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PREMIÈRE PARTIE.

Louis XVI est-il jugeable pour les crimes qu'on lui impute d'avoir commis sur le trone consti tutionnel? Par qui doit-il être jugé?

RAPPORT DE MAILH E.

LE rapporteur, en établissant ces questions, débute par annoncer que la solution en est si évidente qu'il ne les juge pas susceptibles d'examen par l'assemblée ni par le peuplefrançais; c'est seulement pour l'instruction du genre humain qu'il va les discuter; ainsi on doit croire, 1o. qu'il existe un corps de délit imputé à Louis XVI; 2°. qu'une loi antérieure acceptée par le roi, a défini tous les délits dont un roi peut être coupable envers la nation, ou l'a soumis à une accusation indéfinie sur toute espèce de délits ; 3°. que la même loi a prononcé la peine applicable à chaque espèce de délit, et indiqué le tribunal dont le roi seroit justiciable. Mais une telle loi ne pouvant être que dans la constitution, et le rapporteur n'y trouvant que l'inviolabilité du roi, et la déchéance du trône, ou l'abdication présumée du monarque dans les cas du plus grand délit qu'un roi puisse commettre

envers la nation, le préalable nécessaire du procès du roi, la solution de cette première question, le roi est-il jugeable? devoit être la proscription solemnelle de la constitution (1). Aussi ne balance-t-on pas à dire que cette constitution avoit consacré le despotisme sous le nom de royauté héréditaire.

Une déclaration aussi extraordinaire répond seule à l'accusation intentée contre Louis XVI: qu'importe que sa personne soit innocente, la royauté héréditaire et la constitution sont coupables, il faut une victime. Tels sont l'esprit, la base et les principes du rapport, développés sans détour dans la première page.

Quoi! c'est le rapporteur qui accuse les fondateurs de la république française de s'être joués pendant quatre ans de la crédulité et du fanatisme du peuple pour ses loix nouvelles ! Ils ant entendu ces sermens unanimes, ils les ont prononcés eux-mêmes.- La constitution ou la mort, la constitution toute entière, anathême, exécration aux deux chambres, ainsi qu'à la république! Pendant que ce cri universel retentissoit d'un bout du royaume à l'autre, on prépareit, on

(1)« J'ouvre cette constitution qui avoit consacré le ,, despotisme sous le nom de royauté héréditaire, j'y » trouve, &c. » Rapport de Mailhé.

accéléroit la chute de cette constitution, et l'intervalle de quelques mois a suffi pour oser substituer à tant de sermens solemnels cette autre déclaration: la constitution avoit consacré le despotisme sous le nom de royauté héréditaire. -Le despotisme d'un roi soumis à la déchéance! toujours en présence d'un corps législatif qu'il ne peut ni protéger ni dissoudre! cirsconscrit par la loi dans une enceinte de vingt lieues, et n'ayant pu, malgré le texte précis de la loi, habiter la campagne aux environs de la capitale! -Le despotisme d'un roi qui ne peut employer que des agens responsables, mandés, dénoncés, accusés sur les moindres prétextes, et massacrés sans pitié quand les juges ne se hâtoient pas d'expédier leur jugement! Tel étoit le despote de la constitution, qui devoit périr avec elle, pour n'en avoir pas reçu les moyens de la défendre (1), Mais enfin elle prononçoit l'invio

(1) Rapport. « J'y trouve que la personne du roi est » inviolable et sacrée, j'y trouve que si le roi rétractoit » son serment, ou s'il se mettoit à la tête d'une armée, » ou s'il ne s'opposoit pas par un acte formel à une telle », entreprise qui s'éxécuteroit en son nom, ou si étant → sorti du royaume, il n'y rentroit pas sur l'invitation du corps législatif, que dans chacun de ces cas il étoit censé avoit abdiqué. ??

labilité du roi, elle déterminoit les cas de la déchéance !

le

Voilà donc de votre aveu la personne du roi inviolable et sacrée tant que la constitution a existé (1) ! Voilà les plus grands délits que le roi puisse commettre envers la nation, exprimés et définis, ainsi que la peine qui en résulte ! Dans ces cas mêmes, la constitution ne soumet pas roi à un jugement, elle indique des faits, lesquels étant notoires et constatés, le roi est censé avoir abdiqué. Ainsi les formes judiciaires ne sont point applicables à la déchéance; la royauté cesse dans la personne du monarque délinquant, sans que le roi soit jamais appelé en jugement, tant il a paru inconciliable avec les principes du gouvernement monarchique de rendre le monarque justiciable d'un tribunal! Or, vous citez cette même loi dans son texte précis, vous avez l'air de l'annoncer comme devant être appliquée à votre question, le roi est-il jugeable? et mettant

(1) Je n'ai pas à prouver par quels motifs et d'après quels principes l'inviolabilité est prononcée; si elle est ou non indispensable dans la constitution d'un gouvernement monarchique, cette tâche sera remplie. Je me borne à prouver que l'inviolabilité existe, et quelle a été univer, sellement reconnue.

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tout de suite à l'écart ce que prononce la loi, c'est parce qu'elle ne dit pas que vous établissez des principes absolument contraires à ce qu'elle prononce, et quand la précision du texte vous embarrasse, vous demandez si l'on peut en conclure que le roi, tant qu'il seroit assez adroit pour éluder les cas de la déchéance, pourroit impunément s'abandonner aux passions les plus féroces.

C'est bien nous qui sommes fondés à vous demander l'explication de ces paroles que signifie l'adresse qui élude les cas de la déchéance, en s'abandonnant aux passions les plus féroces?

Si vous appelez éluder la loi ne commettre aucun des délits qu'elle condamne, autant vaudroit dire que l'homme qui ne tue pas élude la loi contre les assassins; il est clair que la constitution a voulu que dans tel ou tel cas seulement, et non dans aucun autre, il y eut lieu à la déchéance: quant aux passions les plus féroce, qui ne porteroient pas le prince à un délit national, la loi a pris d'autres mesures pour mettre un frein à celles des rois, en poursuivant leurs agens et leurs complices.

Et quand vous ajoutez, cela veut-il dire qu'il pourroit faire servir sa puissance constitution

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