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une compagnie d'actionnaires, aux offres, clauses et conditions ciaprès énoncées :

Art. 1. Les actionnaires qui composeront ladite Compagnie seront associés en commandite, sous la dénomination de Caisse d'escompte.

II. Les opérations de ladite Caisse consisteront: premièrement, à escompter des lettres de change et autres effets commerçables, à la volonté des administrateurs, à un taux d'intérêt qui ne pourra, dans aucun cas, excéder 4 pour 100 l'an; secondement, à faire le commerce des matières d'or et d'argent; troisièmement, à se charger en recette et en dépense des deniers, caisses et payements des particuliers qui le désireront, sans pouvoir exiger d'eux aucune commission, rétribution ou retenue quelconques, et sous quelque dénomination que ce puisse être.

III. La Compagnie n'entend en aucun cas, ni sous quelque prétexte que ce soit, emprunter à intérêt ni contracter aucun engagement qui ne soit payable à vue; elle s'interdit tout envoi de marchandises, expédition maritime, assurance et commerce quelconque, hors celui qui est précisément désigné en l'article précédent.

IV. Il sera fait par lesdits actionnaires un fonds de 15 millions de livres, pour lesquels il leur sera délivré 5,000 actions de 3,000 livres chacune, qu'ils payeront en argent comptant en un seul payement; desquels 15 millions il y en aura 5 qui serviront à commencer les opérations de ladite Caisse d'escompte, et les autres 10 millions seront déposés au Trésor royal le 1er juin 1776, pour sûreté des engagements de ladite Caisse, ainsi et de la manière qu'il sera expliqué par l'article Vi; lesquels 10 millions Sa Majesté sera suppliée d'accepter à titre de prêt, et de donner pour valeur des quittances de finance du garde dudit Trésor royal, pour 13 millions payables en treize années, afin d'opérer le remboursement du capital et le payement des intérêts de ladite somme de 10 millions; lesquelles quittances de finance seront divisées et acquittées en 26 payements égaux de 500,000 livres chacun, dont le premier sera échu et payable le 1er décembre 1776, et qui continueront ainsi de six en six mois, les 1ers de juin et de décembre de chaque année, jusques et compris le 1er juin 1789.

V. Pour sûreté desquels payements, tels qu'ils sont stipulés en l'article précédent, Sa Majesté sera suppliée d'affecter les produits de la ferme des postes et d'ordonner au garde de son Trésor royal, en exercice chaque année, de délivrer au caissier de la Compagnie, en payement de la quittance de finance de 500,000 livres qu'il aura à recevoir à chaque époque, une assignation sur l'adjudicataire de ladite ferme des postes.

VI. Les 13 millions de livres qui forment le montant total des quittances de finance ci-dessus mentionnées, ou ce qui en restera dû, eu égard aux payements qui auront été faits, demeureront spécialement affectés à la sûreté et garantie générale des opérations de ladite Caisse : Et ne pourront en aucun cas les administrateurs d'icelle vendre, aliéner, transporter ni hypothéquer la portion des quittances de finance qui se trouvera non remboursée.

VII. Ladite Caisse d'escompte sera ouverte le 1er juin prochain, en tel endroit de la ville de Paris que la Compagnie des actionnaires jugera à propos de fixer.

VIII. Lesdites actions seront imprimées, conformément au modèle joint à

la présente requête, et numérotées depuis le numéro i jusques et compris le numéro 5,000; elles seront signées par le caissier général, et contrôlées par deux des administrateurs de ladite Caisse.

Les art. IX et X nomment le sieur de Mory caissier général, et exigent la propriété de vingt-cinq actions pour avoir voix délibérative.

XI. Les opérations de ladite Compagnie seront régies par sept administrateurs qui seront élus, à la pluralité des suffrages, dans ladite première assemblée générale; lesquels seront tenus, dans leur administration, de se conformer à ce qui sera déterminé par délibérations dans les assemblées générales ils nommeront les employés, fixeront leurs appointements et pourront les révoquer; le tout de la manière, et ainsi qu'ils le jugeront nécessaire, pour le bien et l'avantage de la Compagnie.

L'art. XII exige que chaque administrateur soit propriétaire de cinquante actions déposées.

XIII. Aucun des administrateurs ne pourra être destitué, si ce n'est par les suffrages des deux tiers des actionnaires présents dans une assemblée générale, ou par la voix unanime des six autres administrateurs, ou en cessant de conserver au dépôt de la Compagnie 50 actions, conformément à l'article précédent.

L'art. XIV veut que les administrateurs n'aient point d'honoraires, tant que les bénéfices seront au-dessous de 150,000 livres par semestre; à ce terme et audessus, le dixième des bénéfices leur est alloué à partager entre eux.

XV. Il sera tenu tous les ans deux assemblées générales des actionnaires, dans les mois de janvier et de juillet, pour délibérer sur les affaires de la Compagnie; pour recevoir et examiner le compte du semestre qui aura précédé l'assemblée, lequel compte sera certifié véritable et signé par les administrateurs ; et pour statuer sur la fixation du dividende à répartir aux actionnaires pour les six mois écoulés.

XVI. Pour parvenir à la fixation de ce dividende, il sera produit par les administrateurs un compte détaillé des bénéfices qui auront été faits et réalisés dans le semestre écoulé, déduction faite de tous frais d'administration et des pertes, s'il y en a.

La fin de cet article répète, et développe la disposition de l'article XIV, relativement aux administrateurs.

XVII. Il sera ouvert à ladite Caisse un dépôt d'actions, tant pour celles que les actionnaires désireront y placer à l'abri de tous accidents, vols, incendies ou autres, et d'où ils pourront les retirer toutes les fois qu'ils le voudront, que pour celles qu'on aurait intention d'y remettre en vertu d'actes devant notaires, et enfin pour celles dont le dépôt serait ordonné par justice.

XVIII. Ladite Caisse d'escompte sera réputée et censée être la Caisse personnelle et domestique de chaque particulier qui y tiendra son argent; et elle sera comptable, envers lesdits particuliers, de la même manière que le seraient leurs caissiers domestiques.

XIX. Vu ladite requête, les offres faites et les conditions proposées : Quï le rapport du sieur Turgot, etc., Le Roi, étant en son Conseil, a autorisé et autorise ledit Jean-Baptiste-Gabriel Besnard à former l'établissement de ladite Caisse d'escompte, sous les conditions ci-dessus énoncées, sans néan

moins entendre, par ladite autorisation, apporter aucun changement à la liberté dont ont joui et continueront de jouir les banquiers, négociants et autres, d'escompter, de faire le commerce des matières d'or et d'argent, et de recevoir les deniers des particuliers qui désireraient les leur remettre, etc.

ÉDIT DU ROI, donné à Versailles au mois d'avril 1776, par lequel Sa Majesté permet de faire circuler librement les vins dans toute l'étendue du royaume, de les emmagasiner, de les vendre en tous lieux et en tout temps, et de les exporter en toute saison, par tous les ports, nonobstant tous priviléges particuliers et locaux à ce contraires, que Sa Majesté supprime.

LOUIS, etc. Chargé par la Providence de veiller sans cesse au bonheur des peuples qu'elle nous a confiés, nous devons porter notre attention sur tout ce qui concourt à la prospérité publique. Elle a pour premier fondement la culture des terres, l'abondance des denrées et leur débit avantageux, seul encouragement de la culture, seul gage de l'abondance. Ce débit avantageux ne peut naître que de la plus entière liberté des ventes et des achats. C'est cette liberté seule qui assure aux cultivateurs la juste récompense de leurs travaux ; aux propriétaires des terres un revenu fixe; aux hommes industrieux des salaires constants et proportionnés; aux consommateurs les objets de leurs besoins; aux citoyens de tous les ordres la jouissance de leurs véritables droits.

Nous nous sommes d'abord occupé de rendre, par notre arrêt du 13 septembre 1774, et nos lettres-patentes sur icelui, du 2 novembre de la même année, la liberté au commerce de la denrée la plus essentielle à la subsistance de nos sujets, et dont, par cette raison, il importe le plus d'encourager la culture et de faciliter la circulation.

Les vins sont la richesse de notre royaume : ils sont presque l'unique ressource de plusieurs de nos provinces, qui n'ont pas d'autre moyen d'échange pour se pourvoir de grains, et procurer la subsistance journalière à une population immense que le travail des vignes emploie, et dont les consommations enrichissent à leur tour la partie de nos sujets occupés à la culture des grains, et en augmentent la production par l'assurance du débit.

La France, par une sorte de privilége attaché à la nature de son climat et de son sol, est le seul pays qui produise en abondance des vins recherchés de toutes les nations, par leur qualité supérieure, et parce qu'ils sont regardés comme plus propres que ceux des autres contrées à la consommation habituelle.

Ainsi, les vins de France, devenus pour la plupart des pays à qui

cette production a été refusée, une boisson d'un usage journalier, qu'on croit ne pouvoir remplacer par aucune autre, forment pour notre royaume l'objet du commerce d'exportation le plus étendu et le plus assuré.

Animé du désir de voir fleurir une branche de commerce si importante, nous avons recherché les causes qui pouvaient mettre obstacle à ses progrès.

Le compte que nous nous sommes fait rendre de quelques contestations mues en notre Conseil, entre diverses provinces et villes de notre royaume, nous a fait reconnaître que le transport, la vente et l'achat des vins se trouvent assujettis dans un très-grand nombre de lieux, et surtout dans nos provinces méridionales, à des prohibitions, à des gênes multipliées, que les habitants de ces lieux regardent comme des priviléges établis en leur faveur.

Les propriétaires des vignobles situés dans la sénéchaussée de Bordeaux sont en possession d'interdire la consommation et la vente, dans la ville de Bordeaux, de tout autre vin que celui du crû de la sénéchaussée: il n'est pas même permis à tout propriétaire de vendre le sien en détail, s'il n'est bourgeois de Bordeaux, et s'il ne réside dans la ville avec sa famille au moins pendant six mois chaque année.

Le Languedoc le Périgord, l'Agénois, le Querci, et toutes les provinces traversées par cette multitude de rivières navigables qui se réunissent sous les murs de Bordeaux, non-seulement ne peuvent vendre leurs vins aux habitants de cette ville, qui voudraient les acheter; mais, de plus, ces provinces ne peuvent pas même profiter librement, pour les vendre aux étrangers, de cette voie que la nature leur offrait pour communiquer avec toutes les nations commerçantes.

Les vins du Languedoc n'ont pas la liberté de descendre la Garonne avant la Saint-Martin; il n'est pas permis de les vendre avant le 1er décembre.

On ne souffre pas que ceux du Périgord, de l'Agénois, du Querci, et de toute la haute Guyenne, arrivent à Bordeaux avant les fêtes de Noël.

Ainsi les propriétaires des vins du haut pays ne peuvent profiter, pour les vendre, de la saison la plus avantageuse, pendant laquelle les négociants étrangers sont forcés de presser leurs achats, pour

approvisionner les nations du Nord, avant que les glaces en aient fermé les ports.

Ils n'ont pas même la ressource de laisser leurs vins à Bordeaux, pour les y vendre après un an de séjour : aucun vin étranger à la sénéchaussée de Bordeaux ne peut rester dans cette ville passé le 8 septembre. Le propriétaire qui n'a pu vendre le sien à cette époque n'a que le choix, ou de le convertir en eau-de-vie, ou de le faire ressortir de la sénéchaussée en remontant la rivière; c'est-à-dire d'en diminuer la valeur, ou de la consumer en frais inutiles.

Par cet arrangement, les vins de Bordeaux n'ont à craindre aucune concurrence pendant tout l'intervalle qui s'écoule depuis les vendanges jusqu'au mois de décembre.

Depuis cette époque même du mois de décembre, jusqu'au 8 septembre de l'année suivante, le commerce des vins du haut pays gémit sous des entraves multipliées.

Les vins ne peuvent être vendus immédiatement à leur arrivée: il n'est pas libre de les verser de bord à bord, dans les vaisseaux qui pourraient se trouver en chargement dans ce port, ou dans quelque autre port de la Garonne. Il faut nécessairement les décharger et les entreposer, non pas dans la ville de Bordeaux, mais dans un faubourg, dans un espace déterminé de ce faubourg, et dans des celliers particuliers, où il n'est pas permis d'introduire des vins du territoire de Bordeaux.

Les vins étrangers à ce territoire doivent être renfermés dans des futailles d'une forme particulière, dont la jauge est moins avantageuse pour le commerce étranger. Ces futailles, reliées avec des cercles en moindre nombre et d'un bois moins fort, sont moins durables et moins propres à soutenir les voyages de long cours, que les tonneaux affectés exclusivement aux vins de Bordeaux.

L'exécution de cet assemblage de règlements, combinés avec le plus grand art pour assurer aux bourgeois de Bordeaux, propriétaires de vignobles dans la sénéchaussée, l'avantage de vendre leur vin plus cher, au préjudice des propriétaires de tous les autres vignobles des provinces méridionales, au préjudice des consommateurs de toutes les autres provinces du royaume, au préjudice même des commerçants et du peuple de Bordeaux, s'appelle dans cette ville la police des vins. Cette police s'exerce par les jurats, sous l'autorité du parlement.

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