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solidaire dans le cas de rébellion et dans ceux où les paroisses se seraient refusées à nommer des collecteurs. Ces deux cas ne peuvent être aujourd'hui qu'infiniment rares, et s'ils arrivaient, il serait assez naturel que les principaux habitants répondissent du délit dont ils seraient certainement les principaux complices; mais le cas d'insolvabilité et de dissipation de deniers de la part des collecteurs est très-fréquent, surtout dans des provinces pauvres, et alors la loi qui rend les quatre plus haut taxés responsables de cette insolvabilité est d'un excès de dureté très-injuste.

Et cette dureté est en même temps très-nuisible à Votre Majesté, parce qu'elle détruit les capitaux et dérange les travaux les plus utiles à la bonne exploitation du territoire.

Les quatre plus haut taxés ne l'ont été que parce qu'ils sont les cultivateurs les plus aisés et ordinairement les plus intelligents, les plus avantageusement laborieux de leur paroisse. Il ne faut pas croire que, parce que l'on est un cultivateur aisé, on ait pour cela beaucoup d'argent dans sa caisse. Ceux-ci l'emploient, à mesure qu'ils en ont, à augmenter le nombre de leurs bestiaux, ou à les avoir de plus belle race; à se procurer de meilleurs animaux de trait, qui font de meilleurs labours, les expédient plus tôt, profitent mieux des instants favorables, toujours très-passagers; qui rentrent plus vite les récoltes, et les font échapper au danger des pluies qui gâtent les pailles, et font égrener les épis quand les moissons ne sont que tardivement serrées; dont le travail multiplie les engrais en ramassant des feuilles et amenant dans la cour de la ferme des gazons qu'on y laisse pourrir pour faire du terreau, ou en conduisant des marnes sur les champs. Quelquefois ils font des desséchements, d'autres fois des arrosements, d'autres fois des clôtures; et ils ne peuvent y trouver leur avantage qu'en faisant celui de leur canton, celui du royaume. Si ces hommes précieux sont mis en prison, à cause d'un déficit qu'ils ne pouvaient prévoir ni empêcher dans les payements de leur paroisse, tous leurs travaux sont suspendus, et tout le profit qu'en retirait la nation cesse d'avoir lieu. Si, pour n'être pas enlevés à leur famille, ils tâchent de payer, la chose ne leur est possible que par la vente précipitée, et par conséquent à grande perte, d'une partie de leur bétail ou de leurs animaux de labour. Leurs travaux en sont de même interrompus ou rendus moins efficaces.

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L'indemnité qu'on leur donne par une réimposition à leur profit sur les rôles de l'année suivante, réimposition qui rarement est perçue en moins de deux ou trois années, ne les indemnise point, et ne les indemniserait pas, quand même elle pourrait être complétement perçue dans le cours de cette année suivante; premièrement, parce qu'en leur rendant leur déboursé, elle ne leur rend pas la perte qu'ils ont subie sur les ventes forcées auxquelles ils ont été contraints pour se procurer le moyen de faire ce déboursé; secondement, parce qu'on ne peut leur rendre, ni à la nation, les productions qu'ils auraient fait naître si l'on n'eût pas dérangé leurs travaux, et dont ce dérangement a rendu l'existence impossible.

Ainsi, tous les ans il y a un certain nombre de cultivateurs les plus riches et les plus capables qui, sans qu'il y ait aucunement de leur faute, et uniquement à cause de la faute d'autrui, sont ruinés, et le sont au détriment de leurs concitoyens et de l'État, pour faire l'avance d'une portion d'imposition qu'ils ne doivent pas, et qu'il faut réimposer l'année d'après sur ceux qui la doivent.

Mais, s'il faut la réimposer au profit de ces plus haut taxés que l'on a contraints d'en faire l'avance, qui leur est ruineuse et à la culture, Votre Majesté ne trouve-t-elle pas plus raisonnable et plus juste de faire la réimposition au profit de son trésor?

Il n'en coûtera qu'un retard d'un an dans la valeur de ces réimpositions, car la rentrée de celles de l'année précédente couvrira toujours le déficit de l'année courante. On n'aura pas le regret de punir ceux qui sont sans reproche pour le tort que les autres auront eu, et l'on aura évité de déranger aucune exploitation; les bonnes exploitations faites par ces hommes les plus riches et les plus instruits, n'ayant éprouvé aucune secousse ni souffert aucune interruption, augmenteront progressivement d'année en année la richesse de ces entrepreneurs de culture, qui en font un si bon emploi, et celle des ouvriers qu'ils occupent, et celle de la nation, qui se partage les récoltes, et la facilité du recouvrement des impositions, et la richesse aussi de Votre Majesté, si naturellement et si nécessairement liée à celle de ses sujets.

Il est dans la bonté de votre cœur, sire, comme dans la justesse de votre esprit, de voir et de sentir que l'équité est une bonne ménagère. De la main du roi approuvé'.

1 Nous regrettons de n'avoir pas un grand nombre de ces petits Mémoires, par

Déclaration du Roi portant abolition des contraintes solidaires entre les principaux habitants des paroisses, pour le payement des impositions royales, excepté dans le cas de rébellion. (Donnée à Versailles le 3 janvier 1775, registrée en la Cour des aides de Paris le 27 des mêmes mois et an.)

Louis, etc. Les malheurs qui avaient affligé l'État pendant les guerres civiles, le désordre qui en était résulté pour le recouvrement des impositions, avaient fait juger nécessaire à nos prédécesseurs d'autoriser les receveurs des tailles à contraindre solidairement les principaux habitants des paroisses taillables au payement des impositions dues par les paroisses, soit dans le cas de rébellion, soit faute d'assiette des impositions ou de nomination de collecteurs, soit enfin lorsque les collecteurs, après une discussion sommaire de leurs biens-meubles, se trouvaient insolvables. Ces dispositions ont été confirmées depuis, quoique la nomination des collecteurs, dépendante autrefois de la volonté seule et du choix des paroisses, soit soumise aujourd'hui à des règles fixes qui appellent chaque habitant à son tour à la collecte, suivant l'ordre du tableau, et ne laissent plus aux habitants d'autre soin que de déterminer la classe dans laquelle doivent être placés les différents contribuables, d'après la quotité de leurs impositions, pour passer successivement à la collecte. Malgré la rigueur de cette contrainte solidaire, on ne peut en méconnaître la justice dans le cas où des paroisses entreprendraient de se soustraire au payement des impositions. Mais les règlements ayant pourvu à ce qu'il y eût des collecteurs nommés d'office, faute par les paroisses d'avoir formé les tableaux qui désignent ceux qui doivent remplir ces fonctions chaque année; ces lois ayant également prescrit les précautions nécessaires pour la confection de ces tableaux, et prononcé des peines sévères contre les collecteurs qui, étant en même temps chargés de l'assiette des impositions, en divertissent les deniers, la rébellion nous a paru le seul cas extraordinaire dans lequel nous devons laisser aux receveurs la faculté de faire usage de cette contrainte, avec des précantions même qui nous font espérer qu'ils ne seront jamais réduits à cette extrémité. Notre affection. pour les habitants de la campagne nous engage à supprimer, pour les deux autres cas plus extraordinaires, celui où les habitants n'auraient point nommé de collecteurs, et celui où les collecteurs, responsables des payements dans les termes prescrits, n'auraient point. lesquels M. Turgot appuyait auprès du roi les projets de loi qu'il lui proposait. (Note de Dupont de Nemours.)

fait l'assiette ou deviendraient insolvables, ces poursuites rigoureuses qui exposent les principaux contribuables à la perte de leur fortune et de leur liberté, répandent l'effroi dans les campagnes, découragent l'agriculture, l'objet le plus digne de notre protection. et de nos soins, et obligent malgré eux les receveurs des tailles à des frais considérables contre des habitants qu'il est de leur devoir et de leur intérêt de ménager le plus qu'il est possible. Nous prenons en même temps les mesures convenables pour assurer, dans de pareilles circonstances, la rentrée de nos deniers, et pour indemniser les receveurs, chargés d'en faire la recette et le payement dans des termes limités, des retards qu'ils pourront éprouver. A ces causes, nous avons dit, déclaré et ordonné ce qui

suit:

Art. I. Il ne sera plus décerné de contraintes solidaires contre les principaux contribuables des paroisses pour le payement de nos impositions que dans le seul cas de rébellion, jugée contre la communauté. Voulons que lesdits receveurs, même dans ce cas, soient tenus d'en avertir par écrit les sicurs intendants et commissaires départis dans les provinces, afin qu'ils puissent employer l'autorité que nous leur avons confiée pour rétablir l'ordre et la subordination, et prévenir s'il est possible la nécessité de ces poursuites. II. Ordonnons l'exécution des déclarations des 1er août 1716, 24 mai 1717 et 9 août 1723, concernant la nomination des collecteurs; enjoignons aux sieurs intendants, conformément à l'article XIII de la déclaration du 9 août 1723, de choisir, dans le nombre de ceux qui sont compris dans les états qui exactement leur seront remis chaque année, les plus haut imposés à la taille pour faire les fonctions de collecteurs, et de les nommer d'office dans les paroisses où il n'aura point été fait de nomination, ou dont les habitants nommés seront insuffisants pour faire la collecte.

III. Dans le cas où les collecteurs nommés par les paroisses, ou ceux qui le seront d'office par lesdits sieurs intendants, conformément au précédent article, refuseraient ou négligeraient de faire l'assiette des impositions et le payement d'icelles dans les termes prescrits par les règlements, ils seront contraints à les payer par les voies ordinaires et suivant les formes établies par lesdits règlements.

IV. En cas d'insolvabilité desdits collecteurs, après discussion sommaire de leurs meubles et procès-verbal de perquisition de leur personne, fait à la requête des receveurs des tailles, lesdits receveurs se pourvoiront par devers lesdits sieurs intendants pour obtenir la réimposition des sommes qui leur seront dues par les paroisses; lesquelles réimpositions, après que leurs demandes auront été communiquées aux habitants et que ceux-ci auront été entendus, seront faites au prochain département, tant de la somme principale que des intérêts et des frais légitimement faits par lesdits receveurs, sur tous les contribuables desdites paroisses.

V. Laissons à la prudence des sieurs intendants, dans les cas où la somme dissipée serait trop forte pour être imposée en une seule année sans sur

charger les contribuables, d'en ordonner la réimposition en principal et intérêts en deux ou plusieurs années.

VI. Les sommes réimposées seront payées dans les mêmes termes que l'imposition de l'année où la réimposition en aura été faite, et les intérêts en courront au profit du receveur, à compter du jour où l'insolvabilité des collecteurs aura été constatée dans la forme ordinaire jusqu'au temps marqué pour les payements.

VII. La même réimposition aura lieu et sera faite dans la même forme au profit des principaux contribuables qui auront été contraints solidairement, dans le cas de rébellion seulement, au payement des impositions dues par

les paroisses.

VIII. Dérogeons à tous édits, déclarations, arrêts et règlements qui pourraient être contraires à ces présentes. Si donnons en mandement, etc.

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ÉDIT DU ROI, portant création de six offices de receveurs des impositions dans la ville de Paris, et suppression de l'office de receveur-genéral de la capitation et des vingtièmes de ladite ville. (Donné à Versailles, au mois de janvier 1775, registré en Parlement le 23 février audit an.)

Louis, etc. Parmi les moyens dont nous désirons faire usage pour nous procurer, le plus tôt qu'il sera possible, la satisfaction de soulager nos peuples, il n'en est point qui paraisse plus propre à håter le succès de nos vues, que de supprimer dans l'administration et la perception des revenus de notre État les frais qui, n'étant pas indispensables, en diminuent d'autant le produit sans nécessité. Conduit par ces principes d'une juste économie, que nous ne cesserons de nous prescrire dans la perception et l'emploi des deniers publics, nous nous sommes fait rendre compte de l'ordre établi dans l'administration et le recouvrement des impositions qui se lèvent sur les habitants de notre bonne ville de Paris. Nous avons reconnu qu'en faisant faire la perception des différentes impositions par les receveurs, commis aujourd'hui pour recouvrer seulement la capitation des bourgeois, en érigeant ces commissions en charges, et en employant les finances qu'ils nous remettront au remboursement de l'office de receveur-général de la capitation et des vingtièmes de la ville de Paris, nous diminuerons les frais d'administration et de perception des différentes impositions, nous accélérerons la rentrée des deniers, nous éteindrons une charge devenue onéreuse par les gages et taxations qui y ont été attribués; en sorte que la perception entière étant réunie dans les mêmes mains, les receveurs trouveront dans les taxations ordinaires les émoluments qui doivent être la seule récompense de leur travail, sans que nous soyons encore

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