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versement des terriers, en prenant néanmoins la permission, qui ne pourra leur être refusée, des officiers de la capitainerie, et en présence des gardes de ladite capitainerie.

XVI. Enjoint Sa Majesté, aux officiers de ses chasses, de faire procéder à la destruction totale des lapins dans ses capitaineries, dans les plaines, dans les vignes, dans les remises et dans les bois isolés, d'une étendue d'au moins cent arpens; et, dans le cas où il s'en trouverait dans lesdites plaines, vignes, remises et bois de plus petite étendue, il sera, sans qu'il soit nécessaire de justifier qu'ils aient causé un dégât notable, permis aux propriétaires des terres et bois où sont les terriers, et à ceux des terres adjacentes, de procéder à leur entière destruction, en prenant préalablement la permission, qui ne pourra leur être refusée, des officiers de la capitainerie, et en présence des gardes de ladite capitainerie. Enjoint Sa Majesté, aux intendants et commissaires départis dans ses provinces, aux grands-maîtres des eaux et forêts, et officiers des maîtrises, et aux officiers des capitaineries, de tenir la main, chacun en droit soi, à l'exécution du présent arrêt.

MÉMOIRE AU ROI sur six projets d'édits tendant à supprimer 1o la corvée; 2o la police de Paris sur les grains; 3o les offices sur les quais, halles et ports de la même ville; 4o les jurandes; 5o la Caisse de Poissy; 6° à modifier la forme des droits imposés sur les suifs 1. (Janvier 1776.)

SIRE, je mets sous les yeux de Votre Majesté différents projets d'édits et de déclarations dont je vais tâcher de lui donner une idée succincte, en y joignant quelques observations sur les motifs qui me paraissent devoir décider à les adopter, et à surmonter les difficultés que quelques-uns rencontreront peut-être.

1° Suppression des corvées.

Le premier de ces édits a pour objet la suppression des corvées pour la confection des grandes routes, et l'établissement de la contribution nécessaire pour y suppléer à prix d'argent.

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Une loi enregistrée n'eût peut-être pas été absolument nécessaire

' M. de Miroménil, garde des sceaux *, ennemi secret de M. Turgot, excité d'ailleurs par M. de Maurepas, dont la jalousie contre ce ministre n'était presque plus secrète, fit sur ce Mémoire quelques notes que nous transcrirons; et, contre le projet d'édit portant suppression des corvées dont il y est question, un travail plus étendu, auquelM. Turgot répondit, et que nous devons conserver également, puisque ces réponses font partie des ouvrages que nous avons à recueillir. Le roi jugea d'abord, même avec fermeté, en faveur de son peuple et de son contrôleur-général. Mais il eut le malheur de se laisser persuader ensuite qu'il avait peut-être mal jugé. (Note de Dupont de Nemours.)

Miroménil (Armand-Thomas-Hue de), premier président au Parlement de Rouen, s'était fait remarquer par une vive résistance dans la lutte que soutinrent les cours souveraines contre le chancelier Maupeou. Cette circonstance et la faveur du comte de Maurepas furent les seuls titres qui lui méritèrent les sceaux le 24 août 1774. Il les conserva jusqu'en 1787, et mourut en 1796. (E. D.)

pour la simple suppression des corvées, ni même pour leur remplacement en argent, si ce remplacement n'était imposé que sur les taillables; car les taillables étant depuis longtemps assujettis à la corvée, sans réclamations de la part des tribunaux, ce n'eût été qu'un simple changement de forme pour adoucir une charge toujours subsistante. Dans quelques généralités, on avait ainsi converti la corvée en argent sans loi enregistrée 1.

Mais c'eût été laisser subsister une très-grande injustice en faisant supporter toute la dépense des chemins aux seuls taillables. La justice exige que cette dépense soit supportée par les propriétaires des terres qui en profitent presque seuls, et par conséquent par les privilégiés qui possèdent une grande partie des propriétés foncières du royaume. Or, pour leur faire partager cette charge, il faut une loi nouvelle.

Votre Majesté paraît être depuis longtemps convaincue de la nécessité de supprimer les corvées : j'ose l'assurer, d'après l'expérience des maux que cette charge a faits dans la province que j'ai administrée, qu'il n'en est pas d'aussi cruelle pour le peuple. Une chose doit faire sentir combien elle est en elle-même odieuse, c'est qu'on n'a jamais osé établir cette forme de travail dans les environs de Paris, où l'on s'est borné à exiger des fermiers quelques voitures pour le transport des matériaux ; espèce de corvée moins fâcheuse dans un pays où les terres s'exploitent avec des chevaux, que dans

1 Il est vrai que la corvée avait été convertie en plusieurs endroits en abonnements en argent; mais ces abonnements étaient volontaires.

Il est vrai que la corvée avait été établie sans édit; mais elle n'était regardée que comme un secours de travail pour suppléer à l'insuffisance des fonds des ponts et chaussées.

Il est certain qu'en y substituant une contribution forcée en argent, il est plus régulier de donner un édit. Toutes les ordonnances de nos rois portent qu'il ne sera fait aucune levée de deniers, si ce n'est en vertu de lettres-patentes enregistrées. (Note du garde des sceaux.)

2 La véritable raison qui a empêché d'établir la corvée des bras dans la généralité de Paris, est que Paris, étant le centre des communications, est environné d'une plus grande quantité de grandes routes que toutes les autres villes; que par conséquent la généralité de Paris est plus coupée qu'aucune autre par de grandes routes; qu'elles sont toutes pavées, ce qui se fait à plus grands frais que les chaussées ferrées de cailloux, et que la corvée des bras aurait pris aux corvéables une grande partie de leur temps, ce qu'il n'était pas possible d'exiger. D'ailleurs, le pavé ne peut être fait que par des ouvriers paveurs élevés à ce métier.

Mais les corvées en voitures étaient plus considérables que le Mémoire ne le laisse entendre. (Note du garde des sceaux.)

les pays où l'on ne laboure et l'on ne voiture qu'avec des bœufs, et toujours moins onéreuse que celle que l'on exige des journaliers. Celle-ci est si dure, que, si on eût voulu l'établir dans les environs de la capitale, elle eût excité une réclamation si forte, que le roi aurait nécessairement partagé l'indignation publique. Mais ce qui se passe dans les provinces fait toujours moins d'impression, parce qu'il est toujours plus facile de déguiser les faits, ou de les justifier par différents prétextes.

Lorsque j'eus l'honneur de lire à Votre Majesté, il y a plus d'un an, dans son Conseil, un premier Mémoire sur la suppression des corvées', son cœur parut la décider sur-le-champ, et sa résolution devint aussitôt publique. Le bruit s'en répandit dans les provinces. De ce moment, il est devenu impossible de ne pas supprimer les corvées; car comment Votre Majesté retirerait-elle à ses peuples un bienfait qui leur a été annoncé, et qui a déjà été reçu, dans toutes les parties du royaume, avec les transports de la plus vive reconnaissance. Non, Sire, jamais les corvées ne pourront être commandées

en votre nom.

La suppression des corvées une fois décidée, il est également impossible de ne pas y suppléer par une imposition en argent, car il faut bien que les chemins se fassent.

Votre Majesté reconnaît la justice de charger de cette imposition. les propriétaires des terres : c'est donc sur eux qu'il faut l'établir. Cette imposition est susceptible de difficultés; mais, quand une chose est reconnue juste, quand elle est d'une nécessité absolue, il ne faut pas s'arrêter à cause des difficultés il faut les vaincre.

:

La première de ces difficultés consiste dans la répugnance qu'ont en général les privilégiés à se soumettre à une charge, nouvelle pour eux, que les taillables ont jusqu'ici supportée seuls.

Tous ceux qui ont à délibérer sur l'enregistrement de la loi sont privilégiés, et l'on ne peut pas se flatter qu'ils soient tous au-dessus de cet intérêt personnel, qui n'est cependant pas fort bien entendu. Il est vraisemblable que ce motif influera secrètement sur une grande partie des objections qui seront faites. Il n'y aura même pas lieu d'être surpris que plusieurs avouent publiquement ce motif, ni même qu'ils trouvent des raisons savantes et spécieuses pour le colorer. La solution de cette difficulté est dans la justice de Votre Ma1 Nous n'avons pas retrouvé ce Mémoire. (Note de Dupont de Nemours.)

jesté, et dans sa volonté ferme de faire exécuter ce qu'elle lui a dicté. Il se présentera dans l'exécution une difficulté plus réelle, lors de la répartition de cette contribution demandée aux propriétaires.

Il n'existe dans les pays d'élection que deux sortes de contributions levées sur les propriétaires des terres, savoir: 1o les vingtièmes; 2o les contributions locales et territoriales, telles que celles qui ont pour objet les réparations d'églises ou de presbytères, ou d'autres dépenses utiles aux habitants d'une paroisse ou d'un certain canton.

Les vingtièmes ne comprennent pas tous les privilégiés, puisque tous les biens des ecclésiastiques en sont exempts; d'ailleurs, la répartition de cette imposition est encore dans un état d'imperfection extrême. Il serait même impossible de prendre les vingtièmes pour base de la répartition à faire de cette contribution entre les différentes généralités; car la contribution de chaque généralité doit être proportionnée à la quantité de chemins qui sont à y faire, et cette quantité ne suit en aucune manière la proportion des vingtièmes.

L'esprit de l'opération est de regarder la contribution des chemins comme une charge locale, supportée par ceux auxquels la dépense profite. Mais il faut avouer qu'aucune loi générale n'ayant encore statué sur la répartition de ces impositions locales, qui se font communément de l'autorité des intendants, ou par des personnes choisies parmi les principaux habitants, ou même le plus souvent par les subdélégués, l'annonce vague, que la contribution serait assimilée aux charges locales, présenterait à l'esprit un arbitraire inquiétant. Cet arbitraire peut être ôté par une instruction très-détaillée, qui sera envoyée aux intendants. Mais cette instruction ne saurait avoir aux yeux des Cours, auxquelles elle ne pourrait être envoyée sans inconvénient, aucune autorité légale.

D'après ces réflexions, les personnes du Parlement, auxquelles j'ai communiqué le projet de loi, ont désiré qu'en laissant subsister le principe d'assimilation entre la contribution pour les chemins et les charges locales, et sans donner pour bases à sa répartition entre les provinces celle des vingtièmes, il fût dit dans la loi que la répartition sera faite sur les particuliers à proportion de leur cotisation au rôle des vingtièmes, et à l'égard des biens non imposés aux vingtièmes, dans la même proportion suivant leur revenu.

Je me suis rendu à ces observations, et je propose à Votre Majesté cette rédaction.

Le principe de regarder la dépense pour les chemins comme une charge locale, à laquelle chacun contribue à proportion de son intérêt, entraîne la conséquence de faire payer le clergé pour ses biens fonds. Cette conséquence n'est que juste; cependant Votre Majesté imagine bien qu'elle excitera des réclamations: on pourrait absolument les éluder en demandant au clergé un abonnement particulier pour cet objet, mais je crois très-important de maintenir le principe. Votre Majesté verra, quand je lui rendrai compte en détail des vices des différentes natures d'impositions, que le principal obstacle à la réforme des impôts sur les consommations est la difficulté de faire payer aux privilégiés les impositions de remplacement.

Un des plus grands biens que Votre Majesté pût faire à ses peuples, serait de convertir la gabelle en un autre genre d'imposition moins vexatoire; mais le clergé paye l'impôt sur le sel qu'il consomme, et il résistera à payer la même somme si on la lui demande directe

ment.

Je n'ai proposé d'assujettir le clergé que pour ses biens fonds, sans y comprendre la dime, et c'est sans doute une condescendance trop grande; car les denrées que donne la dîme ne gagnent pas moins aux débouchés qu'offrent les chemins; mais l'essentiel est d'établir le principe.

Les personnes auxquelles j'ai communiqué le projet de loi ont été frappées de la crainte que la dépense, par conséquent l'imposition des chemins, étant incertaine, ne pût être augmentée arbitrairement et recevoir des accroissements indéfinis. Ce danger ne me paraît pas réel; car l'on ne pourrait faire monter très-haut la dépense des chemins, sans diminuer d'autant les facultés des peuples pour payer les autres impositions, et les besoins de l'État, toujours si pressants, engageront toujours les ministres de vos finances à refroidir les administrateurs particuliers sur la trop grande étendue de leurs projets. Ce sont ces mêmes besoins qui ont fait souvent résister à l'établissement d'une imposition pour remplacer les corvées, et l'objection mériterait considération, si la corvée n'était pas incomparablement plus onéreuse et plus nuisible au recouvrement des autres impositions, que ne peut l'être la contribution par laquelle elle sera remplacée.

Pour rassurer cependant les esprits contre la crainte d'une augmentation indéfinie, j'ai inséré, dans le préambule, que Votre

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