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d'intelligence et d'honnêteté, et qu'ils sauront jouir de la meilleure réputation.

(11) Il y a tout lieu d'espérer que MM. les curés se chargeront volontiers du soin de former ces listes, dont personne ne peut s'acquitter aussi bien qu'eux dans le cas où quelques raisons les en empêcheraient, le commissaire s'adresserait ou au seigneur, ou à quelque autre personne qu'il saurait être, par son zèle et son intelligence, et par la connaissance de la paroisse, en état de remplir exactement la liste.

(12) Lorsque ces listes auront été formées de cette manière, et renvoyées au commissaire de l'atelier, celui-ci en remettra le double au conducteur; il fixera le jour et l'heure auxquels les travailleurs de chaque paroisse seront admis sur l'atelier; et il aura soin de fixer le temps pour chaque paroisse, de façon que les travailleurs de deux paroisses n'arrivent jamais ensemble sur l'atelier, et que ceux de la première puissent être placés et distribués sur l'ouvrage, lorsque ceux de la seconde arriveront. Par ce moyen, les conducteurs n'auront aucune peine à placer et distribuer les travailleurs sur l'atelier.

(13) Chaque jour, les conducteurs feront deux fois l'appel au moyen de ces listes, sans être obligés d'assembler tout l'atelier, et en le parcourant au contraire dans toute sa longueur, pour appeler successivement, nom par nom, les travailleurs de chaque paroisse et de chaque brigade, sur l'ouvrage même où elle sera occupée. Au moyen de ces appels on connaîtra dans le plus grand détail tous les travailleurs qui composeront l'atelier. Le conducteur pourra les surveiller tous sans confusion, et lorsqu'il arrivera quelque désordre, il sera toujours aisé de trouver le coupable et de le punir.

III. Distribution des taches. (14) Dans un atelier où l'on admet indifféremment toutes sortes de personnes, il est impraticable de payer les ouvriers à la journée; car, si l'on suivait cette méthode, il ne se ferait presque aucun ouvrage; le plus grand nombre de ceux qu'on est obligé d'employer, n'étant que très-peu habitués au travail, perdraient presque tout le temps qu'ils passeraient sur les ateliers. Il est donc indispensable de payer à la tâche.

(15) Cette méthode serait presque impraticable si l'on voulait donner une tâche à chaque travailleur; il est nécessaire, pour la simplifier, de réunir ensemble plusieurs travailleurs par famille ou par brigade, comme nous l'avons expliqué dans l'article précédent.

(16) Ce sera au chef de la brigade que le conducteur donnera la tâche pour toute la brigade. C'est à ce chef qu'il expliquera la nature et la quantité du travail, qu'il confiera les outils; c'est avec lui qu'il conviendra du salaire ; c'est à lui qu'il donnera les à-comptes, qu'il délivrera la réception de l'ouvrage, et qu'il en soldera le payement: bien entendu que tous ces détails se traiteront en présence de toute la brigade, et que le conducteur veillera à ce que le chef n'abuse pas de la confiance qu'on aurait en lui, pour priver ses compagnons de travail de ce qui leur est dû.

(17) Le registre des conducteurs, pour la distribution des tâches, sera donc formé par paroisses et par brigades d'après les listes des curés; mais il ne sera pas nécessaire d'y dénommer tous les travailleurs de chaque brigade; il suffira de nommer le chef, et de marquer le nombre des hommes, celui des femmes et celui des enfants, qui composent la brigade.

Voici un modèle de la manière dont ce registre doit être rempli :

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(18) Comme les tâches ne doivent être données que pour un petit nombre de jours, et comme par conséquent la même brigade exécutera plusieurs tâches dans le cours de la campagne, il convient de destiner dans le registre un feuillet pour chaque brigade, afin qu'on puisse sans confusion enregistrer à la suite les unes des autres toutes les tâches qu'une même brigade fera dans le cours de la campagne. En supposant que chaque brigade soit composée, l'une portant l'autre, de buit personnes, un atelier de huit cents travailleurs ne formera que cent brigades, et n'exigera qu'un registre de cent feuilles.

(19) Il sera fourni aux conducteurs des registres dont les feuilles seront réglées d'avance et disposées en colonnes, afin qu'ils n'aient d'autre peine que celle de les remplir. Il faut que ces registres soient reliés, et du même format que le cahier qui comprendra les listes des paroisses, afin que le conducteur puisse les porter dans un sac de toile cirée qui les garantisse de la pluie.

(20) Cette méthode de distribuer les tâches par famille ou par brigade n'empêche pas qu'il ne soit encore difficile de proportionner ces tâches au nombre, à l'âge, à la force des personnes qui composent chaque famille. Pour établir cette proportion avec une exactitude rigoureuse, il serait d'abord nécessaire d'évaluer ce que peut faire un homme par jour, suivant l'espèce d'ouvrage, la qualité du terrain plus ou moins dur à fouiller, et la distance plus ou moins grande des deux termes du transport; enfin, en ayant égard à toutes les difficultés qui se présentent. Cette évaluation devient encore plus embarrassante par la nécessité d'avoir égard à la différence de force des hommes, des femmes, des enfants qu'on emploie; c'est cependant d'après toutes ces considérations que doit être déterminé le prix des ouvrages à la toise cube ou à la toise courante.

On sent qu'il faudrait, pour cette opération, des gens instruits du toisé et de la valeur des ouvrages; or, on ne peut se flatter d'en trouver un nombre suffisant pour diriger tous les ateliers qu'on se propose d'établir.

(21) Dans l'impossibilité de trouver un assez grand nombre de commis capables d'exécuter cette opération méthodiquement, il faudra se contenter de chercher des hommes raisonnables qui fixeront ces tâches d'après une estimation un peu arbitraire, et qui ensuite marchanderont avec le chef de brigade, comme un bourgeois, lorsqu'il fait faire dans son domaine des fossés, des défrichements, des remuements de terres. Ce bourgeois fait marché avec des ouvriers aussi peu instruits que lui; il se trompe quelquefois à son préjudice, quelquefois à celui de l'ouvrier: cependant on ne voit pas que ces

sortes d'erreurs soient excessives; et, dans l'opération des ateliers de charité, ces erreurs auront beaucoup moins d'inconvénients, parce qu'on pourra toujours s'en apercevoir et les corriger. En effet, le commis conducteur reconnaîtra facilement, au bout de quelques jours, si la tâche qu'il a donnée à une brigade est trop forte ou trop faible; il verra bien si cette famille a travaillé avec activité, et si son travail lui a procuré de quoi vivre : comme il n'a aucun intérêt à profiter de l'erreur de son calcul, s'il est préjudiciable à l'ouvrier, il diminuera la tâche ou augmentera le prix ; il fera le contraire, si sa première estimation avait été trop forte. Cet arbitraire aura sans doute toujours quelques inconvénients; mais il faut supporter ceux qui sont inévitables, se contenter de faire passablement ce qu'il n'est pas possible de faire bien.

(22) Il y a certaines natures d'ouvrages, tels que ceux qui consistent en transports de terre, ou en déblais et remblais, dans lesquels on peut parvenir, par une voie assez simple, à régler les tâches. En effet, ces transports de terre se font à la brouette, aux camions ou à la hotte, ou sur des espèces de civières, et à une distance réglée plus ou moins grande; il ne faut pour les brouettes et les hottes qu'une seule personne, il en faut deux pour les civières et les camions. La tâche de ceux qui portent la terre d'un lieu à un autre est très-facile à régler par le nombre des voyages, à raison de la charge et de la distance plus ou moins grande; ou, ce qui est la même chose, à raison du nombre de voyages qu'on peut faire par jour, puisque ce nombre dépend de la charge et de la distance, et qu'on peut aisément déterminer par quelques essais combien un homme peut faire de voyages par heure, et combien il peut travailler d'heures par jour sans une fatigue excessive. Il n'est pas moins facile de compter le nombre des voyages; il suffit pour cela qu'à l'endroit de la décharge il y ait un homme préposé pour donner, à chaque voyage, au manœuvre une marque qui ne servira qu'à cet objet : quand le manœuvre aura gagné un certain nombre de ces marques, qui sera fixé, il les remettra au commis ou conducteur, qui lui fera payer le prix convenu.

(23) Le nombre des ouvriers occupés à transporter les terres au remblai, suppose un nombre proportionné d'ouvriers occupés dans le déblai à couper les terres que les premiers transportent. Les marques données à ceux qui voiturent la terre indiqueront en même temps le travail de ceux qui auront coupé dans le déblai la terre pour charger les hottes ou les brouettes. En effet, supposons qu'un fort ouvrier soit attaché à un déblai, et qu'on l'ait chargé de couper la terre à la pioche, qu'un enfant travaille avec lui à rassembler la terre que le premier a piochée, et à remplir la hotte d'un troisième qui va porter cette terre au remblai; celui-ci aura reçu autant de marques qu'il aura fait de voyages. Mais il n'aura pas pu faire ce nombre déterminé de voyages, sans que le manœuvre qui a chargé sa hotte, et le terrassier qui a pioché la terre dont cette hotte a été chargée, aient fait chacun de leur côté un travail dont la quantité corresponde exactement au nombre des voyages qu'aura faits le porteur de hotte, et au nombre de marques qu'il aura reçues. On peut donc régler aussi, par le nombre de marques que rend le porteur de la hotte, le salaire de ceux qui ont travaillé à la remplir. Il n'est pas nécessaire que le salaire soit le même pour le même nombre de marques : par exemple, l'ouvrier qui pioche peut avoir à faire un ouvrage plus pénible et qui exige plus de force que le travail de l'enfant qui charge, ou même de celui qui porte la hotte. Rien n'empêche que le premier, pour cent marques

délivrées au dernier, ne reçoive un prix plus considérable et proportionné à son travail.

(24) Le conducteur pourra, lorsque la composition des brigades se portera à cet arrangement, charger une brigade du déblai et du remblai. Le travail se distribuera naturellement entre les hommes qui feraient l'ouvrage du déblai, et les femmes et les enfants qui chargeraient et transporteraient la terre que les hommes auraient fouillée. Dans d'autres circonstances, on pourra charger du transport seul une brigade composée d'ouvriers faibles, tandis qu'une brigade composée principalement d'ouvriers forts serait occupée au déblai. Dans tous ces cas, on s'épargnera l'embarras du toisé, en évaluant les tâches, tant du déblai que du remblai, par le nombre de voyages de brouettes, de civières, de hottes, etc., auxquels cette tâche aura fourni. Cette méthode est simple, à la portée d'un plus grand nombre d'hommes, et n'est pas sujette à plus d'erreurs que celle des toisés réguliers. Elle a d'ailleurs un avantage, en ce que les voituriers, payés en raison du nombre des voyages qu'ils font, sont très-intéressés à presser les travailleurs qui doivent leur fournir de la terre, et seront pour ceux-ci une espèce de piqueurs sur lesquels on pourra compter.

(25) Le seul abus qu'on puisse craindre de cette méthode serait que, pour multiplier les voyages et diminuer le travail, les terrassiers et les voituriers s'accordassent à faire les charges trop légères; mais les piqueurs ou commis, placés au remblai pour recevoir les brouettes et distribuer les marques, remédieront aisément à cet abus, en refusant de donner de ces marques pour les charges qui seraient sensiblement trop légères.

yeux, et

(26) Les ingénieurs pourront surveiller et instruire les commis des ateliers qui seront à leur portée. Lorsqu'ils croiront que le commis, qu'ils auront suivi quelque temps, sera suffisamment instruit, ils pourront le faire passer sur un atelier éloigné, d'où ils tireront le commis que le premier remplacera, pour l'instruire à son tour, en le faisant travailler sous leurs ainsi de suite. Ils pourront dresser des tables par colonnes, pour fixer l'ouvrage d'un homme dans les différentes espèces de terres, et à proportion l'ouvrage des femmes et des enfants, afin d'évaluer la quantité de voyages que peuvent faire dans un jour les manœuvres à raison de leur âge, de leur force, de la distance et de l'espèce de voiture. Cependant, comme l'usage de ces tables exigera encore de l'intelligence et de l'attention, il sera bon que le commis se mette au fait, en opérant quelque temps sous les yeux de l'ingénieur. Or, tout cela exige du temps; ainsi les tâches pourront encore être fixées un peu arbitrairement, mais il y a lieu d'espérer que cet inconvénient diminuera d'année en année, et finira par être absolument insensible, pourvu que l'on veuille y apporter de l'attention.

IV. De la manière de payer les ouvriers. (27) Il n'est guère possible de donner sans confusion des tâches pour chaque jour, et il faut nécessairement les donner pour une semaine. Il y aurait cependant un grand inconvénient à laisser écouler la première semaine entière sans rien payer aux travailleurs : une grande partie de ceux qui se présentent aux ateliers de charité sont des pauvres dénués de toute autre ressource pour vivre, et qui n'ont pas de quoi subsister; avant la fin de la semaine il est donc indispensable de donner au père de famille, ou au chef de la tâche, à mesure que l'ouvrage avance, des à-comptes pour la subsistance journalière des travailleurs.

(28) A moins que la tâche donnée à une brigade n'ait été évaluée trop fai

blement, ou que les ouvriers n'aient travaillé avec nonchalance, la brigade, à la fin de chaque semaine, doit avoir gagné quelque chose de plus que la simple subsistance des travailleurs, et par conséquent plus que le montant des à-comptes qui lui ont été distribués. Alors, et sur le certificat de réception de la tâche, le conducteur fera payer au chef de la brigade ce qui lui sera dû en sus des à-comptes qu'il aura reçus. Le certificat du conducteur, sur lequel cette solde finale des tâches sera payée, contiendra le décompte de la tâche, ainsi qu'il sera expliqué aux paragraphes ci-après.

(29) Comme la brigade est composée d'hommes, de femmes et d'enfants, comme tous ceux qui la composent ont été nourris sur les à-comptes reçus pendant le cours du travail, et que la nourriture qu'ils ont consommée n'a point été proportionnée à l'ouvrage qu'ils ont fait, puisqu'il est notoire que les enfants mangent presque autant que les hommes faits, et travaillent beaucoup moins, il ne serait pas juste que l'excédant du prix qui se trouve à la fin de la tâche fût distribué par tête à tout ce qui compose la brigade indistinctement. Il est juste, au contraire, que les hommes et les femmes qui ont fait plus de travail à proportion de ce qu'ils ont consommé, aient seuls part à ce qui a été gagné au delà de la subsistance. En conséquence, tout cet excédant de prix qui se trouvera après la réception de la tâche, sera partagé par égales portions entre les hommes et femmes au-dessus de seize ans; les enfants au-dessous de cet åge n'y auront aucune part. Cette disposition est d'autant plus équitable, que les enfants n'ont guère d'autre besoin que d'être nourris; au lieu que les pères et mères sont chargés de l'entretien de toute la famille, et ont quelquefois de jeunes enfants hors d'état de travailler, et qu'ils doivent nourrir sur le prix de leur travail.

(30) Il est nécessaire que cet arrangement soit expliqué d'avance aux ouvriers, lorsqu'on distribuera la tâche à chaque brigade, et que le conducteur s'assure qu'ils l'entendent bien; c'est le seul moyen de prévenir les discussions et les disputes qui ne manqueraient pas de survenir à la réception des tâches, lorsqu'il serait question de partager ce qui resterait du prix, la nourriture des ouvriers prélevée.

(31) Si quelques-uns refusaient de souscrire à cet arrangement ainsi expliqué, il faudrait les effacer de la liste, et les renvoyer des ateliers. On doit croire que ceux qui ne voudraient pas souscrire à une règle aussi juste, et qui assure leur subsistance, ont quelque moyen de vivre indépendamment des ateliers.

(32) Quoique le chef de la brigade participe comme les autres ouvriers au profit qu'a donné la tâche, il est juste, s'il se conduit bien, de lui donner en sus du prix de sa tâche quelque gratification, à raison de ses soins et des détails dans lesquels il est obligé d'entrer; trois ou quatre sous, plus ou moins, suivant que la tâche sera plus ou moins forte et exigera plus de temps, paraissent devoir suffire. Mais cette gratification ne sera donnée qu'autant que le chef de brigade aura rempli ses fonctions d'une manière satisfaisante, en poussant le travail avec intelligence et activité, sans donner lieu à des plaintes fondées de la part des ouvriers qui lui seront subordonnés.

(35) Le certificat de réception de la tâche fera une mention expresse de la bonne conduite du chef, et du montant de la gratification, afin que le caissier puisse payer en conséquence.

(34) Le conducteur veillera soigneusement à ce que les chefs de brigade tiennent compte aux hommes et femmes qui la composent de ce qui leur

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