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5 MAI.

EFFORTS DE LOUIS XVI POUR MAITRISER LE MOUVEMENT
DÉCADENCE DE LA MONARCHIE.

ESPRIT PHILOSOPHIQUE.

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que Louis XVI prononça dans cette grande solennité mérite d'être rapporté; il dessine parfaitement la situation de la France à cette époque et la position du roi vis-à-vis des mandataires de la nation. «Messieurs, disait le prince, ce jour que mon cœur attendait depuis si longtemps est enfin arrivé, et je me vois entouré des représentants de la nation à laquelle je me fais gloire de commander. Un long intervalle s'était écoulé depuis les dernières tenues des états généraux, et quoique la convocation de ces assemblées parût être tombée en désuétude, je n'ai pas balancé à rétablir un usage dont le royaume peut tirer une nouvelle force, et qui peut ouvrir à la nation une nouvelle source de bonheur. La dette de l'État, déjà immense à mon avénement au trône, s'est encore accrue sous mon règne. Une guerre dispendieuse, mais honorable, en a été la cause; l'augmentation des impôts en a été la suite nécessaire, et a rendu plus sensible leur inégale répartition. Une inquiétude générale, un désir exagéré d'innovations se sont

emparés des esprits et finiraient par égarer totalement les opinions, si on ne se hâtait de les fixer par une réunion d'avis sages et modérés. C'est dans cette confiance, messieurs, que je vous ai rassemblés, et je vois avec sensibilité qu'elle a déjà été justifiée par les dispositions que les deux premiers ordres ont montrées à renoncer à leurs priviléges pécuniaires. L'espérance que j'ai conçue de voir tous les ordres, réunis de sentiments, concourir avec moi au bien général de l'État, ne sera point trompée. J'ai déjà ordonné, dans les dépenses, des retranchements considérables; vous me présenterez encore, à cet égard, des idées que je recevrai avec empressement; mais, malgré les ressources que peut offrir l'économie la plus sévère, je crains, messieurs, de ne pouvoir pas soulager mes sujets aussi promptement que je le désirerais. Je ferai mettre sous vos yeux la situation exacte des finances, et quand vous l'aurez examinée, je suis assuré d'avance que vous me proposerez les moyens les plus efficaces pour y établir un ordre permanent et affermir le crédit public. Ce grand et salutaire ouvrage, qui assurera le bonheur du royaume au dedans et sa considération au dehors, vous occupera essentiellement. Les esprits sont dans l'agitation; mais une assemblée des représentants de la nation n'écoutera sans doute que les conseils de la sagesse et de la prudence. Vous avez jugé vous-mêmes, messieurs, qu'on s'en est écarté dans plusieurs occasions récentes; mais l'esprit dominant de vos délibérations répondra aux véritables sentiments d'une nation généreuse et dont l'a

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ASSEMBLÉE CONSTITUANTE.

ÉTATS GÉNÉRAUX. mour pour les rois a toujours fait le caractère distinctif; j'éloignerai tout autre souvenir. Je connais l'autorité et la puissance d'un roi juste, au milieu d'un peuple fidèle et attaché de tout temps aux principes de la monarchie; ils ont fait la gloire et l'éclat de la France. Je dois en être le soutien et je le serai constamment. Mais tout ce qu'on peut attendre du plus tendre intérêt au bonheur public tout ce qu'on peut demander à un souverain, le premier ami de ses peuples, vous pouvez, vous devez l'espérer de mes sentiments. Puisse, messieurs, un heureux accord régner dans cette assemblée, et cette époque devenir à jamais mémorable, par le bonheur et la prospérité du royaume! C'est le plus ardent de mes vœux; c'est enfin le prix que j'attends de la droiture de mes intentions et de mon amour pour mes peuples. » Ce discours, prononcé avec une touchante sensibilité, fut favorablement accueilli par les états généraux.

Cette assemblée nationale, destinée à jeter les premières bases de la réorganisation sociale et politique de la France, était composée des trois classes qui constituaient alors la nation : la noblesse, le clergé et le tiers état.

La première classe y était représentée par deux cent soixante et dix membres, dont un prince du sang, deux cent quarante et un gentilshommes et vingt-huit magistrats des cours supérieures.

Le clergé avait deux cent quatre-vingtonze mandataires, dont quarante-huit archevêques et évêques, trente-cinq abbés et chanoines, deux cent cinq curés et trois moines.

Cinq cent quatre-vingt-quatre membres représentaient le tiers état. On y voyait douze gentilshommes, deux prêtres, dix-huit maires et consuls des grandes villes, cent soixantedeux magistrats de bailliages et sénéchaussées, seize médecins, deux cent onze avocats, et cent soixante-deux négociants et propriétaires. C'était à ces onze cent quarante-cinq députés que les destinées de la France allaient être confiées.

6 mai. — Vérification des pouvoirs des députés composant les trois ordres de l'assemblée. Le comte de Mirabeau, qui devait jouer un si grand rôle dans la suite de la révolution, s'y fait remarquer par l'impétuosité de son langage. 9 Mort du général d'artillerie Gribeauval (JeanBaptiste Vaquette de), gouverneur de l'Arsenal et l'une des gloires militaires de la France; il était né à Amiens, le 15 septembre 1715. 19 Louis XVI permet aux journalistes de rendre compte des débats des états généraux.

20 Le clergé renonce à ses priviléges pécuniaires. 23 La noblesse imite l'exemple des représentants

de l'Église et consent à ce que ses biens soient imposés.

30 mai.-Les députés des trois ordres se réunissent en conférence, en présence des commissaires nommés par le roi, pour résoudre la question de la vérification des pouvoirs; mais cette tentative reste infructueuse: la discorde commence déjà à s'introduire parmi les représentants. 4 juin. Le dauphin de France, Louis-JosephXavier-François, âgé de sept ans et trois mois, meurt au château de Meudon. Son frère, le duc de Normandie, devient dauphin. Trois curés du Poitou, députés aux états généraux, abandonnent l'ordre du clergé et se réunissent au tiers état. L'impulsion étant donnée, plusieurs autres députés suivent leur exemple dès le lendemain.

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Les membres du tiers état se constituent en assemblée nationale, sur la motion de l'abbé Sieyes. Cette résolution est votée par 490 voix contre 90.

Le clergé vote pour la réunion des trois ordres, et se rallie à l'arrêté du tiers état.

Cette réunion rendait les ordres maîtres du pouvoir, mais Louis XVI, à l'instigation de son ministre Necker, se décide à un coup d'État. La salle de l'assemblée nationale à Versailles est fermée par les ordres du roi, sous prétexte d'une séance royale; mais les députés ne se laissent point intimider; ils se réunissent dans un autre local, protestent contre les mesures prises par la cour, et font le serment de ne se séparer qu'après avoir donné une constitution à la France. Cette mémorable séance est connue sous le nom de Séance du jeu de paume. Louis XVI se rend aux états généraux, casse, de son pouvoir souverain, les arrêtés du tiers état comme étant inconstitutionnels et ordonne que les trois ordres se séparent pour aller délibérer dans leurs chambres respectives. Mais le tiers état persiste dans sa résolution, maintient, par un arrêté pris immédiatement après le départ du roi, son décret du 17 précédent, et déclare la personne des députés inviolable. La cour, instruite du refus de l'assemblée, fait sommer le tiers état de se retirer. Ce fut alors que Mirabeau, répondant, au nom de tous ses collègues, au grand maître des cérémonies chargé de l'ordre de Louis XVI, proféra ces paroles mémorables : « Vous qui n'avez ici ni place, ni voix, ni droit de parler, vous n'êtes pas fait pour nous rappeler le discours du roi. Allez dire à votre maître que nous sommes ici par la puissance du peuple et qu'on ne nous en arrachera que par celle des baïonnettes. »> C'était marcher à grands pas vers la révolution. Le roi, croyant agir prudemment et se concilier tous les partis par la condescendance, se décide à rapporter son ordonnance du 20.

24 juin. — La majorité des députés du clergé se réunit au tiers état, définitivement constitué en assemblée nationale.

25 Cette assemblée déclare que ses séances seront libres et publiques.

27 Le roi sanctionne le vote du clergé, et invite tous les membres de l'ordre de la noblesse de se réunir à la nouvelle assemblée, qui prend le titre d'Assemblée nationale constituante.

30 Le peuple de Paris s'attroupe et fait mettre en liberté quelques soldats aux gardes françaises mis en prison le matin pour s'être mêlés aux réunions populaires.

9 juillet. L'assemblée constituante demande à Louis XVI l'éloignement des troupes qui se trouvent à Paris et à Versailles. Le roi rassure la députation chargée de cette mission et proteste de son amour pour le peuple. 11 Necker reçoit de Louis XVI l'ordre de sortir immédiatement de la France. Par sa retraite tout le ministère est changé. Le baron de Breteuil, le maréchal de Broglie, Foulon, La Porte et La Galaisière le remplacent. 12 Des troubles éclatent à Paris. Le prince de Lambesc, commandant le Royal-Allemand, envoyé pour dissiper les attroupements, charge le peuple près de la place Louis XV, le culbute et le poursuit jusque dans le jardin des Tuileries.

13 Les troubles continuent. Le peuple, exaspéré par la conduite du prince de Lambesc, s'attroupe dans les rues et sur les places publiques, et brûle les barrières, tandis que les électeurs de la ville s'emparent de l'administration communale et cherchent à donner l'impulsion aux esprits.

- Le roi, voulant avoir un appui pour étouffer l'insurrection, refuse d'éloigner les troupes de la capitale.

14 Exaspéré de cette décision, le peuple court aux armes, marche sur la Bastille, et l'enlève de vive force: le gouverneur de cette prison d'Etat, Delaunay, est massacré par la multitude. Pendant ce temps l'assemblée constituante se déclare en permanence, et passe la nuit en délibérations sous la vice-présidence de M. le marquis de Lafayette.

15 Le roi se rend au sein de l'assemblée et promet d'éloigner les troupes.

- Le peuple, victorieux, demande à grands cris le rappel des anciens ministres, Necker, Montmorin, Saint-Priest et La Luzerne, destitués le 11 précédent, et le renvoi du nouveau cabinet. Le même jour on commence la démolition de la Bastille aux cris de joie des habitants de Paris, qui dansent sur les décombres. Un poteau portant pour inscription: Ici l'on danse, invite le peuple à venir partager l'allégresse

commune.

16 Louis XVI consent au rappel de Necker et de

ses collègues, et donne aux troupes l'ordre de s'éloigner de la capitale.

16 juillet.

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Bailly est nommé maire de Paris et M. le marquis de Lafayette commandant de la garde nationale.

17 Le roi se rend à Paris et y reçoit des mains du nouveau maire la cocarde tricolore, que la garde parisienne avait proclamée couleur nationale, la veille de la prise de la Bastille. L'émigration commence le comte d'Artois, frère de Louis XVI, le prince de Condé et plusieurs nobles quittent Paris et prennent la route de Coblentz.

22 Foulon, ministre de la marine, et Berthier de Savigny, intendant de Paris, sont massacrés par le peuple.

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Necker arrive à Paris, et se rend dès le lendemain à l'assemblée nationale.

3 août. Le nouveau ministère est organisé : Necker, premier ministre et chef du cabinet avec l'administration du trésor public; l'archevêque de Bordeaux, M. Champion de Cicé, garde des sceaux; l'archevêque de Vienne, M.de Pompignan, directeur de la feuille des bénéfices; M. de Saint-Priest, ministre de la maison du roi, et M. Lambert, contrôleur général. 4 Fameuse séance de l'assemblée constituante, qui se prolonge jusqu'au lendemain matin, et dans laquelle on abolit tous les priviléges, en décrète l'égalité des impôts, la suppression des dîmes ecclésiastiques, les droits de chasse, etc. C'est dans cette séance que l'assem blée déféra à Louis XVI le titre de Restaurateur de la liberté française. (M. Michaud place mal à propos ce dernier décret sous la date du 13 août; il fut voté dans la matinée du 5.) Ce même jour la France perd le célèbre médecin M. de Colombier (Jean), né à Toul, le 2 septembre 1736, auteur de plusieurs ouvrages sur son art.

8 Les justices seigneuriales sont abolies. 20 L'assemblée constituante décrète les premiers articles d'une déclaration des droits de l'homme. 23 La liberté des opinions religieuses est garantie par cette même assemblée.

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Le gouvernement ordonne un emprunt de quatre-vingts millions pour combler le déficit du trésor public.

L'assemblée nationale commence le travail de la constitution.

Une ordonnance de Louis XVI supprime le régiment des gardes françaises.

septembre. Toute l'argenterie des églises qui n'est pas nécessaire pour la simple célébration du culte est séquestrée au profit de l'État par un décret de l'assemblée constituante. 1er octobre. Repas des gardes du corps à Versailles. La cocarde nationale y est foulée aux pieds au milieu d'imprécations et aux chants de: 0 Richard! 6 mon roi, l'univers t'aban

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donne! (M. Michaud prétend que c'est une ca- | point ce qui est nécessaire à leur subsistance sont

lomnie; nous aimons à le croire, mais toutes les relations attestent le fait, qui en lui-même n'aurait rien de surprenant.)

1er octobre. Ce même jour, une députation de l'assemblée présente à la sanction de Louis XVI le premier chapitre de la constitution, intitulé des droits de l'homme. On a beaucoup parlé de cette fameuse déclaration des droits de l'homme, beaucoup d'écrivains l'ont invoquée, | et cependant, chose bizarre! fort peu de personnes la connaissent : nous croyons donc faire plaisir en rapportant ce grand acte politique et social, qui ouvrit réellement l'ère de la liberté en France.

Art. I. Le but de toute association politique est le maintien des droits naturels et imprescriptibles de l'homme, et le développement de toutes ses facultés.

II. Les principaux droits de l'homme sont ceux de pourvoir à la conservation de l'existence et de la liberté.

III. Ces droits appartiennent également à tous les hommes, quelle que soit la différence de leurs forces physiques et morales.

L'égalité des droits est établie par la nature; la société, loin d'y porter atteinte, ne fait que la garantir contre l'abus de la force, qui la rend illusoire.

IV. La liberté est le pouvoir qui appartient à l'homme d'exercer à son gré toutes ses facultés ; elle a la justice pour règle. les droits d'autrui pour bornes, la nature pour principe, et la loi pour sauvegarde.

V. Le droit de s'assembler paisiblement, le droit de manifester ses opinions, soit par la voie de la presse, soit de toute autre manière, sont des conséquences si nécessaires du principe de la liberté de l'homme, que la nécessité de les énoncer suppose ou la présence ou le souvenir récent du despotisme.

VI. La propriété est le droit qu'a chaque citoyen de jouir et de disposer à son gré de la portion de bien qui lui est garantie par la loi.

VII. Le droit de propriété est borné, comme tous les autres, par l'obligation de respecter les droits d'autrui.

VIII. Il ne peut préjudicier ni à la sûreté, ni à l'existence, ni à la propriété de nos semblables. IX. Tout trafic qui viole ce principe est essentiellement illicite et immoral.

dispensés de contribuer aux dépenses publiques, les autres doivent les supporter progressivement, selon l'étendue de leur fortune.

XIII. La société doit favoriser de tout son pouvoir les progrès de la raison publique, et mettre l'instruction à la portée de tous les citoyens.

XIV. Le peuple est le souverain; le gouvernement est son ouvrage et sa propriété ; les fonctionnaires publics sont ses commis.

Le peuple peut, quand il lui plaît, changer son gouvernement et révoquer ses mandataires. XV. La loi est l'expression libre et solennelle de la volonté du peuple.

XVI. La loi doit être égale pour tous.

XVII. La loi ne peut défendre que ce qui est nuisible à la société; elle ne peut ordonner que ce qui lui est utile.

XVIII. Toute loi qui viole les droits imprescriptibles de l'homme est essentiellement injuste et tyrannique; elle n'est point une loi.

XIX. Dans tout État libre, la loi doit surtout défendre la liberté publique et individuelle contre l'autorité de ceux qui gouvernent.

Toute institution qui ne suppose pas le peuple bon et le magistrat corruptible, est vicieuse.

XX. Aucune portion du peuple ne peut exercer la puissance du peuple entier ; mais le vœu qu'elle exprime doit être respecté comme le vœu d'une portion du peuple, qui doit concourir à la volonté générale. Chaque section du souverain assemblé doit jouir du droit d'exprimer sa volonté avec une entière liberté; elle est essentiellement indépendante de toutes les autorités constituées, et maîtresse de régler sa police et ses délibérations.

XXI. Tous les bons citoyens sont admissibles à toutes les fonctions publiques sans, aucune autre distinction que celle des vertus et des talents, sans aucun autre titre que la confiance du peuple.

XXII. Tous les citoyens ont un droit égal de concourir à la nomination des mandataires du peuple et à la formation de la loi.

XXIII. Pour que ces droits ne soient point illusoires, et l'égalité chimérique, la société doit salarier les fonctionnaires publics, et faire en sorte que les citoyens qui vivent de leur travail puissent assister aux assemblées publiques où la loi les appelle, sans compromettre leur existence ni celle de leur famille.

XXIV. Tout citoyen doit obéir religieusement aux magistrats et aux agents du gouvernement, lorsqu'ils sont les organes ou les exécuteurs de la loi.

X. La société est obligée de pourvoir à la subsistance de tous ses membres, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d'exister à ceux qui sont hors d'état de travailler. XI. Les secours indispensables à celui qui manque du nécessaire sont une dette de celui qui possède le superflu. Il appartient à la loi de détermi-la ner la manière dont cette dette doit être acquittée. XII. Les citoyens dont les revenus n'excèdent

XXV. Mais tout acte contre la liberté, contre la sûreté ou contre la propriété d'un homme, exercé par qui que ce soit, même au nom de la loi, hors des cas déterminés par elle et des formes qu'elle prescrit, est arbitraire et nul; le respect même de loi défend de s'y soumettre; et si on veut l'exécuter par la violence, il est permis de le repousser par la force.

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