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XVI, quelle que soit son innocence, de l'immoler à leurs haînes et à leurs passions. Ah! Législateurs, ne rougissez-vous pas de sacrifier ainsi les premiers principes de la morale ? Ne tremblez-vous pas en armant votre bras du fer des assassins? Croyez-vous que ces sentimens qui donnent tant d'amis à la vertu persécutée, et qui font du malheur un objet de culte, sont éteints pour toujours dans l'ame sensible des Français Songez-y plus d'une fois avant que de prononcer l'arrêt fatal, qui peut-être sera le vôtre. Il règne parmi vous deux partis bien distincts. On cherche à procurer le triomphe de celui dans lequel on s'est rangé. On veut en conséquence capter la faveur du peuple, et la mort du roi paroît être le but auquel tendent ces deux partis pour se rendre dignes de cette faveur précieuse. Mais, c'est l'écueil le plus dangereux que vous ayez jusqu'à présent rencontré dans votre route; et prenez garde que là n'aillent se briser tous les complots, toutes les tyrannies subalternes, et que le voile, qui depuis quatre ans cache des ressorts inconnus ne venant à tomber, ne découvre des projets que vous voudriez, mais envain, ensevelir dans un oubli éternel.

Ainsi donc la convention, sans l'avoir en

tendu, ne cesse d'affirmer que Louis XVI est coupable; et comme elle avoit besoin d'une formule pour servir de ralliement à ses différens reproches, elle a employé les mots sonores d'attentat à la liberté publique. Ces mots ont fait fortune, comme ceux d'aristocratie, d'égalité, de souveraineté nationale, et à l'aide de ces nouveaux talismans elle peut à coup sûr désigner ses victimes; bien certaine, que de celles qui en seront frappées, aucune n'échappera. Louis XVI a médité l'oppression de la France? lui qui a prévenu les vœux du peuple et reconnu ses droits! lui qui a abjuré le pouvoir absolu que lui avoient transmis ses prédécesseurs! lui qui a posé les premiers fondemens d'une constitution libre. Ah! vous mentez à vous-mêmes, accusateurs téméraires, vous ne le croyez pas. Pour juger un homme. on ne s'attache pas à des conjectures odieuses et dénuées de preuves; mais on examine ses actions, on les pèse dans la balance de la justice, on mûrit le jugement et l'on prononce sans aigreur. Passons à l'examen particulier des griefs.

On reproche à Louis XVI d'avoir long-tems éludé, de faire exécuter les décrets du 11 août concernant l'abolition de la servitude person

nelle, du régime féodal et de la dîme. Remarquez en passant que l'assemblée nationale, en rappellant ces décrets, en change la date, et cherche à faire oublier l'heure où ils furent prononcés. Cette observation est vétilleuse, me dira-t-on; pas tout à fait. On prononça cette longue série de suppressions dans la nuit du 4 août; et comme ce moment annonce d'ordinaire celui des rêveries, celui où les facultés de l'entendement sont en repos, et que d'ailleurs tout ce qui s'y fit annonce le déréglement de toutes les têtes,. le citoyen Lindet a craint que le souvenir de ces circonstances n'atténuât un peu la gravité de la faute. Un gentilhomme presque sans propriétés, mais riche des faveurs de la cour, abandonna les droits féodaux; un duc, qui avoit besoin de devenir populaire, offrit de modifier la dîme ecclésiastique; un prélat vota pour l'abolition du droit de chasse; les députés des communes sans égard pour leurs sermens, déposèrent sur le bureau la renonciation aux franchises, aux privilèges dont leurs balliages les avoient chargés de demander la conservation; enfin il y eut dix-neuf articles de décrétés et l'on put se procurer la gloire facile de paroître généreux aux dépens de ses commettans.

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à la sanction. Plusieurs renfermoient des suppressions utiles, nécessaires même à la liberté publique; mais beaucoup violoient la propriété de toutes les classes de citoyens, et les mandats des députés portoient expressément, que les états généraux se devoient à eux-mêmes, devoient à la nation, et à l'Europe entière, de donner l'exemple du respect le plus inviolable pour tous les droits appuyés sur l'autorité des loix, et sur la foi des traités. D'après cela Louis XVI crut, et il y étoit autorisé, devoir faire quelques remarques à l'assemblée; il les lui envoya le 18 septembre, en l'assurant qu'il modifieroit ses opinions, qu'il y renonceroit même sans peine, si les observations de l'assemblée l'y engageoient, parce que, disoit-il, je ne m'éloignerai jamais qu'à regret de sa manière de voir et de penser.

Il éluda long-tems de faire exécuter l'abolition des droits de servitude. - Eh! M. Lindet, soyez de meilleure foi, je vous prie. Pouvezvous faire ce reproche à Louis XVI, lui qui dès 1779, long-tems avant que vous eussiez pu soupçonner que vous deviendrez un SouVERAIN,avoit supprimé la main-morte dans tous ses domaines, en reconnoissant qu'elle imprimoit une flétrissure contraire à la dignité de l'homme, L'édit

mémorable, qu'il publia pour annoncer à son peuple ce bienfait inespéré, sera mis à côté de l'acte d'accusation, et la France aura la dɔuleur de voir que la plus atroce calomnie, comme la plus noire ingratitude ont eu l'accès le plus facile dans le cœur de ses représentans.

Vous avez long-tems refusé de reconnoître la déclaration des droits de l'homme. Il faut avant tout donner la réponse sage qu'y fit le roi ». Je » ne m'explique point, écrivit-il à l'assemblée, » sur votre déclaration des droits de l'homme » et du citoyen. Elle contient de très-bonnes >> maximes propres à guider vos travaux; mais » des principes susceptibles d'applications et » d'interprétations différentes ne peuvent être » justement appréciés, et n'ont besoin de l'être » qu'au moment où leur véritable sens est fixé » par les loix auxquelles ils doivent servir de » première base. »

Ce n'est pas là certainement refuser de reconnoître les droits de l'homme. C'étoit dire à

l'assemblée , prenez garde que les droits dont vous parlez ne soient en contradiction avec les loix que vous voulez établir: prenezgarde qu'avec vos principes vous ne détruisiez d'une main ce que l'autre fondera: songez que

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