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Proclamation du général en chef Dumouriez à l'armée du nord.

Saint-Amand, le 1er avril, å onze heures du soir.

Mes compagnons, quatre commissaires de la convention nationale sont venus pour m'arrêter et me conduire à la barre; le ministre de la guerre les accompagnait. Je me suis rappelé ce que vous m'avez promis, que vous ne laisseriez pas enlever votre père, qui a plusieurs fois sauvé la patrie, qui vous conduit dans le chemin de la victoire, et qui dernièrement encore vient de faire à votre tête une retraite honorable. Je les ai mis en lieu de sûreté, pour nous servir d'otages.

Il est temps que l'armée émette son vou, purge la France des assassins et des agitateurs et rende à notre malheureuse patrie le repos qu'elle a perdu par les crimes de ses représentants.

Il est temps de reprendre une constitution que nous avons jurée trois ans de suite, qui nous donnait la liberté, et qui peut seule nous garantir de la licence et de l'anarchie dans laquelle on nous a plongés. Je vous déclare, mes compagnons, que je vous donnerai l'exemple de vivre et de mourir libres. Nous ne pouvons être libres qu'avec de bonnes lois, sinon nous serions les esclaves du crime.

Le général en chef de l'armée française, DUMOURIEZ. 2 avril. La ville de Gertruydenberg est obligée de capituler avec le prince d'Orange. La garnison française, commandée par le colonel Tilly, retourne en France.

3 Dumouriez, ayant jeté le voile, cherche à réaliser ses projets contre le gouvernement. Mais il avait mal calculé les obstacles, présumé trop de son influence sur les troupes. Après avoir vaine ment tenté d'entraîner l'armée par ses proclamations, il se vit tout à coup menacé, abandonné par ses soldats, obligé de quitter précipitamment son quartier général des Bains SaintAmand et de passer à l'ennemi. Quelques-uns de ses plus intimes compagnons d'armes, sans justement partager les opinions de leur général, le suivent, parce qu'il fallait se soustraire à la vengeance de la convention. Le duc de Chartres et Valence, généraux de division, étaient de ce nombre. Froidement accueilli par les Autrichiens et n'ayant pu obtenir d'être admis auprès de l'empereur d'Allemagne, alors à Anvers, Dumouriez se décida à passer en Angleterre.

Les mesures de vengeance de la convention ne se firent pas attendre, car le même jour où Dumouriez prenait la fuite, elle le déclarait traître à la patrie, le mettait hors la loi, et autorisait tous les citoyens à lui courir sus. en promettant une récompense nationale de trois cent mille livres à celui qui l'amènerait à Paris mort ou vif.

Dumouriez (Charles-François Duperrier), naquit à Cambrai le 26 janvier 1739 et mourut à Turvilis, en Angleterre, le 14 mars 1823.

Les mesures de la convention ne devaient point se borner à ce seul décret, car il n'est que trop vrai que dans les circonstances extrêmes les partis se vengent outre mesure. Le général d'Harville est décrété d'accusation : mais ce décret n'a pas de suite;

Philippe Égalité et Sillery, membres de la convention, sont déclarés en état d'arrestation et gardés à vue chez eux ;

Louis Philippe Égalité et Valence sont mis en accusation et cités pour comparaître à la barre.

4 avril.

- Un dernier décret, loi épouvantable que les dangers imminents de la France ne pouvaient même justifier, complète les mesures répressives du gouvernement. La convention déclare que les pères et mères, les femmes et les enfants des officiers de l'armée du nord, depuis le grade de sous-lieutenant jusqu'à celui de lieutenant général inclusivement, seront gardés à vue, comme otages, par la municipalité de leur résidence, et cela jusqu'à ce que les commissaires livrés aux Autrichiens par Dumouriez soient rendus à la liberté, et que l'armée soit remise sous les ordres d'un nouveau général. 5 En attendant que les ennemis consentissent à rendre Beurnonville, ce qui était peu probable, il fallait le remplacer au ministère de la guerre; ce fut Bouchotte que la convention désigna. 6 La trahison de Dumouriez prouva à la convention les conséquences funestes qui résultent de la lenteur et des obstacles de toutes les discussions d'un corps délibérant; elle se convainquit du vice d'un gouvernement représentatif sans un pouvoir réellement exécutif, résumant en lui-même l'autorité de l'Etat, surveillant le tout et assumant sur sa tête la responsabilité de ses desseins envers le pays. Cette insuffisance ou plutôt ce vice d'organisation, la convention le sentit, et elle y remédia. Par décret de ce jour, elle établit dans son sein un comité de salut public, chargé de surveiller les ministres et l'ensemble du gouvernement. Il fut composé de neuf membres, avec trois suppléants : ce furent Barrère, Bréard, Cambon, Debry, Danton, Delacroix, Delmas, Guyton-Morveau et Treilhard, Isnard, Lindet et Cambacérès. Ce comité devait être renouvelé mensuellement. Pendant que ceci se passait à Paris, l'armée prussienne, commandée par le roi de Prusse lui-même, s'approchait de Mayence, occupée par une garnison française aux ordres des généraux Doyré, Meunier et Aubert-Dubayet; il investit la place le 6 avril.

7 Le duc d'Orléans, Philippe Égalité, gardé à vue dans son hôtel, est conduit à la prison de l'Abbaye.

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- Elle ordonne que les membres de la famille des Bourbons restés en France seront transportés à Marseille.

Elle substitue les noms de Villiers-la-Forêt et de Bar-sur-Meuse à ceux de Villiers-le-Duc et Bar-le-Duc.

9 Le duc d'Orléans est conduit à Marseille avec sa famille.

10 Le citoyen Dalbarade est nommé ministre de la marine.

11 Blanchelande (Philibert-François Rouxel de), ancien gouverneur de Saint-Domingue, est condamné à la peine de mort par le tribunal révolutionnaire. Il était né à Dijon en 1735. -Son fils, jeune homme de vingt ans, accusé d'être son complice, porta sa tête à l'échafaud le 20 juill. 1794, après quinze mois de détention. - La convention défend, sous peine de six années de fers, la vente du numéraire.

- Dans la Vendée, second combat de Chemilić. L'échec essuyé par les Vendéens devant les Sables-d'Olonne n'avait nullement ralenti leurs efforts déjà ils menaçaient Angers, lorsque le général Berruyer accourut à Chemilié avec environ quatre mille hommes, espérant disperser les troupes que d'Elbée avait réunies dans cette ville. Mais le chef royaliste, instruit de la marche du général républicain, l'attaque avec impétuosité avant qu'il ait pu développer sa colonne, et la met en désordre. La victoire n'était cependant pas décidée. Berruyer rallie ses soldats à quelque distance du champ de bataille, se précipite à son tour sur les ennemis, les charge avec intrépidité et les met dans une déroute complète sur Beaupréau.

12 Marat, l'ami du peuple, est mis en état d'arrestation à l'Abbaye.

13 Il est décrété d'accusation.

13 Une pétition des sections de Paris, présentée par le maire Pache, demande la proscription de vingt-deux députés girondins.

16 La convention ordonne une levée de trente mille hommes pour compléter la cavalerie. - Elle fait mettre le séquestre sur les biens de Philippe Égalité, enfermé dans les prisons de Marseille.

- Dans la Vendée, combat de Vihiers. D'Elbée, ayant avec lui les troupes de Stofflet, Cathelineau et Berard, formant environ vingt mille hommes, marche sur Vihiers, attaque les cinq mille républicains avec lesquels le général Lygonnier défend la ville et les défait après un combat sanglant. Toute l'artillerie des Français tombe au pouvoir des Vendéens. 17 Le statuaire Allegrain (Christophe-Gabriel), meurt à Paris, où il naquit en 1710. 20 La convention décide que les ministres formantle conseil exécutif sont subordonnés au co

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mité de salut public. C'était concentrer le pouvoir, établir l'unité gouvernementale, question essentielle et sans laquelle il n'y a point d'autorité énergique possible.

avril. Elle proclame que la pétition des sections de Paris (voyez 15 avril) est mal fondée et la déclare calomnieuse.

23 Elle décrète que l'armée de la Belgique a bien mérité de la patrie.

Dans l'ouest, d'Elbée continue ses succès. Revenu sur Beaupréau après sa victoire de Vihiers (16 avril), il y attaque et bat complétement les deux mille gardes nationaux du général Granvilliers et les forces à repasser la Loire en désordre. Six bouches à feu tombent entre ses mains.

Aux Pyrénées, les Espagnols, commandés par le général en chef don Ventura Caro, passent la Bidassoa et attaquent avec impétuosité le camp français d'Andaye, défendu par le général Regnier. Un instant ils triomphent; mais les républicains reviennent à la charge, attaquent les ennemis avec fureur, et les rejettent de l'autre côté de la rivière.

24 Marat, accusé par le député Guadet, est absous par le tribunal révolutionnaire et reconduit en triomphe à la convention par la populace de Paris.

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La convention déclare biens nationaux toutes les propriétés possédées par les corporations civiles ou militaires.

Elle décide que les Tuileries s'appelleront désormais Jardin-National.

Nouveau revers dans le midi. Vingt mille Vendéens, commandés par Henri de la Rochejaquelein, attaquent le général Quétineau et ses six mille cinq cents républicains, au bourg des -Aubiers, les chassent de leur position et s'emparent de deux pièces d'artillerie. Ce fut la première action à laquelle assista le marquis de la Rochejaquelein, ce jeune chef chevaleresque qui devint si célèbre et dont la famille entière a, si je puis m'exprimer ainsi, personnifié en elle la guerre civile.

La convention décide que toutes les femmes inutiles suivant les armées seront congédiées. Don Ventura Caro, repoussé dans son attaque sur Andaye, le 23 précédent, veut réparer cet échec. Ayant réuni une colonne de ses meilleures troupes, il assaille le camp de la Sarre, défendu par le colonel La Chapelette, et s'en empare. Les républicains se mettent en retraite et se rallient à Ustaritz.

1" mai. — Au nord, la retraite du général Dumouriez ayant ouvert le territoire de la république aux armées ennemies, les Autrichiens envahissent la France et arrivent jusque sous les murs de Valenciennes, de Lille et de Condé. Le général Dampierre, commandant l'armée du nord depuis la trahison de son ancien chef,

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5 Elle décrète également la création de douze cents millions d'assignats pour pourvoir à la guerre: la valeur en circulation est déjà de trois milliards cent millions. Combat et prise de Thouars. D'Elbée, accompagné de Henri de la Rochejaquelein, de Lescure, Bonchamps, Stofflet, de Marigny, et de Donnissan, présentant une force de vingt-cinq mille hommes, attaque le général Quétineau, rentré dans Thouars avec six mille hommes depuis le combat des Aubiers. L'affaire fut vive et dura près de dix heures sans que les ennemis eussent le moindre succès; mais harassés de fatigue, brisés par la cavalerie vendéenne, cernés de tous côtés, et sans espoir de se faire jour à travers les masses de d'Elbée, les républicains furent enfin obligés de mettre bas les armes et de se rendre prisonniers, au nombre de cinq mille six cents, avec douze pièces de canon. Quatre cents soldats avaient été tués du côté des vaincus; les pertes des ennemis furent de sept cents hommes.

8 Les revers se succèdent. Bataille d'Anzin ou combat de Quiévrain. Le général Dampierre renouvelle son attaque du 1er mai sur la ligne ennemie avec environ quarante mille hommes. Mais malgré la bravoure de ses troupes, il n'obtient aucun succès. L'armée autrichienne, forte de quatre-vingt-cinq mille hommes et commandée par le prince de Saxe-Cobourg, prend à son tour l'offensive et force les républicains à se mettre en retraite. Cette journée coûta environ quinze cents hommes aux Français; l'ennemi en perdit près de mille. Les républicains eurent en outre à regretter la perte du général Dampierre (Auguste-HenriMarie-Picot, marquis de), mortellement blessé dans cette action; il mourut le lendemain 9 mai.

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Dampierre naquit à Paris le 17 août 1756 selon ses états de services-le 19 août selon la Biographie des Contemporains, et fut fait général de brigade le 20 août 1792. Un monument a été élevé à sa mémoire près de Valenciennes, sur la route de Paris, à l'endroit même où il reçut le coup mortel. Dampierre fut remplacé provisoirement par le général Lamarche. Le jour même où l'armée du nord était battue près du camp de Famars, la convention décrétait la réunion du pays de Liége à la France. 9 Elle ordonne d'arrêter et d'amener dans les ports de la république les navires neutres qui

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Marchand (Étienne), navigateur distingué, connu par la découverte de plusieurs îles de l'océan Pacifique, meurt à l'île de France. Il était né dans l'île de Grenade, alors colonie française, le 13 juillet 1755.

Dans l'ouest, dix mille Vendéens, commandés par d'Elbée, la Rochejaquelein, Lescure et le marquis de Donnissan, attaquent la ville de Fontenay-le-Peuple, occupée par le général Chalbos avec trois mille hommes de sa division, mais ils sont repoussés et perdent quatre cents tués, deux cents prisonniers et vingtquatre pièces d'artillerie.

Au Rhin, le général Custine attaque inutilement les Prussiens à Rixheim; il est obligé de rentrer dans ses lignes.

Le roi d'Espagne signe à Aranjuez un traité d'alliance offensive et défensive contre la France avec le gouvernement anglais.

Au même instant où Charles IV entrait définitivement dans la ligue européenne, son général don Antonio Ricardos, aidé du duc d'Ossuna, attaque avec douze mille hommes le camp des Français devant Thuir et oblige les républicains à se mettre en retraite, sans toutefois oser les poursuivre.

20 La convention, devant avoir recours aux mesures extraordinaires, rend une loi révolutionnaire qui établit sur les riches un emprunt forcé d'un milliard.

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Elle nomme le général Kellermann, éprouvé dans la journée de Valmy, au commandement en chef de l'armée des Alpes et d'Italie. Le général Miranda, mis en accusation par décret du 24 mars précédent, est absous par le tribunal révolutionnaire.

Mort du célèbre naturaliste Bonnet (Charles), né à Genève le 13 mars 1720, et devenu citoyen français.

Mort du prince maréchal de Beauvau (CharlesJuste), fils du prince Marc-Antoine de Craon, né à Lunéville le 10 septembre 1720,-selon de Courcelles, ou le 13 novembre 1722,-selon la Biographie des Contemporains,-et une des gloires militaires de l'ancienne monarchie. Il avait été créé maréchal en 1783. Ce mème jour, le général de brigade Joseph Miaczinski est condamné à mort par le tribu

nal révolutionnaire; il fut exécuté le lendemain.

poursuivre les égorgeurs des journées de sept. 28 mai, - Mais devenue libre, elle rapporte son décret et maintient la commission.

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23 mai. - Une insurrection des jacobins éclate à
Paris contre les girondins, mais elle est étouf❘ 29
fée par la fermeté de la convention nationale.
- Pendant ce temps, les ennemis continuent leur
marche sur le territoire français. Le général
Lamarche, commandant provisoire l'armée
du nord, est obligé d'évacuer le camp de
Famars, devant les forces réunies des Austro-
Prussiens et Anglo-Hollandais, s'élevant à plus
de quatre-vingt-dix mille hommes: Lamarche
en avait à peine trente-cinq.

- Sur le Rhin, le général de brigade du génie
Meunier (Hugues) est mortellement blessé à la
défense de Mayence. Il était né à Mont-Louis
(Pyrénées-Orientales), le 23 novembre 1758.
24 Le camp d'Anzin subit le même sort que
celui de Famars. Lamarche est forcé de l'aban-
donner en présence du prince de Saxe-Co-
bourg.

Sur la gauche, cette journée est marquée par un avantage que le général Lamarlière remporte sur les Hollandais à Tournai; il leur tue cinq cents hommes et s'empare de quatre cents prisonniers, de trois canons et d'un drapeau.

25 Mais il était dit que chaque avantage devait être suivi d'un revers. L'armée vendéenne de d'Elbée, forte de trente-cinq mille hommes, renouvelle son attaque du 16 (voy. cette date) contre la ville de Fontenay-le-Peuple. Cette entreprise a le plus grand succès : la place est emportée malgré les efforts des généraux Chalbos, Dayat et Nouvion, et les troupes républicaines, écrasées par les ennemis, sont mises en déroute. Les Français eurent dans cette affaire dix-huit cents hommes hors de combat; un grand nombre d'autres restèrent entre les mains des Vendéens. Madame la marquise de la Rochejaquelein porte le chiffre de ces derniers à trois mille, ce qui est de la plus grande exagération, puisque la garnison entière n'atteignait pas ce chiffre. D'Elbée renvoya le lendemain matin les prisonniers, après les avoir tondus, comme dit l'héroïne vendéenne, car à cette époque la guerre de l'ouest n'avait pas encore pris ce caractère barbare qui se substitua dans la suite aux principes primitifs de l'insurrection vendéenne : les prisonniers étaient encore respectés de part et d'autre.

26 Valenciennes est investie par l'armée anglohollandaise.

-Les habitants de la Corse se révoltent contre la convention et nomment pour généralissime Pascal Paoli.

27 De nouveaux troubles éclatent à Paris. La salle de la convention nationale est envahie par les sections qui forcent les députés à casser la commission dite des Douze, instituée pour

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Le despotisme des jacobins exaspère les grandes villes Lyon se révolte et se déclare unanimement contre les oppresseurs de la convention. Les sections s'insurgent de nouveau et nomment Henriot commandant en chef de la garde nationale de Paris : vingt-cinq députés du parti des girondins sont désignés au poignard des assassins.

Sur les frontières du nord, quatre mille Français tirés des camps de Cassel et de Guiveldt, et commandés par les généraux Richardot et Stettenhoffen, se présentent devant Furnes, dans la Flandre autrichienne, l'attaquent à coup de canon, brisent les portes et entrent dans la ville au même instant où les treize cents Autrichiens formant la garnison se sauvent par le côté opposé,

1er juin. Les sections réunies entourent le palais de la convention et renouvellent leur demande du 15 mai précédent relativement à la proscription des girondins. La chambre est frappée de terreur et se déclare en permanence: le grand coup allait être porté le lendemain.

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2 En effet, Henriot investit la convention avec quatre-vingt mille hommes: cent cinquante bouches à feu sont braquées sur le Palais National et menacent de le réduire en cendre. Après quelques pourparlers, les insurgés se précipitent dans la salle des séances et menacent d'exterminer toute l'assemblée, si elle ne rend sur-le-champ un décret de proscription contre les girondins. Les montagnards, jugeant le moment propice pour se débarrasser de leurs adversaires, joignent leurs menaces à celles des sections leurs vociférations terrassent la majorité, et les hommes faibles abandonnent les girondins. Après quelque temps de tumulte, la révolte triomphe, et la convention met en arrestion les députés Péthion, Lanjuinais, Lehardi, Gensonné, Buzot, Vergniaud, Brissot, Guadet, Gorsas, Salles, Chambon, Barbaroux, Birotteau, Rabaut, Lasource, Grangeneuve, Lesage (d'Eure-et-Loir), Louvet (du Loiret), Valazé, Doulcet, Lidon, Boileau, Gardien, Bergoin, Millevault, Kervélégan, Hosdinière, Vigée, Larivière, Gomaire et les ministres Clavière et Lebrun.

3 Aux Pyrénées, dix-huit cents Espagnols tentent une attaque sur le camp français de Baygorry, commandé par Manco et défendu par sept cents hommes; mais ils sont repoussés et forcés de battre précipitamment en retraite, laissant plus de trois cents hommes tués sur le terrain et leur colonel entre les mains des vainqueurs.

6 Cet avantage fut encore une fois suivi d'un

revers. Le général espagnol don Ventura Caro attaque le camp français de Château-Pignon; un combat terrible s'engage dans les retranchements, que l'ennemi couvre de ses cadavres; mais ses forces étaient trop supérieures à celles des républicains, pour que ces derniers pussent triompher. Après une lutte acharnée, le camp fut abandonné, ainsi que deux pièces de canon. Le général Genetière, commandant de Château-Pignon, tomba également au pouvoir des Espagnols; mais cette victoire leur coûtait douze cents hommes.

6 juin. A Paris, soixante et treize députés protestent contre la journée du 2 juin et la proscription des girondins.

8 La convention, débarrassée de la forte opposition de la plaine, donne une loi révolutionnaire qui condamne à la déportation les personnes convaincues de crimes ou délits non prévus par le code pénal ou les lois, et dont la résidence en France serait un sujet de trouble ou d'agitation. L'application de cette loi pouvait être infinie.

9 L'Angleterre, répondant au décret de la convention nationale du 9 mai précédent (voy. cette date), déclare tous les ports de la France en état de blocus, ce qui était une véritable dérision. Les lois de la guerre exigent pour qu'un port soit bloqué, que l'entrée en soit fermée par des forces navales suffisantes. Mais qu'importent les lois, le droit des gens à l'Angleterre pourvu que sa politique domine?... 9 Le général de brigade Salomon, commandant une colonne républicaine forte de près de cinq mille hommes, est battu à Montreuil par les chefs vendéens Henri de la Rochejaquelein, Lescure, Bonchamps et Donnissan.

En Belgique, le général Delaage, nommé commandant de l'armée de la Moselle, attaque avec douze mille hommes, le général autrichien Schroeder, retranché près d'Arlon avec une division forte de huit mille hommes. Après un combat acharné, la position ennemie fut enlevée au pas de charge et les Autrichiens mis en déroute ils se retirent en désordre sur Luxembourg, laissant quinze cents hommes entre les mains des Français. La perte de ceux-ci fut de cent quatre-vingt-quatorze tués et de six cent trente-deux blessés. Les généraux Beauregard, Laubadère, Tolozan et Château-Thierry se distinguent dans ce combat glorieux, mais malheureusement inutile par suite des revers de l'armée du nord. 10 Les débats des procès politiques arrêtaient la marche du tribunal révolutionnaire; la convention y pourvoit: elle supprime les interrogatoires et les défenseurs officieux, c'est-à-dire qu'elle autorisait les tribunaux à juger sans

instruction.

Elle change le nom de la ville de Roche

Bernard en celui de la Roche - Sauveur. 10 juin.-Bataille de Saumur. Pendant ce temps, douze mille hommes de l'armée de l'ouest, commandés par le général Menou, étaient battus par les Vendéens à Saumur. Les royalistes, présentant une force d'environ trente-cinq mille hommes, commandés par Henri de la Rochejaquelein, Lescure, Cathelineau, Stofflet, Donnissan et Beauvilliers, marchent sur la ligne française et l'attaquent avec impétuosité; pendant quelque temps les républicains résistent avec courage, chargent à leur tour, mais écrasés sous le feu de la masse ennemie, ils s'arrêtent. reculent et abandonnent le terrain gagné. Les royalistes profitent de ce moment d'hésitation; ils chargent vigoureusement la gauche des Français, culbutent leurs rangs, emportent leurs retranchements et toutes les batteries. Le fatal cri de sauve qui peut! prononcé par des lâches, met bientôt le comble au désordre : toute l'aile gauche se débande, fuit et entraîne avec elle le général Menou, blessé et démonté. Le centre, commandé par le général Coustard, mis à découvert par cette retraite, essaye en vain de rétablir le combat en arrêtant l'ennemi, mais il est bientôt débordé lui-même, écrasé par l'armée vendéenne, et enfin forcé de suivre le mouvement de la gauche. La droite l'imite, et dès ce moment tout fuit, tout le corps de Menou est en déroute. Quatre-vingts bouches à feu et plus de trois mille soldats restent au pouvoir des ennemis. On a donné différentes dates à cette bataille; le Moniteur dit le 9, Lacretelle (t. I, p. 40) le 13, etc. Je me suis conformé à la version de la marquise de la Rochejaquelein (p.131), témoin oculaire, et à une lettre d'un capitaine du corps du général Coustard, datée du lendemain de cette journée.

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Cette victoire, la plus considérable que les royalistes eussent encore remportée, allait donner une nouvelle impulsion aux habitants de l'ouest : le moment était propice pour compléter l'insurrection. Ce fut dans ce but que les chefs de l'armée vendéenne se réunirent le 13 à Saumur, en conseil de guerre, et décidèrent de soulever les deux rives de la Loire, puis d'assiéger Nantes et d'en faire leur place d'armes, le centre de leurs mouvements. L'entreprise était grande; elle ne pouvait être réalisée qu'au moyen de l'union; il fallait que tout le monde y concourût, et prêtât assistance à cette conquête. Tous les efforts devaient tendre vers ce but. Mais le point essentiel était de réunir les masses sous une même autorité : ce fut dans cette intention que le conseil choisit Cathelineau pour généralissime de l'armée royaliste.

A Paris, le général vicomte Alexandre Beauharnais est nommé ministre de la guerre,

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