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M. le comte de Mailly de faire purifier toutes les paroisses qui ont pu être infectées dans l'étendue de son département.

Quant au Languedoc, au Quercy, et à la partie de la généralité d'Auch qui avoisine le Languedoc, M. le comte de Périgord sera autorisé à y faire agir toutes les troupes qui sont ou qui seront mises à ses ordres, pour entamer les opérations de ce côté par autant de points qu'il le jugera nécessaire, d'après la quantité de troupes qu'il pourra employer et les connaissances qu'il aura du local.

M. le comte de Fumel, avec les troupes qui sont et qui seront mises à sa disposition, commencera par faire désinfecter tout ce qui peut avoir été attaqué de la maladie, soit dans la Saintonge, soit dans le Périgord, et surtout dans les environs de Libourne, afin de circonscrire d'abord la maladie derrière la Dordogne et d'y replier ses postes. La cavalerie répandue dans la Saintonge et dans le Périgord suffira pour veiller sur les points où la contagion pourrait reparaître, et s'y porter pour l'étouffer. Il faudra ensuite nettoyer l'entre-deux mers, afin de donner à la maladie la Garonne pour limites. M. le comte de Fumel jugera alors, d'après la connaissance qu'il a des lieux, du nombre de points par lesquels il attaquera la maladie et la repoussera en resserrant toujours ses limites. Sans doute il s'attachera à nettoyer le Médoc et les environs de Bordeaux pour ne rien laisser derrière lui. Il serait à désirer qu'on pût attaquer le plus tôt possible le Condomois. Il paraît, par les rapports du sieur Vicq-d'Azir, que c'est le foyer de contagion le plus actif et le plus permanent, parce que c'est le canton où l'aveugle crédulité dans des recettes de charlatans, et l'obstination à laisser communiquer les bêtes saines avec les bêtes malades, ont mis le plus d'obstacles aux précautions qui pouvaient seules ralentir les progrès du mal.

M. le comté d'Amou, de son côté, peut, avec les troupes des garnisons de Bayonne et de Saint-Jean-de-Luz, travailler à désinfecter le pays de labour et pousser ensuite ses cordons et ses détachements soit dans l'intérieur de la Guyenne, soit vers les vallées qui peuvent avoir été infectées, soit du côté des Landes.

Le roi a cru convenable de ne point circonscrire les pouvoirs de ces trois commandants aux limites de leurs commandements respectifs; il a jugé nécessaire, au contraire, qu'ils suivissent chacun les opérations des troupes qu'ils auraient commencé à mettre en mouvement; qu'ils poussassent chacun devant eux l'ennemi

commun, en concertant ensemble leur marche et leurs opérations, jusqu'à ce qu'ils l'eussent resserré de tous côtés, en se rapprochant au poiut de vaincre entièrement et d'anéantir ce fléau.

Sa Majesté a pensé que, dans une circonstance aussi pressante et aussi intéressante pour le bien de ses peuples, il fallait s'élever au-dessus des règles ordinaires et ne consulter que la célérité du service, qui certainement gagnera à ce que chaque commandant puisse ordonner partout où il pourra porter les forces dont il dispose.

Elle connaît trop les sentiments dont sont animés ceux qu'elle charge de cette opération importante, pour ne pas se tenir assurée qu'ils répondront par le plus grand concert à la confiance qu'elle leur témoigne.

Il est superflu d'observer que la maréchaussée doit partout concourir avec les troupes aux opérations qui seront ordonnées.

MM. les intendants recevront, de leur côté, les instructions les plus précises pour se concerter avec MM. les commandants dans les ordres qu'ils auront à donner pour concourir au même but.

Ils sont chargés de faire payer sur-le-champ aux propriétaires le tiers de la valeur des bestiaux qu'il faudra sacrifier. Ils pourvoiront pareillement aux dépenses qu'exigera la purification des étables.

Le roi les a aussi autorisés à faire payer une gratification ou supplément de paye de deux sous par jour aux soldats et bas-officiers employés à toutes les opérations, soit des cordons, soit de la visite des paroisses.

A l'égard des officiers, le roi se réserve de leur donner des marques de sa satisfaction sur le compte qui lui sera rendu de leur conduite par les commandants sous les ordres desquels ils auront été employés.

Le roi croit possible, avec le nombre de troupes qu'il fait marcher pour cette opération, de la consommer entièrement, et d'éteindre absolument la contagion dans l'espace d'environ deux mois, et il désire très-vivement qu'on puisse y parvenir avant le retour des chaleurs qui, rendant les levains pestilentiels plus actifs et plus pénétrants, rendraient peut-être l'exécution des précautions prescrites moins sûre et moins efficace.

Il sera bien essentiel, quand l'opération sera entièrement terminée, de veiller encore quelque temps avec la plus grande attention pour être averti de tous les retours de la maladie, et pour

être en état de se porter avec la plus grande célérité dans les lieux où elle pourrait se remontrer, afin de l'y éteindre sur-le-champ.

Une autre attention non moins importante est de s'assurer, par les informations les plus exactes, si cette maladie a pénétré en Espagne, et si elle y subsiste encore; car dans ce cas il serait indispensable de conserver un cordon sur la frontière pour empêcher toute introduction de bestiaux ou de cuirs venant d'Espagne.

ARRET DU CONSEIL D'ÉTAT, du 29 octobre 1775, qui proroge les gratifications accordées par l'arrêt du 8 janvier 1775 par chaque mulet ou cheval propre à la charrue qui sera vendu dans les marchés des provinces dévastées par l'épizootie.

Le roi s'étant fait représenter, en son Conseil, l'arrêt rendu le 8 janvier de la présente année, portant qu'il sera payé différentes primes d'encouragement pour les chevaux ou mulets vendus, dans différentes époques, dans les marchés y désignés; et Sa Majesté ayant reconnu que les circonstances qui l'avaient portée à accorder ces encouragements subsistent encore, et qu'il ne pourrait être que très-utile au bien de ses provinces méridionales, dévastées par la maladie des bestiaux, de continuer le même encouragement, et de proroger les époques fixées par ledit arrêt et qui sont expirées : ouï le rapport du sieur Turgot, etc.; le roi étant en son Conseil, ordonne que l'arrêt du 8 janvier 1775 sera exécuté selon sa forme et teneur. Veut en conséquence Sa Majesté que les époques fixées par ledit arrêt soient prorogées : savoir, celle fixée au 20 du mois de février par les articles I et II dudit arrêt, au 1er février 1776; celle fixée par l'article III au 20 mars dernier, au 1er mars prochain; et celle fixée par l'article IV au 20 avril, au 1er avril 1776. Veut au surplus Sa Majesté que les formalités prescrites par ledit arrêt soient observées selon leur forme et teneur, par ceux qui désireront recevoir lesdites gratifications.

ABRÈT DU CONSEIL D'ÉTAT, du 1er novembre 1775, concernant l'exécution des mesures ordonnées par le roi, pour arrêter les progrès de la maladie épizootique dans les provinces qui en sont affligées.

Sur le compte qui a été rendu au roi, étant en son Conseil, des ravages que la maladie épizootique continue de faire dans les provinces méridionales, et des progrès qu'elle a même eus par la négligence des propriétaires de bestiaux à se conformer aux précautions ordonnées, Sa Majesté a jugé à propos de prendre de nouvelles me

sures pour prévenir les suites funestes de cette négligence, et préserver ces provinces et tout son royaume des malheurs que cette contagion peut y occasionner. Rien ne lui a paru plus pressant que de faire connaître ses intentions sur l'autorité qui doit procéder à l'exécution de ses ordres ; et comme les circonstances présentes sont hors de l'ordre commun, comme Sa Majesté espère que les mesures qu'elle prend les feront cesser dans peu de temps, elle a pensé qu'elle devait, tant que ces circonstances subsisteront, confier exclusivement l'exécution de ces mesures aux commandants et officiers de ses troupes, et aux intendants et commissaires départis dans ses provinces. Quels que soient le zèle et l'activité, tant de ses Cours de Parlement que de ses juges ordinaires, pour le bien de ses sujets, Sa Majesté a cru que le concours de plusieurs autorités sur un même objet pourrait porter du trouble et de la confusion dans le service, et offrir un prétexte à ceux qui voudraient se soustraire à ses ordres : Sa Majesté a aussi jugé à propos de faire connaître de nouveau ses intentions sur l'exé cution des arrêts de son Conseil précédemment rendus, et de prescrire d'une manière précise les précautions qu'elle veut qui soient prises à l'avenir. A quoi voulant pourvoir, ouï le rapport du sieur Turgot, etc.; le roi étant en son Conseil, a ordonné et ordonne ce qui suit :

Art. 1er. Les commandants en chef chargés des ordres du roi pour l'extinction de l'épizootie, et les intendants et commissaires départis dans les provinces, ou ceux qui en seront chargés par eux, donnerout seuls les ordres relatifs à cette opération importante: veut en conséquence Sa Majesté que, sans s'arrêter aux dispositions de l'arrêt de sa Cour de Parlement de Toulouse, du 27 septembre dernier, ni à tous autres pareils qui auraient été rendus ou pourraient l'être à l'avenir, les officiers municipaux ou syndics de paroisses ne puissent assembler leurs communautés autrement que par les ordres desdits commandants en chef ou intendants. Leur fait pareillement Sa Majesté très-expresses inhibitions et défenses de reconnaître pour ledit service aucune autre autorité.

II. Les arrêts du Conseil d'État du roi, des 18 décembre 1774 et 30 janvier dernier, seront exécutés selon leur forme et teneur, concernant l'assommemeut des bestiaux dans les lieux où il sera ordonné, conformément aux instructions qui seront adressées par le roi auxdits commandants et intendants, et aux ordres qu'ils donneront en conséquence.

III. Dans tous les lieux où l'assoinmement des animaux malades aura été ordonné en vertu de ladite autorité, seront tenus tous propriétaires de bestiaux de dénoncer ceux qui seront tombés malades, dans les vingt-quatre heures du moment où les premiers symptômes se seront manifestés, sous peine de 500 livres d'amende ; et il sera fait par les troupes des visites et

perquisitions dans toutes les étables, écuries, granges et autres bâtiments, à l'effet de découvrir les contraventions.

IV. Les animaux qui auront été dénoncés seront visités par experts; et dans le cas où ils auraient été reconnus attaqués de la maladie épizootique, ils seront sur-le-champ assommés et enterrés, conformément aux arrêts du Conseil rendus, et aux instructions imprimées et publiées sur cet objet, sans que les propriétaires puissent les conserver, sous le prétexte de les faire traiter par des méthodes dont l'expérience a démontré l'illusion, et sans s'arrêter aux dispositions de l'arrêt du 2 septembre 1775, rendu par sa Cour de Parlement de Toulouse, qui paraît autoriser ledit traitement, ni à tous autres arrêts rendus ou à rendre, dont les dispositions seraient contraires à celles du présent arrêt.

V. Il sera payé par les ordres de l'intendant et commissaire départi, à ceux dont les bestiaux auront été assommés, le tiers du prix desdits bestiaux, sur l'estimation qui en sera faite conformément aux dispositions des arrêts du Conseil d'État du roi, des 18 décembre 1774 et 50 janvier 1775, dans le cas seulement où la déclaration en aura été faite par le propriétaire au temps prescrit par l'article précédent : dans le cas où ladite dénonciation n'aurait pas été faite, lesdits propriétaires, outre l'amende à laquelle ils seront condamnés, seront privés de cette indemnité.

VI. Dans le cas où la nécessité de conserver les provinces saines obligerait de faire passer les bestiaux sains ou malades d'un lieu dans un autre, il y sera procédé par les ordres du commandant en chef ou de l'intendant et commissaire départi ; et il sera pris par ledit intendant les mesures nécessaires pour en assurer le prix en entier aux propriétaires, dans le cas où lesdits animaux résisteraient à la contagion.

VII. Fait Sa Majesté très-expresses inhibitions et défenses à tous propriétaires de bestiaux, de quelque qualité et condition qu'ils soient, de faire refus d'exécuter ou de laisser exécuter les ordres du roi qui leur seront notifiés par les officiers ou soldats, à peine de 500 livres d'amende; et dans le cas de rébellion, à peine d'être poursuivis extraordinairement selon la rigueur des ordonnances.

VIII. Il est pareillement fait défenses à tous propriétaires de bestiaux ou autres de conduire d'un lieu à un autre, ou de transporter des peaux ou des cuirs ou autres matières capables de répandre la contagion, qu'ils ne soient porteurs de permission par écrit des officiers qui commanderont dans le lieu, ni de contrevenir à aucune des ordonnances qui seront données et publiées par le commandant ou intendant, sous peine de 500 livres d'amende, ou telle autre peine portée par lesdites ordonnances.

IX. Sa Majesté attribue toute cour et juridiction en dernier ressort aux intendants et commissaires départis, pour prononcer les amendes qui seront encourues, même pour procéder extraordinairement contre ceux qui auraient fait rébellion; les autorisant Sa Majesté, pour les affaires criminelles, à prendre avec eux le nombre de gradués requis par les ordonnances, et de nommer telles personnes capables et qu'ils jugeront à propos pour remplir les fonctions de procureur du roi et de greffier; les autorisant pareillement à subdéléguer pour rendre tous jugements d'instruction, même de règlement à l'extraordinaire et autres, en se conformant par eux aux règles et ordonnances du royaume sur la matière criminelle, et notamment à celle de 1670 et Sa Majesté interdit à toutes ses Cours et autres juges la

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