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laboureur ou autres, de porter des grains ou farines au marché, ou de les empêcher de vendre partout où bon leur semblera.

III. Sa Majesté voulant qu'il ne soit fait à l'avenir aucun achat de grains ni de farines pour son compte, elle fait très-expresses inhibitions et défenses à toutes personnes de se dire chargées de faire de semblables achats pour elle et par ses ordres, se réservant, dans les cas de disette, de procurer à la partie indigente de ses sujets les secours que les circonstances exigeront.

IV. Désirant encourager l'introduction des blés étrangers dans ses États et assurer ce secours à ses peuples, Sa Majesté permet à tous ses sujets et aux étrangers qui auront fait entrer des grains dans le royaume d'en faire telles destinations et usages que bon leur semblera, même de les faire ressortir sans payer aucuns droits, en justifiant que les grains sortants sont les mêmes qui ont été apportés de l'étranger; se réservant au surplus Sa Majesté de donner des marques de sa protection spéciale à ceux de ses sujets qui auront fait venir des blés étrangers dans les lieux du royaume où le besoin s'en serait fait sentir; n'entendant Sa Majesté statuer quant à présent, et jusqu'à ce que les circonstances soient devenues plus favorables, sur la liberté de la vente hors du royaume; déroge Sa Majesté à toutes les lois et règlements contraires aux dispositions du présent arrêt, sur lequel seront toutes lettres nécessaires expédiées', etc.

LETTRES-PATENTES concernant le commerce des grains dans l'intérieur du royaume. (Données à Fontainebleau le 2 novembre 1774; registrées en Parlement le 19 décembre audit an.)

LOUIS, etc. Occupé de tout ce qui peut intéresser la subsistance de nos peuples, nous avons fait examiner en notre présence les mesures qui avaient été prises sur cet objet important, et nous avons reconnu que les gênes et les entraves que l'on avait mises au commerce des grains, loin de prévenir la cherté et d'assurer des secours aux provinces affligées de la disette, avaient, en obligeant le gouvernement à se substituer au commerce qu'il avait écarté et découragé, concentré l'achat et la vente dans un petit nombre de mains, livré le prix des grains à la volonté et à la disposition de préposés qui les achetaient de deniers qui ne leur appartenaient pas, et fait parvenir la denrée dans les lieux du besoin, à plus grands frais et

1 L'on doit faire observer relativement à cet arrêt, 1o qu'il n'établissait que la liberté intérieure du commerce des grains, et que cependant les ennemis de Turgot l'attaquèrent comme si ce ministre eût rendu l'exportation libre; 2o que cette mesure n'était pas une innovation, puisque, sans parler de la déclaration du 25 mai 1763, le contrôleur-général de Machault avait, en 1749, non-seulement autorisé la libre circulation des grains à l'intérieur, mais permis même leur sortie du royaume par deux ports de la Méditerranée; 3o enfin, que la déclaration de 1763 n'avait été révoquée par l'abbé Terray, en 1770, que pour favoriser un infame trafic sur les grains, auquel il est constant que Louis XV lui-même prenait part. (E. D.)

plus tard que si elle y avait été apportée par le commerce intéressé à réunir la célérité, la vigilance et l'économie. Ces considérations nous ont déterminé à rendre un arrêt en notre Conseil le 13 septembre dernier, dans lequel, après avoir annoncé les principes et développé les motifs qui ont fixé notre décision, nous avons renouvelé l'exécution des art. I et II de la déclaration rendue par le feu roi, notre très-honoré seigneur et aïeul, le 25 mai 1763, et nous y avons ajouté les précautions que nous avons jugées nécessaires pour assurer entre les différentes provinces de notre royaume la liberté de la circulation, qui seule peut assurer la subsistance de toutes. A ces causes..., de l'avis de notre Conseil, qui'a vu ledit arrêt du 13 septembre dernier, dont expédition est ci-attachée... Nous avons ordonné, et par ces présentes signées de notre main, ordonnons ce qui suit :

Le dispositif des articles I, II, II et IV de ces lettres-patentes est le même que celui des articles correspondants de l'arrêt du 13 septembre, avec les seuls changements qu'exigeait la forme des lettres-patentes. La clause dérogatoire qui terminait l'article IV de cet arrêt a été détachée dans les lettrespatentes et y forme un article V, auquel on a joint la réserve « de statuer incessamment par d'autres lettres-patentes sur les règlements particuliers à la ville de Paris. >>

ARRÊT DU CONSEIL D'ÉTAT, du 14 janvier 1775, qui permet l'introduction des grains nationaux dans la Provence, en passant par le port de Marseille, moyennant l'acquità-caution pour le premier bureau par lequel les marchandises entrent dans l'intérieur de ladite province en sortant de la ville de Marseille.

Le roi, en établissant, par l'arrêt rendu en son Conseil le 13 septembre 1774, la liberté du commerce des grains dans l'intérieur du royaume, a eu pour objet d'assurer entre ses différentes provinces la communication nécessaire pour subvenir subvenir par l'abondance des unes aux besoins des autres: Sa Majesté ayant cru devoir, par des motifs de prudence, différer de statuer sur la liberté de la vente hors du royaume jusqu'à ce que les circonstances soient devenues plus favorables; et le port de Marseille ayant toujours été réputé étranger par rapport au commerce, et ayant en conséquence toujours joui de la liberté indéfinie de vendre toutes sortes de grains à l'étranger, il en est résulté, par une conséquence nécessaire, que l'introduction des grains nationaux n'a pu être permise dans la ville de Marseille, puisque les grains, une fois introduits dans ce port, auraient pu sans obstacle être transportés à l'étranger. Mais Sa Majesté

est instruite que cette défense, dont l'objet n'a été que d'empêcher les grains nationaux de passer à l'étranger, nuit à l'approvisionnement de plusieurs cantons de l'intérieur de la Provence, qui, étant plus à portée de Marseille que d'aucun autre port, sont privés de la ressource des grains qu'ils pourraient tirer des autres provinces du royaume, ou ne peuvent les recevoir que par des voies longues, détournées et difficiles, et par conséquent en les payant beaucoup plus cher. Cette interdiction du passage des grains du royaume par Marseille empêche les grains de la Provence même, et en particulier du territoire d'Arles, où la récolte a été assez abondante, de parvenir dans les cantons les plus disetteux et même dans la capitale de la province, où le commerce les porterait facilement et ferait diminuer le prix de la denrée si la voie de la circulation par Marseille était ouverte. Ces considérations ont fait penser à Sa Majesté que, si la destination des grains nationaux pour le port de Marseille ne pouvait pas être autorisée sans donner lieu à la sortie des grains hors du royaume, il était néanmoins indispensable, et conforme à la justice qu'elle doit à tous ses sujets, de rendre le passage par cette ville libre aux secours destinés à approvisionner l'intérieur du royaume, et d'établir à cet effet une forme qui, sans donner lieu à la sortie des grains pour l'étranger, pût rendre facile leur introduction par Marseille dans l'intérieur de la Provence. Sa Majesté a reconnu avec satisfaction qu'il était facile de parvenir à ce double but, en ordonnant que les grains expédiés des différents ports du royaume pour Marseille, et destinés pour l'intérieur de la Provence, soient munis d'un acquit-à-caution pour le premier bureau, par lequel les marchandises entrent dans le royaume en sortant de Marseille. A quoi étant nécessaire de pourvoir: ouï le rapport du sieur Turgot, etc.; le roi étant en son Conseil, a ordonné et ordonne :

Qu'il sera libre à toutes personnes de transporter dans l'intérieur de la Provence des grains nationaux, même en les faisant passer par le port de Marseille. Ordonne à cet effet Sa Majesté que les acquits-à-caution qui seront délivrés dans les ports où les grains auront été chargés, seront à la destination du bureau de Septèmes et autres bureaux de l'intérieur de ladite province, et que ceux à qui lesdits acquits-à-caution auront été donnés seront tenus d'introduire dans ladite province et par lesdits bureaux les quantités portées dans leurs chargements et y faire décharger les acquits-à-caution, aux peines portées par l'ordonnance des fermes. Enjoint Sa Majesté aux sieurs intendants et commissaires départis dans les provinces de tenir la main, chacun en droit soi, à l'exécution du présent arrêt, qui sera lu, publié et affiché partout où il appartiendra, etc.

EXTRAIT DE L'ARRêt du Conseil d'ÉTAT, du 7 avril 1775, qui casse deux ordonnances des officiers de la sénéchaussée et lieutenants-généraux de police de La Rochelle, des 9 et 10 mars 1775.

Ces officiers avaient ordonné la visite dans les greniers de grains venant de l'étranger, et en avaient suspendu la vente pour une autre visite être faite après quinze jours.

Sa Majesté a reconnu que ces officiers ont excédé le pouvoir qui leur est confié, qu'ils ont même contrevenu aux lois données par Sa Majesté pour accorder au commerce des grains la liberté qui lui est nécessaire.

Que le pouvoir attribué à des juges de police ne s'étend pas jusqu'à faire visiter les grains que l'on garde en magasins; qu'en aucune occasion, que sous aucun prétexte, ils ne peuvent se permettre d'ordonner de telles visites, parce que des grains gardés dans des magasins ne peuvent jamais nuire au public.

Que c'est au commerçant dont les grains ont souffert dans le trajet quelque dommage, à déterminer s'il doit, ou s'il veut faire les dépenses nécessaires pour le réparer, et la manière et le temps qu'il emploiera pour y parvenir, sans qu'aucun juge de police puisse ni faire visiter ces grains, ni lui fixer un délai pour les remettre dans un meilleur état, ni constater par une procédure qu'il ne les y a pas rétablis; que l'intérêt du commerce est à cet égard la seule règle qu'il doive suivre; qu'il peut user de sa chose comme il lui plaît, et qu'aucun juge ne peut violer ce droit de la propriété.

Que la vente même de ces grains ne peut pas être interdite ; qu'elle est souvent nécessaire; qu'elle ne peut être nuisible.

Que cette vente est souvent nécessaire; que l'usage, autorisé par l'ordonnance de la marine, est dans le commerce de faire assurer les marchandises que l'on transporte par mer, et même sur les rivières navigables, moyennant une prime d'assurance proportionnée à la valeur de la cargaison, et donnée à des compagnies ou à des particuliers qui, sous le nom d'assureurs, prennent le péril sur eux; qu'en conséquence les avaries sont à la charge des assureurs, pourvu qu'elles ne proviennent point du vice propre de la chose, et qu'elles arrivent par quelque accident de mer; mais que, pour que les assurés puissent en exiger le remboursement, il est nécessaire qu'ils prouvent non-seulement qu'il y a une avarie, mais quelle en est l'évaluation; que, suivant la pratique usitée dans les amirautés du

royaume, auxquelles la connaissance des avaries est attribuée privativement à tous autres juges par les articles III et XV du titre II de l'ordonnance de la marine, il y a deux manières de procéder à cette évaluation ou par experts nommés par le juge de l'amirauté, ou par la vente publique des grains avariés, et d'une partie de ceux qui n'ont souffert aucun dommage, ensuite de laquelle on connaît la différence entre la valeur des uns et des autres grains, et on fixe l'indemnité qu'ainsi il peut arriver que le juge de l'amirauté ordonne la vente; qu'il y aurait donc contradiction entre l'ordonnance du juge de l'amirauté et celle du juge de police; que celle du juge de l'amirauté devrait prévaloir, parce qu'il est seul compétent en cette matière, et que la vente des grains peut être nécessaire et forcée.

Que l'usage reçu dans les places du Nord, d'où sont venus les grains que les juges de police de La Rochelle ont défendu de vendre, rend cette vente encore plus nécessaire; qu'on n'admet point dans ces places l'évaluation des avaries par expertage; qu'on y exige qu'elle soit établie par vente publique; que sans cette formalité, les assureurs avec lesquels le chargeur a traité dans ces places refuseraient de payer l'indemnité ; que tel est l'usage de leurs tribunaux ; qu'ainsi, défendre la vente de ces grains, c'est ôter la réciprocité d'assurances, et par conséquent de commerce entre le royaume et les États étrangers.

Que cette vente est utile qu'elle l'est aux grains eux-mêmes, parce que les partager par la vente, c'est multiplier le nombre de personnes occupées à les soigner et à les rétablir, en accélérer, en faciliter et en assurer le rétablissement; elle l'est au peuple, qui, en lavant ces grains et les faisant sécher, ou les mêlant avec d'autres grains, se procure une subsistance convenable et cependant moins chère; elle l'est au commerçant lui-même, qu'elle exempte des frais de manutention.

Que cette vente ne peut être nuisible; que ce n'est pas la vente des grains qui peut nuire au peuple que c'est la fabrication et la vente du pain; que ce n'est donc que sur la vente et la qualité du pain que doit veiller la police; que porter les prohibitions jusqu'à la vente des grains, c'est empêcher que les grains les plus détériorés ne puissent être employés à des pâtes, des colles, des poudres néces

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