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18 janvier. Pour compléter son décret du 2, l'assemblée déclare que le prince Louis-XavierStanislas, frère de Louis XVI, est déchu de ses droits éventuels à la régence. 20-24 Des troubles éclatent à Paris sous prétexte d'accaparement de sucre et de café: quelques magasins d'épiceries sont pillés par la populace. 9 février. Nouvelles mesures contre les émigrés : une loi toute révolutionnaire déclare les biens des Français qui se trouvent à l'étranger confisqués au profit de la nation.

12 Louis XVI sanctionne ce décret.

1 mars.-L'empereur d'Allemagne, Léopold II, meurt à Vienne. Son fils, François II, lui succède comme roi de Hongrie et de Bohème: il est recouronné empereur, le 7 juillet suivant. — Cet événement change tout à coup la politique des deux cabinets signataires de la déclaration de Pilnitz. Au système circonspect, raisonné, qui caractérisait le défunt monarque, succède un système impatient de soutenir les droits méconnus des royautés, une vive ar deur de châtier les démagogues français. C'était la guerre qui allait éclater, la mise à exécution de la funeste déclaration du 27 août 1791.

3 Le maire d'Étampes, Simoneau, est assassiné par le peuple, parce qu'il voulait maintenir la libre circulation des grains, décrétée par l'assemblée constituante.

10 Le ministre des affaires étrangères, Valdec de Lessart, est mis en accusation pour avoir négligé de prévenir le corps législatif des préparatifs de guerre de l'empereur d'Allemagne. 20 avril.-Le gouvernement français, ayant vainement réclamé contre les armements de la Prusse et de l'empereur François II, se décide enfin à des mesures hostiles pour faire respecter l'indépendance de la France. Un décret solennel, rendu par l'assemblée législative, déclare la guerre au roi de Bohême et de Hongrie.

-L'armée française reçoit en même temps l'ordre de s'approcher des frontières du nord. 28 Les hostilités commencent : c'est le combat de Quiévrain, gagné sur les Autrichiens' par le général Biron, qui ouvre la campagne. - Le même jour où Biron bat les Autrichiens à Quiévrain, le général Custine, à la tête de trois mille hommes commandés par le général Ferrières, entre à Porentruy et chasse les quatre cents hommes du prince évêque de Bâle qui occupaient la ville.

29 Sur la gauche de la frontière belge, les ennemis, commandés par le comte d'Happoncourt, prennent à leur tour l'offensive et battent, au village de Marquin, le comte

'J'ai era inutile de me servir du nom d'Impériaux comme un appelait alors les troupes de l'empereur d'Allemagne.

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Théodebald de Dillon'. Quatre pièces de canon restent entre leurs mains; il est vrai que l'indiscipline des troupes françaises contribua pour beaucoup à ce premier revers.

avril. —Au même instant le général Biron est attaqué par le général Beaulieu au village de Quiévrain. Cinq pièces d'artillerie tombent au pouvoir des ennemis. Les hostilités cessent en quelque sorte après ces deux combats jusqu'au 13 juin suivant.

1er mai. A l'intérieur, suppression des maisons militaires des frères de Louis XVI.

6 Décret qui déclare les villes et postes militaires des frontières en état de guerre.

21 Mise en accusation des rédacteurs des journaux l'Ami du roi et l'Ami du peuple.

27 Décret ordonnant la déportation des prêtres insermentés.

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8 juin. Levée de vingt mille fédérés destinés à former un camp sous les murs de Paris. Sur les frontières, après deux mois passés de part et d'autre en tâtonnements et manœuvres, les Français reprennent l'offensive et s'avancent en Belgique. Le général Clairfayt, commandant les Autrichiens, est défait à La Glisuelle, près Maubeuge, par le général Lafayette. Mais cet avantage coûte la mort au maréchal de camp Gouvion (Jean-Baptiste), frère de GouvionSaint-Cyr. (Les Tables de bronze portent cette mort au 11 juin, ce qui est une erreur.) Les mouvements de l'armée sont un instant interrompus par les intrigues des partis. Lafayette demande au corps législatif l'abolition des clubs et le maintien de l'autorité royale.

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L'invasion de la Belgique continue. Le maréchal Luckner, à la tête de deux mille hommes, s'empare de Courtrai, défendu par le colonel Wylins et douze cents Autrichiens. (La Biographie des contemporains et l'Art de vérifier les dates de la révolution portent cette prise au 20.) 19 L'assemblée législative ordonne de brûler les titres de noblesse existant dans les dépôts publics.

20 Nouveaux troubles à Paris. Les habitants des faubourgs, au nombre de près de vingt mille, envahissent les Tuileries, pénètrent dans l'intérieur du château, enfoncent les portes et arrivent jusqu'à Louis XVI, qu'ils forcent de se coiffer d'un bonnet rouge, symbole des jacobins. Le sang-froid du prince arrête l'animosité populaire et parvient à faire évacuer le palais. Mort du sculpteur Caffieri (Jean-Jacques), né à Paris en 1723.

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28 Le général Lafayette, revenu à Paris de son

1 Forcé de rentrer à Lille à la suite des fuyards, le comte Dillon fut massacré par la populace qui l'accusait de trahison: son cadavre, traîné dans les rues, fut jeté au milieu d'un grand bûcher. I naquit en Irlande, passa en France lors de la guerre d'Amérique, et y reçut le grade de maréchal de camp, le 13 juin 1783.

duite du général Lafayette, accusé d'avoir fait marcher ses troupes sur Paris.

quartier général, se présente à l'assemblée législative pour lui rappeler sa lettre du 16 précédent et réclame avec force contre les troubles suscités par les jacobins. Ce fut en vain. 30 juin. Il quitte Paris et retourne à l'armée, ayant recueilli pour tout résultat de sa démarche en faveur de la royauté, l'aliénation de l'esprit du peuple, qui brûle, le soir même, son effigie au jardin du Palais-Royal.

1er juillet. Les départements protestent à leur tour contre les troubles de la journée du 20 juin des pétitions demandant la punition des auteurs de ces scènes arrivent de tous côtés à l'assemblée législative.

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Le même jour, mort de Chabanon, membre de l'académie et auteur d'un grand nombre d'ouvrages estimés. Il naquit à Saint-Domingue en 1730.

5 Louis XVI instruit l'assemblée législative des dispositions hostiles de plusieurs princes de l'Allemagne et de l'approche des frontières françaises d'une armée de soixante mille Prussiens. 9 Les embarras du roi augmentent de jour en jour. Tous ses ministres donnent leur démission.

10 Trois d'entre eux sont remplacés : ChampionVilleneuve au portefeuille de l'intérieur, Bigot de Sainte-Croix aux affaires étrangères. Grasset-Dubouchage à la marine. Dejoly, un des membres de l'ancien cabinet, consent, sur les instances du monarque, à rester au département de la justice.

11 La patrie est déclarée en danger.

25 juillet. Le roi de Prusse se décide à entrer en ligne contre la France. Son généralissime, le duc de Brunswick, fait en conséquence publier de son quartier général de Coblentz sa déclaration de guerre. C'est ce fatal manifeste qui fit tant de bruit en Europe et qui eut un si sinistre retentissement en France. Il exaspéra le peuple et hâta la chute d'une dynastie que la coalition prétendait soutenir; on sait que la nation accepta ce défi insolent en jetant bientôt la tête de son roi à la face de l'Europe. Voici cette pièce mémorable, véritable monument de délire. Quelques historiens voulant réhabiliter la mémoire du duc de Brunswick, disent que ce manifeste est apocryphe; il est permis d'en douter'.

«Leurs majestés l'empereur et le roi de Prusse m'ayant confié le commandement des armées combinées qu'ils ont fait rassembler sur les frontières de France, j'ai voulu annoncer aux habitants de ce royaume les motifs qui ont déterminé les mesures des deux souverains, et les intentions qui les guident.

» Après avoir supprimé arbitrairement les droits et possessions des princes allemands en Alsace et en Lorraine; troublé et renversé, dans l'intérieur, le bon ordre et le gouvernement légitime; exercé contre la personne sacrée du roi et contre son auguste famille des attentats et des violences qui sont encore perpétués et renouvelés de jour en jour, ceux qui ont usurpé les rênes de l'administration Au même instant un décret ordonne la levée ont enfin comblé la mesure en faisant déclarer de 85,400 hommes pour compléter les cadres une guerre injuste à sa majesté l'empereur, et en de l'armée. On reçoit en outre des enrôlements attaquant ses provinces situées aux Pays-Bas; volontaires à Paris et dans les départements. quelques-unes des possessions de l'empire germa14 Afin de donner l'impulsion aux esprits, le troi-nique ont été enveloppées dans cette oppression, sième anniversaire de la prise de la Bastille est célébré avec éclat au Champ-de-Mars. Le roi, accompagné de toute sa famille, assiste à cette cérémonie.

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et plusieurs autres n'ont échappé au même danger qu'en cédant aux menaces impérieuses du parti dominant et de ses émissaires.

» Sa majesté le roi de Prusse, uni avec sa majesté impériale par les liens d'une alliance étroite et défensive, et membre prépondérant lui-même du corps germanique, n'a donc pu se dispenser de marcher au secours de son allié et de ses co-Etats; et c'est sous ce double rapport qu'il prend la défense de ce monarque et de l'Allemagne.

» A ces grands intérêts se joint encore un but également important, et qui tient à cœur aux deux souverains, c'est de faire cesser l'anarchie dans l'intérieur de la France, d'arrêter les attaques portées au trône et à l'autel, de rétablir le pouvoir légal, de rendre au roi la sûreté et la liberté dont il est privé, et de le mettre en état d'exercer l'autorité légitime qui lui est due.

1 Je possède un exempla re de cette proclamation, telle qu'elle fot publiée à Coblentz; elle porte pour titre: Déclaration que S. A. S le duc régnant de Brunswick-Lunebourg, commandant des armées combinées de LL. MM. l'empereur et le roi de Prusse, adresse aux habitans de la France.

■ Convaincus que la partie saine de la nation française abhorre les excès d'une faction qui la subjugue, et que le plus grand nombre des habitants attend avec impatience le moment du secours pour se déclarer ouvertement contre les entreprises odieuses de leurs oppresseurs, sa majesté l'empereur et sa majesté le roi de Prusse les appellent et les invitent à retourner sans délai aux voies de la raison et de la justice, de l'ordre et de la paix. C'est dans ces vues que moi, soussigné, général commandant en chef les deux armées, déclare : ■ 1° Qu'entraînées dans la guerre présente par des circonstances irrésistibles, les deux cours alliées ne se proposent d'autre but que le bonheur de la France sans prétendre s'enrichir par des conquêtes;

» 2° Qu'elles n'entendent point s'immiscer dans le gouvernement intérieur de la France, mais qu'elles veulent uniquement délivrer le roi, la reine et la famille royale de leur captivité, et procurer à sa majesté très-chrétienne la sûreté nécessaire pour qu'elle puisse faire sans danger, sans obstacle, les convocations qu'elle jugera à propos, et travailler à assurer le bonheur de ses sujets, suivant ses promesses et autant qu'il dépendra d'elle;

3° Que les armées combinées protégeront les villes, bourgs et villages, et les personnes et les biens de tous ceux qui se soumettront au roi, et qu'elles concourront au rétablissement instantané de l'ordre et de la police dans toute la France;

» 4° Que les gardes nationales sont sommées de veiller provisoirement à la tranquillité des villes et des campagnes, à la sûreté des personnes et des biens de tous les Français jusqu'à l'arrivée des troupes de leurs majestés impériale et royale, ou jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné, sous peine d'en être personnellement responsables; qu'au contraire, ceux des gardes nationaux qui auront combattu contre les troupes des deux cours alliées, et qui seront pris les armes à la main, seront traités en ennemis, et punis comme rebelles à leur roi et comme perturbateurs du repos public; » 5o Que les généraux, officiers, bas-officiers et soldats des troupes de ligne françaises sont également sommés de revenir à leur ancienne fidélité, et de se soumettre sur-le-champ au roi, leur légitime souverain;

» 6° Que les membres des départements, des districts et des municipalités, seront également responsables, sur leurs têtes et sur leurs biens, de tous les délits, incendies, assassinats, pillages et voies de fait qu'ils laisseront commettre ou qu'ils ne se seront pas notoirement efforcés d'empêcher dans leur territoire; qu'ils seront également tenus de continuer provisoirement leurs fonctions jusqu'à ce que sa majesté très-chrétienne, remise en pleine liberté, y ait pourvu ultérieurement, ou qu'il en ait été autrement ordonné en son nom dans l'intervalle ;

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>>7° Que les habitants des villes, bourgs et villages, qui oseraient se défendre contre les troupes de leurs majestés impériale et royale et tirer sur elles, soit en rase campagne, soit par les fenêtres, portes et ouvertures de leurs maisons, seront punis sur-le-champ suivant la rigueur du droit de la guerre, et leurs maisons démolies ou brûlées. Tous les habitants, au contraire, desdites villes, bourgs et villages, qui s'empresseront de se soumettre à leur roi, en ouvrant leurs portes aux troupes de leurs majestés, seront à l'instant sous leur sauvegarde immédiate; leurs personnes, leurs biens, leurs effets, seront sous la protection des lois; et il sera pourvu à la sûreté générale de tous et de chacun d'eux.

» 8° La ville de Paris et tous ses habitants, sans distinction, seront tenus de se soumettre sur-lechamp et sans délai au roi, de mettre ce prince en pleine et entière liberté, et de lui assurer, ainsi qu'à toutes les personnes royales, l'inviolabilité et le respect auxquels le droit de la nature et des gens oblige les sujets envers les souverains; leurs majestés impériale et royale rendant personnellement responsables de tous les événements, sur leur tête, pour être jugés militairement, sans espoir de pardon, tous les membres de l'assemblée nationale, du département, du district, de la municipalité et de la garde nationale de Paris, les juges de paix et tous autres qu'il appartiendra; déclarant en outre, leursdites majestés, sur leur foi et parole d'empereur et roi, que si le château des Tuileries est forcé ou insulté, que s'il est fait la moindre violence, le moindre outrage à leurs majestés le roi, la reine et la famille royale, s'il n'est pas pourvu immédiatement à leur sûreté, à leur conservation et à leur liberté, elles en tireront une ver.geance exemplaire et à jamais mémorable, en livrant la ville de Paris à une exécution militaire et à une subversion totale, et les révoltés coupables d'attentats aux supplices qu'ils auront mérités. Leurs majestés impériale et royale promettent, au contraire, aux habitants de la ville de Paris d'employer leurs bons offices auprès de sa majesté très-chrétienne pour obtenir le pardon de leurs torts et de leurs erreurs, et de prendre les mesures les plus vigoureuses pour assurer leurs personnes et leurs biens, s'ils obéissent promptement et exactement à l'injonction ci-dessus.

>> Enfin leurs majestés, ne pouvant reconnaître pour lois en France que celles qui émaneront du roi jouissant d'une liberté parfaite, protestent d'avance contre l'authenticité de toutes les déclarations qui pourraient être faites au nom de sa majesté très-chrétienne, tant que sa personne sacrée, celle de la reine et de toute la famille royale, ne seront pas réellement en sûreté : à l'effet de quoi leurs majestés impériale et royale invitent et sollicitent sa majesté très-chrétienne de désigner la ville de son royaume la plus voisine de ses frontières dans laquelle elle jugera à propos de se retirer avec la

reine et sa famille, sous une bonne et sûre escorte qui lui sera envoyée pour cet effet, afin que sa majesté très-chrétienne puisse en toute sûreté appeler auprès d'elle les ministres et les conseillers qu'il lui plaira de désigner, faire telles convocations qui lui paraîtront convenables, pourvoir au rétablissement du bon ordre, et régler l'administration de son royaume.

» Enfin, je déclare et m'engage encore, en mon propre et privé nom, et en ma qualité susdite, de faire observer partout aux troupes confiées à mon commandement une bonne et exacte discipline, promettant de traiter avec douceur et modération les sujets bien intentionnés qui se montreront paisibles et soumis, et de n'employer la force qu'envers ceux qui se rendront coupables ou de résistance ou de mauvaise volonté.

» C'est par ces raisons que je requiers et exhorte tous les habitants du royaume, de la manière la plus forte et la plus instante, de ne pas s'opposer à la marche et aux opérations des troupes que je commande, mais de leur accorder plutôt partout une libre entrée, et toute bonne volonté, aide et assistance que les circonstances pourront exiger. » Donné au quartier général de Coblentz, le 25 juillet 1792.

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29 juillet.

Maupeou (René-Nicolas-Charles-Augustin de), ancien chancelier de France, né en 1714, meurt au Thuit près des Andelis. 30 Des troupes de volontaires arrivent à Paris de tous les départements du midi. On y remarque entre autres une bande de Marseillais parmi lesquels se trouvent les auteurs des massacres d'Avignon. Leur turbulence était telle qu'à peine arrivés dans la capitale ils se battaient avec la garde nationale.

31 Une nouvelle émission de trois cents millions d'assignats est ordonnée par le corps législatif, ce qui porte la somme en circulation à deux milliards deux cents millions'. 3 août. Péthion, le fougueux maire de Paris, demande à l'assemblée législative la déchéance immédiate de Louis XVI; mais plus prudente que ses agents, l'assemblée passe à l'ordre du jour.

Rolland, ancien ministre, obtient de l'assemblée législative l'autorisation de sortir de Paris. 5 Surles frontières, les Prussiens bombardent Thionville.

6 Dans l'intérieur, l'effervescence s'accroît d'une manière épouvantable ; des cris se font entendre de tous côtés contre la cour.

'Un pamphlet contemporain (Les finances ou le pot-au-feu national du grand Mirabeau, avis au peuple français), évalue, p. 19, la masse des assignats en circulation, au 1er janvier 1792, à 2,353,222,668 livres; je crois que c'est une erreur.

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Elle éclata en effet. Ce fut la fameuse journée du dix août. A huit heures du matin, trois mille Marseillais, suivis d'autres bandes armées, débouchent sur la place du Carrousel et attaquent la première garde, qui venait de leur refuser le passage. Tout était en confusion les insurgés, inquiets, sans ordre, se déconcertent et reculent. Si dans ce moment d'hésitation, et c'est l'avis de tout le monde, la garde eût chargé avec vigueur, toute cette populace, qui n'avait le courage que du nombre, se fût mise en déroute, et peut-être n'eût-on pas eu à déplorer les tristes scènes qui allaient souiller cette journée. Mais Louis XVI avait donné l'ordre de rester sur la défensive. Ce fut une faiblesse, je le dis hautement : il fallait abdiquer un pouvoir qui échappait de ses mains, ou le défendre avec énergie; le roi n'était-il pas dans son droit? La défense était légitime, la faiblesse fut son crime comme son malheur.-Revenus de cette espèce de panique, les insurgés retournent à la charge, culbutent la garde et se précipitent dans les Tuileries. Fiers de ce succès facile, des cris de mort se font entendre dans cette masse confuse les jours de toute la famille royale sont menacés. Ræderer, membre de la commune de Paris, qui s'était transporté au château, conjure le roi de se rendre au sein de l'assemblée législative et de se placer sous la protection des représentants de la nation. A cette proposition, MarieAntoinette, qui avait plus de fierté que le malheureux prince, laisse éclater son indignation. - «Je me ferais plutôt clouer aux murs de ce château, s'écrie-t-elle, que de demander un refuge à une assemblée qui peut-être, en ce moment, prononce la déchéance du roi; nous devons partager les dangers de nos défenseurs ; si nous ne pouvons sauver notre vie, sauvons du moins notre honneur. » Ce langage était beau, digne d'une reine 2; mais le moment de la défense était passé. « Vous voulez donc, répliqua Roederer, vous rendre coupable de la mort du roi, de celle de votre fils, de Madame

2 BIGOT DE SAINTE-CROIX (Histoire de la Conspiration dre 10 août 1792), ministre des affaires étrangères de Louis XVI à cette époque, ne fait point mention de cette belle réponse de MarieAntoinette, mais un grand nombre d'autres relations l'attestent.

et de toutes les personnes qui sont ici pour vous défendre? » - Puissent-ils se souvenir qu'aucun sacrifice ne m'a coûté pour prévenir l'effusion du sang! s'écrie le roi à son tour.Sommes-nous donc abandonnés ? n'y a-t-il plus aucun moyen de défense? reprend la reine : Aucun! madame, répond Roederer. Dans ce cas, dit le roi, après un moment de silence, que le sang ne soit pas versé, et partons! » Le roi, suivi de sa famille, et entouré des grenadiers, sort du palais de ses pères, qu'il ne devait plus revoir, traverse la terrasse des Feuillants et se rend au sein du corps législatif. En entrant dans la salle, Louis XVI dit au président : « Je suis venu ici pour éviter un grand crime qui allait se commettre, et je pense que je ne saurais être plus en sûreté qu'au milieu des représentants de la nation. Sire, répond Vergniaud, vous pouvez compter sur la fermeté de l'assemblée législative; ses membres ont juré de mourir en soutenant les droits du peuple et les autorités constituées'.»> La famille royale se retire dans la loge des sténographes, derrière le fauteuil du président. Ce fut là qu'elle attendit pendant quatorze heures la fin de cette triste journée.

Le départ de Louis XVI était à peine connu de la multitude qui environnait les Tuileries, qu'elle se précipite sur les gardes suisses. Le combat commence: il ne cessa que lorsque les derniers défenseurs de la monarchie eurent succombé....

La victoire était complète, mais il fallait encore la sanctionner par la déchéance du roi. Ce sera l'œuvre de l'assemblée nationale. Pressée par le peuple qui envahit la salle de ses séances et menace d'égorger les députés s'ils ne se rendent à leurs réclamations, l'assemblée, frappée de terreur, rend enfin un décret qui prononce la fatale mais indispensable déchéance du roi, et place ce prince et sa famille sous la sauvegarde de la nation. Voici ce monument historique qui détruisit la vieille monarchie française:

« L'assemblée législative, considérant que les dangers de la patrie sont parvenus à leur comble;

» Que c'est pour le corps législatif le plus saint des devoirs d'employer tous les moyens de la sauver ;

» Qu'il est impossible d'en trouver d'efficaces, tant qu'on ne s'occupera pas de tarir la source de ses maux;

» Considérant que ces maux dérivent principalement des défiances qu'a inspirées la con

1 Cette promesse était loin de tranquilliser le malheureux momarque. - Voyez dans la Correspondance de Louis XVI, publiée par Hélène-Maria Williams, la Lettre LXVIII, du roi à Monsieur, 11 août 1792, écrite au sein de l'assemblée.

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duite du chef du pouvoir exécutif, dans une guerre entreprise en son nom contre la constitution et l'indépendance nationale;

>> Que ces défiances ont provoqué de diverses parties de l'empire un vou tendant à la révocation de l'autorité déléguée à Louis XVI;

>> Considérant néanmoins que le corps législatif ne doit ni ne veut agrandir la sienne par aucune usurpation;

» Que dans les circonstances extraordinaires où l'ont placé des événements imprévus par toutes les lois, il ne peut concilier ce qu'il doit à la fidélité inébranlable à la constitution, avec sa ferme résolution de s'ensevelir sous les ruines du temple de la liberté, plutôt que de la laisser périr, qu'en recourant à la souveraineté du peuple et prenant en même temps les précautions indispensables pour que ce recours ne soit pas illusoire par des trahisons, décrète ce qui suit :

>> Article I. Le peuple français est invité à former une convention nationale; la commission extraordinaire présentera demain un projet pour indiquer le mode et l'époque de cette convention;

>> Article II. Le chef du pouvoir exécutif est provisoirement suspendu de ses fonctions, jusqu'à ce que la convention nationale ait prononcé sur les mesures qu'elle devra adopter pour assurer la souveraineté du peuple et le règne de la liberté et de l'égalité ;

» Article III. La commission extraordinaire présentera dans lejour un mode d'organiser un nouveau ministère; les ministres actuellement en activité continueront provisoirement dans l'exercice de leurs fonctions.

» Article IV. Le roi et sa famille demeurorontdans l'enceinte du corps législatif jusqu'à ce que le calme soit rétabli dans Paris.

» Mandons et ordonnons, au nom de la nation.>> août. Conformément à l'article 3 du décret précédent, le corps législatif nomme Danton ministre de la justice, Monge ministre de la marine, et Lebrun ministre des relations extérieures. Servan, Roland et Clavières sont rappelés, le premier à la guerre, le second à l'intérieur, et le troisième aux contributions.

L'assemblée lance en même temps un décret d'accusation contre Dubaucourt, ex-ministre de la guerre.

La présence de Louis XVI au sein du corps législatif était un véritable embarras pour les députés; aussi l'assemblée se décide à s'en débarrasser. Dès le lendemain de la déchéance, elle décrète, quoiqu'elle eût stipulé et proclamé solennellement que la famille royale resterait dans son local jusqu'à ce que la tranquillité fût rétablie dans Paris, « que le roi et sa famille sont confiés, en conformité de la loi,

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