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ensemble avant de jouer. Ce ne sont plus les nations qui se battent, ni même les rois, mais les armées et des hommes payés; ce sont des parties de jeu où l'on ne joue que sa mise, et non le tout; enfin les guerres, qui étaient jadis une fureur, ne sont déjà plus qu'une folie.

LIX.

Nous, qui ne sommes que peuple, mais qui payons la guerre de notre bien et de notre sang, nous ne cesserons de dire aux rois que les guerres ne sont bonnes que pour eux ; que ce sont jeux de princes, qui ne plaisent qu'à ceux qui les font; que les véritables et justes conquêtes sont celles que chacun fait chez soi en soulageant le paysan, en favorisant l'agriculture, en multipliant les hommes et les autres productions de la nature; qu'ainsi seulement les rois peuvent se dire l'image de Dieu, dont la volonté continuée crée toujours. Si les rois continuent de nous faire battre et tuer en uniforme, nous continuerons d'écrire et de parler j'usqu'à ce que les peuples soient revenus de leur folie: et, si les rois persistent encore, nous irons sur le champ de bataille, nous écrirons notre pétition sur un tas de cadavres avec le sang des mourans, et nous la leur ferons présenter par cinquante mille veuves et cent mille orphelins.

LX.

LES haînes stupides des nations diminueront quand les rois ne les exciteront plus les unes contre les autres; car maintenant les nations sont sédentaires et propriétaires.

LXI.

On peut calculer rigoureusement les progrès de la raison.

LXII.

Si le corps robuste de la France résiste à sa révolution, l'on ne verra plus ces armées si grandes avec lesquelles on fait des choses si petites. On imitera l'exemple des Français; et, sous cet aspect, comme sous plusieurs autres, la révolution de France aura épargné le sang des hommes, et préparé la conservation et le perfectionnement de l'espèce humaine. Les rois eux-mêmes seront tout surpris de se trouver plus forts et plus riches, lorsqu'ils ne seront plus obligés d'enlever chacun deux

cents mille jeunes gens à la charrue, de sacrifier la fleur de leurs états, et de tuer la postérité.

LXIII.

L'HISTOIRE de la révolution de France est un recueil de prophéties.

CONSTITUTION FRANÇAISE,

Décrétée par l'Assemblée nationale constituante, aux années 1789, 1790, 1791 et acceptée par le Roi le 14 septembre 1791.

DÉCLARATION DES DROITS DE L'HOMME ET DU CITOYEN.

ES

Les représentans du peuple français, constitués en assemblée nationale, considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernemens, ont résolu d'exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme; afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs; afin que les actes du pouvoir législatif et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la constitution et au bonheur de tous.

En conséquence, l'assemblée nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Être suprême, les droits suivans de l'homme et du citoyen.

ARTICLE PREMIER.

Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.

II. Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont, la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression.

III. Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément.

pas

IV. La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit à autrui : ainsi l'exercice des droits naturels de chaque homme

n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi.

V. La loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas.

VI. La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentans à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protége, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens, étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talens.

VII. Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu, que dans les cas déterminés par la loi et selon les formes qu'elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires doivent être punis; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la loi doit obéir à l'instant: il se rend coupable par la résistance.

VIII. La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée.

IX. Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.

X. Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi.

XI. La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.

XII. La garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée.

XIII. Pour l'entretien de la force publique et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable: elle doit être également répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés.

XIV. Tous les citoyens ont le droit de constater, par euxmêmes ou par leurs représentans, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi,

et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée.

XV. La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration.

XVI. Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de constitution.

XVII. La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité.

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