Page images
PDF
EPUB

appuyée, je prie M. le président de la mettre aux voix. (On entend dans toutes les parties de la salle ces mots : Oui, oui, elle est appuyée.)

Quelques membres demandent la question préalable.

N...... Je demande que les deux fauteuils soient placés sur la même ligne vis-à-vis le bureau.

M. Goupilleau, député par le département de la Vendée. J'avoue qu'à la dernière séance du corps constituant, j'ai été révolté de voir le président se fatiguer par une inclination profonde devant le roi.

M. Chabot. Le peuple qui vous a envoyés, ne vous a pas chargés de porter plus loin la révolution; mais il espère que vous ne rétrograderez pas; il espère que, représentans de sa dignité, vous la ferez respecter; que vous ne souffrirez pas, par exemple, que le roi vous dise : « Je viendrai à trois heures. » Comme si vous ne pouviez pas lever la séance sans l'attendre.

N.... Il n'y a rien de si désirable pour tous les bons citoyens, que l'harmonie entre les deux pouvoirs, (On applaudit dans toutes les parties de la salle.) Il ne faut pas souffrir que l'un domine sur l'autre. Le roi, en s'accoutumant à régler les mouvemens de vos corps, pourrait bientôt espérer de régler les mouvemens de vos ames. Il faut donc déterminer les formes invariables d'après lesquelles vous communiquerez avec lui. Tout ce que la dignité du corps-législatif peut accorder s'arrête là où commencent les marques d'esclavage. J'adopte donc la plupart des propositions qui viennent d'être faites par l'un des préopinans. Quant à la distinction des fauteuils, j'aime à croire que le peuple sentira que le simple fauteuil du président mérite autant de vénération que le fauteuil d'or. (On applaudit.)

On demande que ces propositions soient solennellement discutées à huit jours d'intervalle, suivant les formes prescrites par la constitution.

La discussion est fermée.

On demande à aller aux voix sur chacune des propositions séparément.

M. Souton récapitule les diverses propositions, et en fait autant d'articles séparés; il propose d'aller aux voix sur l'article suivant :

‹ Au moment où le roi entrera dans l'assemblée, tous les membres se tiendront debout et découverts. »

Cet article est adopté.

M. Souton lit l'article II.

Le roi arrivé au bureau, chacun des membres pourra s'assoir et se couvrir. »

M. Garran-Coulon. Cet article tendrait à établir une sorte de confusion dans l'assemblée, et cette aisance donnerait occasion aux uns de montrer de l'idolatrie, et aux autres de la fierté. (Une voix s'élève: Tant mieux; s'il y a des flatteurs, il faut les connaître.) Je demande qu'on décide précisément que, lorsque le roi sera au bureau, tous les membres seront assis, et qu'il sera libre à chacun de se couvrir.

M. le président met aux voix l'article II.

L'épreuve paraît douteuse à quelques membres.

D'une part, on demande qu'il soit fait une seconde épreuve; de l'autre, que l'assemblée soit seulement consultée pour savoir s'il y a du doute. Les débats sur ces deux propositions sont assez longs.-M. le président veut faire une seconde épreuve.

.

M. Lacroix. Il n'y a pas de doute; mais comme quelques membres du côté droit réclament....

Tous les députés placés à la droite du président, et beaucoup d'autres placés dans diverses parties de la salle, se lèvent en demandant à grands cris que M. Lacroix soit rappelé à l'ordre. M. Lacroix va se placer au milieu de la partie droite de la salle, et sollicite la parole. Les cris redoublent: A l'ordre! à l'ordre!

M. le président se couvre.

On fait silence.

M. le président. M. Lacroix, au nom de l'assemblée, je vous rappelle à l'ordre pour avoir oublié les égards que vous devez à une partie de ses membres. (On applaudit.)

M. le président se découvre.

M. Lacroix. Maintenant que j'ai subi la peine, l'assemblée me permettra-t-elle de me justifier?

L'assemblée décide que M. Lacroix sera entendu.

M. Lacroix. En parlant du côté droit, je n'ai pas entendu comparer les membres qui y sont aujourd'hui à ceux qui y siégeaient dans le corps constituant. La preuve, c'est que je ne connais dans cette partie de la salle que six de mes collègues, les meilleurs citoyens du département.

L'assemblée décide qu'il ne sera pas fait mention au procèsverbal que M. Lacroix ait été rappelé à l'ordre.

M. le président consulte l'assemblée pour savoir s'il y a eu du doute sur la première épreuve.

L'assemblée décide qu'il n'y avait pas de doute, et que l'article II est adopté.

Les articles suivans sont successivement lus et décrétés.

III. Il y aura au bureau et sur la même ligne deux fauteuils semblables; celui placé à la gauche du président sera destiné pour le roi.

[ocr errors]

IV. Dans le cas où le président ou tout autre membre de l'assemblée aurait été chargé préalablement par l'assemblée d'adresser la parole au roi, il ne lui donnera, conformément à la constitution, d'autre titre que celui de roi des Français, et il en sera de même dans les députations qui pourront être envoyées au roi. V. Lorsque le roi se retirera de l'assemblée, les membres seront, comme à son arrivée, debout et découverts.

VI. Enfin, la députation qui recevra et qui reconduira le roi, sera composée de douze membres.]

L'assemblée avait adopté à une grande majorité ce moyen de rendre à Louis XVI impolitesse pour impolitesse; mais l'éclat et la promptitude qu'elle mit à se venger ne profitèrent qu'à la popularité naissante de Couthon. Le lendemain, l'assemblée revint sur sa décision de la veille, à la suite d'intrigues que nous exposerons après avoir transcrit la séance elle-même où fut annulé le décret du 5.

SÉANCE DU 6 OCTOBRE.

Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance de la veille.

M. Vosgien, Ce n'est point contre le décret rendu hier à l'oc casion du cérémonial qui doit être observé, lorsque le roi paraîtra dans l'assemblée, que je demande la parole, c'est pour relever l'erreur qui l'a fait regarder comme un acte de police întérieure.

Le roi des Français devait venir demain proposer des objets d'utilité générale à l'attention de l'assemblée; c'était en même temps un acte de zèle et un nouvel acquiescement à la constitution, et par conséquent cela était utile à récueillir. Le fanatisme de la liberté devient une dégradation du caractère de représen⚫ tant de la nation.

On s'est trompé lorsqu'on a considéré le décret rendu hier comme un acte de police. La police de l'assemblée ne se rapporte qu'au service mécanique; mais les relations entre le corps-législatif et le roi tiennent à des actes législatifs qui doivent être soumis à la sanction du roi, et cela est si vrai, que la constitution a fait de cet article un chapitre particulier.

Qu'est-il résulté du décret d'hier? une perte considérable dans les actions, une nouvelle espérance des ennemis du bien public. Qui doute que l'adhésion du roi ne soit un des plus fermes appuis de la constitution, ou du moins, qu'elle n'épargne de grands maux? et croyez-vous que les malveillans ne lui représentent pas avec adresse qu'il se verra sans cesse ballotté par les opinions divergentes de chaque législature, et que cela ne relâche les liens qui attachent le roi à la constitution? Il est temps de jeter l'ancre; offrons dans les traits de notre enfance les signes heureux de la prospérité publique.

Le décret n'est point urgent, vous ne l'avez pas déclaré tel; ainsi, il n'y a nul inconvénient à conserver le cérémonial de l'assemblée nationale constituante, et c'est à quoi je conclus.

M. Bazire. Je demande qu'on n'accorde la parole que sur la

rédaction dn procès-verbal, et qu'on s'oppose à toute discussion qui tendrait à la réformation du décret rendu hier.

N..... Le membre qui a demandé la parole sur la rédaction du procès-verbal a fait entendre que notre décret d'hier pouvait je1er de la défaveur sur la majesté du trône; je pense, au contraire, qu'il ajoute à sa dignité, puisqu'il efface les dernières traces d'un régime despotique, et donne au roi le nom qui lui est solennellement déféré dans l'acte constitutionnel, chef-d'œuvre auquel il a eu le bonheur de contribuer. Je demande la question préalable sur toutes les propositions qui tendraient à réformer un décret rendu à la presque unanimité.

M. Robecourt. La première chose qui se présente à ma pensée, c'est que c'est ici que j'ai juré de ne pas souffrir qu'il soit porté atteinte à la constitution, et je crois que le décret rendu hier en est une violation. Il est impossible de le ranger dans la classe des dispositions de régime intérieur, puisqu'il détermine les relations du corps-législatif avec le roi, déjà réglées par l'acte constitutionnel. Je soutiens qu'en principe vous ne pouvez pas faire de loi obligatoire pour le roi sans sa participation. Comme vous, il est représentant du peuple, et quand il vient ici, c'est toujours revêtu de ce caractère auguste. Je demande, en me résumant, que le décret rendu hier soit regardé comme simple projet; que, suivant la constitution, il en soit fait lecture aux époques légales, et que le cérémonial déterminé par l'assemblée constituante soit provisoirement conservé.

M. Vergniaud. On paraît d'accord que si le décret est de police intérieure, il est exécutable sur-le-champ: or, il est évident pour moi que le décret est de police intérieure ; car il n'y a pas de relation d'autorité du corps-législatif avec le rói, mais de simples égards qu'on réclame en faveur de la dignité royale. Si ce décret pouvait être regardé comme législatif, et par là même soumis à la sanction, il faudrait en conclure que lorsqu'il s'agit d'envoyer au roi une députation, par exemple, il faudrait porter à la sanction du roi la disposition relative au nombre des membres dont elle devrait être composée. Je ne sais pourquoi on paraît désirer

« PreviousContinue »