoulême, et enjoignant de conduire au marché tous les grains qui seraient portés dans cette ville, en écarterait nécessairement les négociants par la crainte de cette gêne, et priverait la ville d'Angoulême de la subsistance qu'elle a lieu d'espérer, ou empêcherait les négociants qui y auraient fait arriver des grains, et qui, suivant cette ordonnance, seraient tenus de les porter au marché sans pouvoir les remporter, quoiqu'invendus, de les faire circuler dans les provinces voisines qui éprouvent la disette, et les ferait tomber dans la famine; qu'il est d'autant plus pressant de prévenir ce danger, que plusieurs chargements de grains achetés par différents négociants, et destinés soit pour Angoulême, soit pour les autres provinces, sont déjà arrivés à Charente et embarqués sur la rivière pour être transportés à Angoulême et suivre leur destination, que cette ordonnance arrêterait; que, d'ailleurs, elle tendrait

à irriter le peuple contre les propriétaires et les commerçants de

grains, et à lui rendre odieuses les personnes de qui, dans les circonstances, il doit attendre les plus grands secours; et Sa Majesté étant en effet informée que le marché qui a suivi la publication de cette ordonnance a été très-tumultueux; qu'enfin la conduite du lieutenant de police est trop répréhensible et serait d'un exemple trop dangereux pour pouvoir être tolérée; que non-seulement il a osé contrevenir à des lois données par Sa Majesté et qu'il est du devoir de tous les juges de faire exécuter, et a compromis la subsistance de plusieurs provinces, mais qu'il s'est réservé le droit de donner, dans certains cas, des permissions particulières. A quoi étant nécessaire de pourvoir, ouï le rapport du sieur abbé Terray, conseiller ordinaire au Conseil royal, contrôleur-général des finances, le roi étant en son Conseil, ordonne que la déclaration du 25 mai 1763 et l'édit du mois de juillet 1764, et notamment les articles 1 et 2 de ladite déclaration, seront exécutés selon leur forme et teneur; en conséquence, que, sans s'arrêter à ladite ordonnance du lieutenant de police d'Angoulême que Sa Majesté a cassée et annulée, il sera libre à toutes personnes de vendre et d'acheter des grains, tant dans les greniers que dans les marchés, lors et ainsi que bon leur semblera, comme aussi de les porter et faire porter librement partout où ils jugeront à propos. Fait Sa Majesté défense à toutes personnes d'exécuter, quant à ce, ladite ordonnance du lieutenant de police d'Angoulême; ordonne que les personnes emprisonnées en conséquence de cette ordonnance, si aucunes y a, seront mises en liberté en vertu du présent arrêt, à quoi faire les geôliers contraints, quoi faisant déchargés; ordonne au sieur Constantin de Villars, lieutenant de police, qui a signé ladite ordonnance, de se rendre incessamment à la suite du Conseil pour rendre compte de sa conduite; enjoint au sieur intendant et commissaire départi dans la généralité de Limoges, de tenir la main à l'exécution du présent arrêt, qui sera imprimé, publié et affiché partout où besoin sera. Fait au Conseil d'État du roi, Sa Majesté y étant, tenu à Versailles le 8 avril 1770 1.

Voyez, tome II, Actes du ministère de Turgot, l'ensemble des dispositions relatives à la liberté du commerce des grains. (E. D.)

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