Page images
PDF
EPUB

tité de subsistances dans son royaume, et d'assurer à ses peuples les moyens d'atteindre au prix auquel elles ont pu monter. A quoi voulant pourvoir: ouï le rapport du sieur Turgot, etc.; le roi étant en son Conseil, a ordonné et ordonne ce qui suit:

Art. I. L'arrêt du Conseil du 15 septembre 1774, et les lettres-patentes du 2 novembre dernier, seront exécutés selon leur forme et teneur; en conséquencefait Sa Majesté très-expresses inhibitions et défenses à toutes personnes, notamment aux juges de police, à tous ses officiers et à ceux des seigneurs, de mettre aucun obstacle à la libre circulation des grains et farines de province à province, sous quelque prétexte que ce soit. Enjoint à tous commandants, officiers de maréchaussée et autres, de prêter mainforte toutes les fois qu'ils en seront requis pour l'exécution desdites lettrespatentes, d'arrêter même les contrevenants et de procéder contre eux, pour être punis suivant les lois et les ordonnances du royaume.

II. Il sera payé à tous les négociants français ou étrangers qui, à compter du 15 du mois de mai jusqu'au 1er août de la présente année, feront venir des grains de l'étranger dans le royaume une gratification de 18 sous par quintal de froment et de 12 sous par quintal de seigle; lesquelles gratifications seront payées par les receveurs des droits des fermes, dans les ports où les grains seront arrivés, sur les déclarations fournies par les capitaines de navire, qui seront tenus d'y joindre les certificats des magistrats des lieux où l'embarquement aura été fait, pour constater que lesdits grains auront été chargés à l'étranger, ensemble copie dûment certifiée des connaissements; et seront lesdites déclarations vérifiées dans la même forme que pour le payement des droits de Sa Majesté.

III. Il sera tenu compte à l'adjudicataire des fermes du roi, sur le prix de son bail, du montant des sommes qu'il justifiera avoir été payées pour raison desdites gratifications.

IV. Il sera payé à tous ceux qui, dans l'époque ci-dessus énoncée, feront venir, soit directement de l'étranger, ou de quelque port du royaume, des grains étrangers dans les villes de Paris et de Lyon, une gratification, savoir : pour Paris, de 20 sous par quintal de froment et de 12 sous par quintal de seigle, et pour Lyon, de 25 sous par quintal de froment et de 15 sous par quintal de seigle, outre et par-dessus la gratification qui sera due et aura été payée dans les ports pour l'importation desdits grains dans le royaume, supposé qu'ils y soient arrivés dans l'époque prescrite par l'article Il cidessus.

Les art. V et VI prescrivent les formalités nécessaires pour constater l'entrée des grains étrangers à Paris et à Lyon.

VII. Ne pourront les propriétaires des grains étrangers introduits dans le royaume, ou leurs commissionnaires, après avoir reçu les gratifications énoncées dans l'article Il ci-dessus, les faire ressortir, soit pour l'étranger, soit pour un autre port du royaume, ni par eux-mêmes, ni par personnes interposées, sans avoir restitué auparavant ladite gratification, sauf à la recevoir de nouveau dans le port du royaume où lesdits grains seront introduits en dernier lieu, pourvu néanmoins qu'ils y rentrent dans l'époque ci-dessus prescrite.

VIII. Tous navires français ou étrangers chargés de grains, et introduits

dans les ports du royaume, seront exempts du droit de fret jusqu'au 1er août prochain, de quelque nation qu'ils soient, et dans quelque port qu'ils aient été chargés. Enjoint Sa Majesté aux sieurs intendants et commissaires départis dans les provinces, et à tous autres chargés de l'exécution de ses ordres, de tenir la main à l'exécution du présent arrêt, qui sera imprimé, lu, publié et affiché partout où besoin sera, etc.

ARRET DU CONSEIL D'ÉTAT, du 30 avril 1775, qui suspend la perception du droit de minage dans la ville de Pontoise.

Le roi, étant informé que le droit de minage qui se lève à Pontoise détourne le commerce d'y apporter des grains, et en conséquence les y fait renchérir, non-seulement à cause du droit lui-même que le marchand doit retrouver sur le prix des denrées, mais à cause de leur rareté, qu'il y occasionne; que même les propriétaires du minage et leurs fermiers, voulant donner à ce droit une extension qui est contraire à sa nature et à son institution, prétendent le percevoir, non-seulement dans le marché, mais sur les ports, dans les greniers, maisons, moulins et autres lieux; de sorte que les grains écartés du marché par la crainte du droit, le sont encore de toute la ville Sa Majesté, pour prévenir cet inconvénient, a, par arrêt du 20 mars dernier, évoqué à elle et à son Conseil toutes les contestations nées et à naître concernant ledit droit de minage et tous marchands de blé; mais elle a reconnu que ces mesures ne produisaient pas l'effet qu'elle s'était proposé; que ces contestations se renouvellent tous les jours, et que les laboureurs et autres propriétaires de grains, pour éviter l'inquiétude que leur font essuyer les préposés à la perception de ce droit, et s'exempter de la nécessité de suivre un procès, préfèrent de le payer, lors même qu'ils vendent hors du marché, et prennent la résolution d'abandonner ensuite le marché et la ville de Pontoise, et de cesser d'y apporter des grains. A quoi étant nécessaire de pourvoir : ouï le rapport du sieur Turgot, etc.; le roi étant en son Conseil, ordonne :

Qu'à compter du jour de la publication du présent arrêt jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné, la perception du droit de minage sera et demeurera suspendue dans la ville de Pontoise; fait défenses à toutes personnes de l'exiger, même de le recevoir quoiqu'il fût volontairement offert, aux peines qu'il appartiendra; à la charge néanmoins de l'indemnité qui pourra être due au propriétaire ou au fermier dudit droit pour le temps qu'il aura cessé d'en jouir, ou du remboursement du principal auquel ledit droit aura été évalué, ensemble des intérêts, si Sa Majesté se détermine à en ordonner la suppression. Fait Sa Majesté très-expresses inhibitions et défenses au pro

priétaire et au fermier dudit droit d'exiger de ceux qui apporteront ou introduiront des grains ou des farines dans la ville de Pontoise, soit au marché ou ailleurs, aucune déclaration de leurs denrées, ni de les assujettir à aucunes formalités, sous quelque prétexte que ce puisse être, même à cause de l'indemnité ci-dessus ordonnée, laquelle sera fixée sur leurs baux et tous autres renseignements servant à constater le produit annuel du droit, etc.

PROCLAMATION DU ROI, qui ordonne que les brigands attroupés pour piller les maisons et les magasins des meuniers, des boulangers et des laboureurs, seront jugés par les prévôts-généraux des maréchaussées. (Donnée à Versailles le 5 mai 1775; registrée en Parlement, le roi tenant son lit de justice, lesdits jour et an1.)

Louis, etc. Nous sommes informé que depuis plusieurs jours des brigands attroupés se répandent dans les campagnes pour piller les moulins et les maisons des laboureurs; Que ces brigands se sont introduits les jours de marché dans les villes, et même dans celle de Versailles et dans notre bonne ville de Paris; qu'ils y ont pillé les halles, forcé les maisons des boulangers, et volé les blés, les farines et le pain destinés à la subsistance des habitants desdites villes et de notre bonne ville de Paris; Qu'ils insultent même sur les grandes routes ceux qui portent des blés ou des farines; qu'ils crèvent les sacs, maltraitent les conducteurs des voitures, pillent les bateaux sur les rivières, tiennent des discours séditieux, afin de soulever les habitants des lieux où ils exercent leurs brigandages, et de les engager à se joindre à eux; que ces brigandages, commis dans une grande étendue de pays, aux environs de notre bonne ville de Paris, et dans notre bonne ville même, le mercredi 3 de ce mois et jours suivants, doivent être réprimés, arrêtés et punis, afin d'en imposer à ceux qui échapperont à la punition, ou qui seraient capables d'augmenter le désordre. Les peines ne doivent être infligées que dans les formes prescrites par nos ordonnances; mais il est nécessaire que les exemples soient faits avec célérité; c'est dans cette vue que les rois nos prédécesseurs ont établi la juridiction prévôtale, laquelle est principalement destinée à établir la sûreté des grandes routes, à réprimer les émotions populaires et à connaître des excès et violences commis à force ouverte. A ces causes et autres, à ce nous mouvant; de l'avis de notre Conseil, et de notre certaine science,

'Ce fut le 3 mai qu'éclata dans Paris la sédition que cette ordonnance solennelle avait pour but d'étouffer dans son principe. Cet épisode du ministère de Turgot fut appelé la guerre des farines, et nous en avons consigné les principaux détails dans la Notice qui précède la réimpression des œuvres de cet homme d'État. (E. D.).

pleine puissance et autorité royale, nous avons, par ces présentes signées de notre main, dit, déclaré et ordonné; disons, déclarons et ordonnons, voulons et nous plaît:

Que, tant dans notre bonne ville de Paris, que dans toutes les autres villes et lieux où ont été commis lesdits excès, comme dans ceux où l'on en commettrait de parcils, les personnes qui ont été jusqu'à présent, ou seront à l'avenir arrêtées, seront remises aux prévôts-généraux de nos maréchaussées, pour leur procès leur être fait et parfait en dernier ressort, ainsi qu'à leurs complices, fauteurs, participes et adhérents, par lesdits prévôts-généraux et leurs lieutenants, assistés par les officiers de nos présidiaux, ou autres assesseurs appelés à leur défaut; et les jugements rendus sur leurs procès, exécutés conformément aux ordonnances: Voulons et ordonnons, à cet effet, que les procédures encommencées soient portées au greffe desdits prévôts ou leurs lieutenants. Faisons défenses à nos cours de parlement et à nos autres juges d'en connaître, nonobstant toutes ordonnances et autres choses à ce contraires, auxquelles nous avons, en tant que de besoin, dérogé; et tous arrêts qui auraient pu être rendus, que nous voulons être regardés comme non avenus. Si donnons en mandement à nos amés et féaux conseillers les gens tenant notre cour de parlement à Paris, que ces présentes ils aient à faire lire, publier, enregistrer; et le contenu en icelles, garder, observer et exécuter selon leur forme et teneur car tel est notre bon plaisir; en témoin de quoi nous avons fait mettre notre scel à cesdites présentes. Donné à Versailles, le cinquième jour du mois de mai, l'an de grâce 1775, et de notre règne le premier. Signé LOUIS. Et plus bas : par le roi, signé PHÉLYPEAUX. Et scellé du grand sceau de cire jaune.

Registrée, du très-exprès commandement du roi, ouï et ce requérant le procureur-général du roi, pour être exécutée selon sa forme et teneur; et copie collationnée envoyée aux bailliages et sénéchaussées du ressort, pour y être pareillement lue, publiée et registrée: enjoint aux substituts du procureur-général du roi d'y tenir la main, et d'en certifier la Cour au mois. Fait à Versailles, le roi séant en son lit de justice, le cinq mai mil sept cent soixante-quinze. Signé LE BRET.

ARRET DU CONSEIL d'ÉTAT, du 8 mai 1775, qui accorde des gratifications à ceux qui font venir des grains de l'étranger, dans les provinces d'Alsace, de Lorraine et des Trois-Évêchés.

Le roi ayant, par son arrêt du 24 avril dernier, accordé différentes gratifications à ceux qui feraient venir des grains étrangers dans les différents ports du royaume, et Sa Majesté ayant reconnu qu'il était utile d'en étendre les dispositions aux grains qui souvent arrivent des pays étrangers par terre, dans quelques-unes des provinces de son royaume, qui sont dans le cas d'en avoir le plus de besoin, et singulièrement dans ses provinces d'Alsace et de Lorraine; ouï le rapport du sieur Turgot, etc.; le roi étant en son Conseil, a ordonné et ordonne ce qui suit :

Art. 1. Il sera payé à tous les négociants français ou étrangers qui, à comp

ter du 15 mai prochain jusqu'au 1er août de la présente année, feront venir des grains de l'étranger, par terre, dans ses provinces d'Alsace et de Lorraine, et des Trois-Évêchés, 15 sous par quintal de froment et 12 sous par quintal de seigle; lesquelles gratifications seront payées par les receveurs des fermes, dans les villes frontières de l'Alsace et de la Lorraine et des TroisÉvêchés, où les grains seront arrivés, sur les déclarations fournies par les négociants ou les voituriers, qui seront tenus d'y joindre les certificats des magistrats des lieux où le chargement aura été fait, pour constater que lesdits grains ont été chargés en pays étrangers, ensemble copie dûment certifiée des factures; et seront lesdites déclarations vérifiées dans la même forme que pour le payement des droits de Sa Majesté.

II. Il sera tenu compte à l'adjudicataire des fermes du roi, sur le prix de son bail, du montant des sommes qu'il justifiera avoir été payées pour raison desdites gratifications.

III. Il sera payé, par quintal de farine de froment introduite dans lesdites provinces d'Alsace et de Lorraine, et des Trois-Evêchés, par terre, 18 sous, et 15 sous par quintal de farine de seigle.

IV. Ne pourront les propriétaires des grains étrangers introduits dans le royaume, ou leurs commissionnaires, après avoir reçu les gratifications portées aux articles I et III ci-dessus, les faire ressortir pour l'étranger, ni par eux-mêmes ni par personnes interposées, sans avoir restitué auparavant lesdites gratifications, sauf à les recevoir de nouveau dans une autre province où les grains seraient introduits, pourvu néanmoins qu'ils y rentrent dans l'époque ci-dessus prescrite.

LETTRE DU ROI aux archevêques et évêques de son royaume. (10 mai 1775.)

Monsieur, vous êtes instruit du brigandage inouï qui s'est exercé sur les blés autour de la capitale, et presque sous mes yeux à Versailles, et qui semble menacer plusieurs provinces du royaume. S'il vient à s'approcher de votre diocèse ou à s'y introduire, je ne doute pas que vous n'y opposiez tous les obstacles que votre zèle, votre attachement à ma personne, et plus encore la religion sainte dont vous êtes le ministre, sauront vous suggérer. Le maintien de l'ordre public est une loi de l'évangile comme une loi de l'État, et tout ce qui le trouble est également criminel devant Dieu et devant les hommes.

J'ai pensé que, dans cette circonstance, il pourrait être utile que les curés de mon royaume fussent instruits des principes et des effets de ces émeutes, et c'est dans cette vue que j'ai fait dresser pour eux l'instruction que je vous envoie, et que vous aurez soin d'adresser à ceux de votre diocèse. Les connaissances qu'elle renferme, mises par eux sous les yeux des peuples, pourront les préserver de la sédition, et les empêcher d'en être les complices ou les victimes.

« PreviousContinue »