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40 DÉCLARATIONS, ÉDITS, ETC., RELATIFS A LA MALADIE ÉPIZOOTIQUE

DE 1774.

ARRÊT DU CONSEIL D'ÉTAT, du 18 décembre 1774, contenant des dispositions pour arrêter les progrès de la maladie épizootique dans les provinces méridionales de la France.

Le roi s'étant fait rendre compte de l'état et des progrès de la maladie contagieuse qui s'est répandue depuis plus de huit mois sur les bêtes à cornes dans les généralités de Bayonne, d'Auch et de Bordeaux, et qui commence à se communiquer dans celles de Montauban et de Montpellier; informé, par les commandants et intendants desdites provinces, que la maladie se répand de plus en plus par la communication des bestiaux; qu'elle n'a épargné qu'un très-petit nombre d'animaux dans les villages où elle a pénétré; que tous les remèdes qui ont été tentés pour en arrêter le progrès, soit par les médecins du pays, soit par les élèves des écoles vétérinaires que Sa Majesté a fait passer dans lesdites provinces pour les secourir, n'ont eu jusqu'à présent que peu de succès, et qu'ils laissent peu d'espérance de pouvoir guérir les animaux affectés de cette contagion, qui s'annonce avec les caractères d'une maladie putride, inflammatoire et pestilentielle; qu'il est important et pressant de recourir aux moyens les plus efficaces pour empêcher que ce fléau, en continuant de s'étendre de proche en proche, ne se répande en peu de temps dans d'autres provinces du royaume; que, dans les États étrangers limitrophes qui ont été infectés de la même maladie pendant les années précédentes, on n'est parvenu à conserver la plus grande partie du bétail qu'en sacrifiant un petit nom-. bre d'animaux malades dès qu'ils ont eu les premiers symptômes de cette maladie; que ce parti, tout rigoureux qu'il est, est cependant le seul qui reste à prendre pour prévenir les progrès d'une contagion ruineuse pour les propriétaires des bestiaux, et destructive de l'agriculture dans les provinces exposées à ses ravages. Dans ces circonstances, ouï le rapport du sieur Turgot, le roi étant en son Conseil, en renouvelant les ordres les plus précis pour faire exécuter exactement, dans toutes les provinces infectées et dans celles qui sont limitrophes, l'arrêt du Conseil du 31 janvier 1771, a ordonné et ordonne ce qui suit :

Art. Ier. Toutes les villes et les bourgs et villages voisins de ceux où la contagion est présentement établie seront visités par les artistes vétérinaires,

les maréchaux ou autres experts qui auront été pour ce commis par les intendants desdites provinces, à l'effet de reconnaître et de constater l'état de santé ou de maladie de toutes les bêtes à cornes dans lesdites villes et les villages et bourgs.

II. Dans le cas où quelques animaux se trouveraient attaqués de la maladie contagieuse annoncée par des symptômes non équivoques, il en sera dressé procès-verbal par lesdits artistes, maréchaux ou experts, en présence du syndic de la communauté dans lesdits villages, et en celle des officiers municipaux dans les villes ou dans leurs faubourgs; et il sera constaté en même temps, par ledit procès-verbal ou par un acte de notoriété y joint, qu'aucun animal dans ladite ville, ou ledit bourg ou village, n'est mort précédemment de la contagion.

III. Aussitôt après la confection desdits procès-verbaux, lesdites bêtes målades seront tuées et enterrées avec leurs cuirs, jusqu'à concurrence des dix premières seulement, à la diligence desdits syndics et officiers municipaux, dans chaque ville, bourg ou village où ladite contagion commencera à se déclarer.

IV. Les sieurs intendants et commissaires départis dans les provinces feront payer à chaque propriétaire le tiers de la valeur qu'auraient eue les animaux qui auront été sacrifiés, s'ils eussent été sains; et ce sur l'estimation qui en sera faite par lesdits artistes, maréchaux et experts, à la suite de leursdits procès-verbaux, laquelle indemnité sera imputée sur les fonds à ce destinés par Sa Majesté.

V. Lesdits sieurs intendants enverront à la fin de chaque mois au sieur contrôleur-général des finances l'état des villes, bourgs et villages où la maladie aura pénétré, ensemble l'état du nombre et qualité des bêtes malades qui auront été tuées dans lesdits lieux de leur généralité, et des sommes qui leur auront été payées en indemnité, à raison du tiers de la valeur de chaque animal, ainsi que des autrés dépenses nécessaires pour l'exécution du présent arrêt.

VI. Fait Sa Majesté très-expresses inhibitions à tous propriétaires de bestiaux de cacher ou recéler aucune bête saine ou malade lors des visites qui seront faites en exécution du présent arrêt, à peine de 500 livres d'amende payable par corps et sans pouvoir être modérée.

VII. Enjoint Sa Majesté aux lieutenants et officiers de police dans les villes, et aux sieurs intendants et commissaires départis, de tenir la main à l'exécution du présent arrêt, qui sera publié et affiché partout où besoin sera; et de rendre à cet effet toutes les ordonnances nécessaires, lesquelles seront exécutées nonobstant oppositions ou appellations quelconques, Sa Majesté se réservant d'en connaître en son Conseil; et seront tenus les officiers et cavaliers de la maréchaussée d'exécuter les ordres qui leur seront adressés par lesdits sieurs intendants, pour assurer l'exécution du présent arrêt.

ARRÊT DU Conseil d'État, du 8 janvier 1775, qui accorde différentes gratifications par chaque mulet ou cheval propre à la charrue qui sera vendu dans les marchés y désignés.

Le roi étant informé de la continuité des ravages que la maladie épizootique a faits dans quelques-unes des provinces méridionales

de son royaume, nonobstant les précautions qui ont été prises par ses ordres, soit pour en diminuer la cause, soit pour en arrêter les progrès, et Sa Majesté voulant, en même temps qu'elle prend toutes les mesures possibles pour en empêcher les progrès ultérieurs, en diminuer les mauvais effets et prévenir le tort que la perte de tant d'animaux aratoires pourrait causer à la culture, elle a jugé de sa sagesse et de ses vues de bienfaisance et d'amour pour ses peuples, d'encourager l'importation des mulets et des chevaux propres au labour dans les provinces privées par la maladie des bêtes à cornes de leurs ressources accoutumées pour la préparation et l'ensemencement de leurs terres. A quoi voulant pourvoir, ouï le rapport du sieur Turgot, etc., le roi étant en son Conseil, a ordonné et ordonne ce qui suit :

Art. Ier. Il sera payé une gratification ou prime de 24 livres par chaque mulet ou cheval propre à la charrue, qui sera vendu dans les marchés de Libourne, Agen et Condom, de la généralité de Bordeaux, avant le 20 du mois de février prochain, au vendeur desdits chevaux ou mulets, en rapportant par ledit vendeur un certificat de l'acheteur, visé du subdélégué des villes où la vente aura eu lieu, lequel contiendra les nom, qualités et demeure dudit acheteur, et en justifiant devant le subdélégué que les animaux qui seront vendus viennent d'une autre province que celles qui composent les généralités de Guyenne, Auch, Navarre, Béarn et généralité de Bayonne; et pour éviter tous abus, les animaux qui auront été vendus et dont la gratification sera payée, seront marqués à la cuisse de la lettre P.

II. Il sera payé aux mêmes époques et conditions une prime ou gratification de 30 livres par chaque mulet ou cheval propre au labour, qui auront été vendus dans les marchés de Dax, Mont-de-Marsan, Auch, Bayoune, Orthès, Pau, Tarbes, Mirande, Saint-Sever, Oleron, en rapportant un certificat de la vente dans la forme expliquée en l'article précédent, et observant les mêmes formalités pour la marque.

III. Passé le 20 du mois de février prochain et jusqu'au 20 de mars, il ne sera donné pour gratification ou prime pour la vente desdits animaux, aux conditions mentionnées aux articles ci-dessus, que 16 livres de gratification dans les villes spécifiées en l'article ler, et 20 livres dans celles énoncées en l'art. II.

IV. Passé le 20 mars et jusqu'au 20 avril inclusivement, ladite prime ou gratification, aux conditions ci-dessus, sera, pour les marchés énoncés en l'art. Ier, de 10 livres seulement, et pour ceux mentionnés en l'art. II, 15 livres; et après le 20 avril, il n'y aura plus lieu à aucune desdites primes ou gratifications.

V. Lesdites primes ou gratifications seront payées sur les certificats des subdélégués, en vertu des ordonnances du sieur intendant de la généralité, sur les fonds de la recette générale. Sera le présent arrêt publié, imprimé et affiché partout où besoin sera; enjoint aux sieurs intendants et commissaires départis dans les généralités d'y tenir la main, etc.

Arrêt du Conseil d'ÉTAT, du 30 janvier 1775, qui, en ordonnant l'exécution de celui du 18 décembre 1774, prescrit de nouvelles dispositions pour arrêter le progrès de la maladie épizootique sur les bêtes à cornes.

Le roi étant informé que la maladie contagieuse sur les bêtes à cornes continue ses ravages dans les provinces de Guyenne, de Navarre et de Béarn, et dans quelques autres provinces méridionales du royaume, s'est fait représenter l'arrêt rendu en son Conseil le 18 décembre 1774, qui ordonne de tuer, dans chacune des paroisses nouvellement attaquées de cette maladie, les dix premières bêtes qui tomberont malades seulement, et qui prescrit les formalités qui doivent être observées dans ce cas. Sa Majesté a reconnu, par le compte qui lui a été rendu des observations faites par ses ordres dans ces provinces, que cette maladie ne se répand que par la communication des bestiaux entre eux, et par l'abus que peuvent faire des personnes imprudentes ou mal intentionnées des cuirs des animaux malades, et autres objets capables de répandre la contagion; elle a jugé qu'il était de sa prudence et de son amour pour ses peuples de prendre les mesures les plus certaines, non-seulement pour arrêter les progrès de cette maladie, mais pour en détruire, autant qu'il est possible, toutes les semences. A quoi désirant pourvoir, ouï le rapport du sieur Turgot, etc., le roi étant en son Conseil, ordonne :

Que l'arrêt du 18 décembre 1774 sera exécuté selon sa forme et teneur; et Sa Majesté l'interprétant et étendant ses dispositions, en tant que de besoin, ordonne que tous les animaux, qui seront reconnus malades de cette maladie, seront tués sur-le-champ et enterrés en suivant les précautions et les formalités ordonnées par ledit arrêt du 18 décembre 1774, aussitôt qu'on aura bien constaté les signes de l'épizootie. Veut Sa Majesté qu'il soit tenu compte au propriétaire du tiers de la valeur qu'ils auraient eue, s'ils avaient été sains; ordonne que les cuirs desdits animaux, tués en conséquence du présent arrêt, ou morts de leur mort naturelle, seront tailladés de manière qu'on ne puisse plus en faire usage. Fait Sa Majesté très expresses inhibitions et défenses à toutes personnes, sous quelque prétexte que ce puisse être, de conserver aucuns cuirs provenant d'animaux suspects de ladite maladie, de les préparer, transporter, vendre ou acheter; ainsi que les fumiers, râteliers et autres choses à l'usage desdits animaux, et reconnus capables de porter la contagion, sous peine de 500 livres d'amende contre chacun des contrevenants. Enjoint Sa Majesté aux gouverneurs et commandants, et aux intendants et commissaires départis dans ses provinces, de tenir la main à l'exécution du présent arrêt; et à tous officiers de ses troupes, officiers de maréchaussée, et à tous autres, de prêter main-forte toutes les fois qu'ils en seront requis pour ladite exécution.

MÉMOIRE sur l'exécution du plan adopté par le roi pour parvenir à détruire entièrement la maladie qui s'est répandue sur les bestiaux en Guyenne et dans les provinces circonvoisines. (4 février 1775.)

L'expérience a fait voir que toutes les précautions prises jusqu'à présent pour arrêter les progrès de la maladie épizootique répandue en Guyenne sont insuffisantes, et que, malgré les cordons de troupes qui ont été formés, malgré la vigilance des officiers qui les commandent, réunie à celle des administrateurs, l'on n'a pu empêcher que l'imprudence ou l'avidité de quelques particuliers, soit en conduisant par des chemins détournés des bestiaux suspects, soit en transportant en fraude des cuirs d'animaux morts de la contagion, ne lui aient fait franchir la barrière qu'on avait cru y opposer, en sorte que la maladie s'est montrée tout à coup à des distances trèséloignées, et au milieu de provinces qui se croyaient à l'abri du danger. Dans plusieurs endroits, on est parvenu à l'étouffer sur-lechamp par la célérité avec laquelle on a fait tuer toutes les bêtes malades, séparer toutes les bêtes saines, et désinfecter les étables. On ne saurait trop louer l'ardeur et l'unanimité avec lesquelles toutes les autorités se sont concertées pour garantir le Languedoc de ce fléau. Cependant, malgré le zèle des États, la vigilance de M. le comte de Périgord et celle de M. de Saint-Priest, la maladie a pénétré dans plusieurs endroits de cette province, et n'a pu y être étouffée que par des mesures prises avec une activité et une célérité vraiment admirables, et que par là même on ne peut pas espérer de trouver dans toutes les provinces, surtout dans celles où la maladie peut se montrer tout à coup sans que personne s'y soit attendu, et sans qu'on y soit instruit d'avance des précautions à prendre.

Tant que la maladie subsistera dans un pays aussi vaste que celui qu'elle embrasse actuellement, on doit toujours craindre qu'elle ne gagne les provinces voisines, et que de proche en proche elle n'infecte la totalité du royaume.

On ne peut se flatter de prévenir une aussi grande calamité qu'en attaquant le mal dans toutes les parties qu'il a déjà désolées, et en y éteignant, s'il est possible, tous les germes de la contagion. Ce parti est d'autant plus pressant à prendre qu'on peut encore espérer de sauver par là un très-grand nombre de paroisses, et même plusieurs cantons très-étendus où la maladie n'a point encore pénétré, par

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