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presqu'au moment où les commissaires de l'as- IV. Ep. semblée vinrent l'y chercher. Ils le trouvèrent déja rétabli dans l'opinion du peuple, assez maître de sa position, pour refuser les mesures de sûreté personnelle, que les commissaires crurent devoir prendre pour lui; ils revinrent seuls à l'assemblée et sans vouloir d'escorte. L'intendant de la liste civile, Laporte, avait été mandé à la barre et avait déposé sur le bureau, un mémoire, ou plutôt une proclamation que le roi lui avait fait remettre à son départ, avec un billet de sa main; Laporte demanda que le billet ne fût point lu en public; l'assemblée voulut que le billet fût rendu, comme propriété, sans être

ouvert.

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Les ministres s'étaient retirés; la séance avait été déclarée permanente; et on fit la lecture du mémoire du roi. Cette pièce importante, où l'on voit un roi entrer en cause et exposer ses griefs, n'était pas à la hauteur des circonstances; le style, les expressions, la na- Pièces ja ture des plaintes, rien ne portait ce caractère d'élévation que l'infortune ne doit jamais ôter à la grandeur; on peut croire, au défaut de la diction et en même temps au ton de supériorité qui y régnaient, que le roi ne le consulta point, et le dressa lui-même. A côté de ré

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IV. Ep. clamations graves sur la nouvelle forme du gouvernement, on y lit de petites plaintes sur l'insuffisance de son logement, sur le traitement pécuniaire des officiers de sa maison sur la modicité d'une somme de 24 à 30 millions affectés à sa liste civile. Ce mémoire semble rédigé par des commensaux mécontents qui se servent du nom de leur maître ; telle fut la sensation qu'il fit dans l'assemblée; il n'indisposa point contre le roi; on n'y vit que des suggestions, dont il n'avait pas su se défendre; tout était si peu prévu et si mal concerté, que cette pièce, qui, du moins, n'aurait dû paraître que lorsque le roi aurait été rendu en sûreté à sa destination, fut remise et publique peu d'heures après son départ. Après la lecture du mémoire, qui fut entendue sans aucun signe d'émotion, on reprit les occupations du moment. Le ministre, adjoint au comité diplomatique, fut chargé de notifier aux puissances étrangères que le vœu de la France était de continuer avec elle, les anciennes relations de politique et d'amitié : on organisa ensuite la garde nationale de tout le royaume. Les départements frontières durent fournir et armer ce que leur population comportait, et les autres départements, de deux à trois mille hommes. La séance se prolongea dans la nuit;

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et le mercredi 22, on nomma trois commis- IV. Ep. sions, de trois membres chacune, dont un fut choisi parmi les militaires membres de l'assemblée. Ils durent porter aux troupes en station aux frontières, cette formule de serment rédigée par Emeri : « Je jure d'employer les << armes remises en mes mains, à la défense de << la patrie, et à maintenir, contre tous les enne<< mis du dedans et du dehors, la constitution « décrétée par l'assemblée nationale; de mou<< rir plutôt que de souffrir l'invasion du terri<«toire français par des troupes étrangères, et « de n'obéir qu'aux ordres qui seront donnés << en conséquence des décrets de l'assemblée << nationale.

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Par un mouvement unanime, les deux côtés de l'assemblée se réunirent, et tous les députés militaires se portèrent à la tribune, et prononcèrent le serment; la chose publique devint la cause commune; et, pour un moment, les divisions de parti s'effacèrent.

Cette réunion fut plus marquée dans la séance tenue le jour même du départ du roi à la société des jacobins ; plus de trois mille membres s'y rendirent. Ceux mêmes qui s'en étaient retirés, prévoyant l'exagération dan+ gereuse de cette société, y revinrent. Lafayette fut inculpé et accusé par Danton. On lui re

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IV. Ep. procha, sans ménagement, l'évasion du roi; on sembla même lui faire grace, en ne l'accusant que de négligence. Il répondit, en peu de mots, et Lameth ensuite prit sa défense. Longtemps des soupçons vagues restèrent sur la conduite de Lafayette. A cette époque, un parti l'accusait d'intelligence avec la cour le parti opposé, l'accusa de duplicité, `ayant, disait-on, fait arrêter le roi, après lui avoir facilité son départ. Si l'intérêt des hommes publics est toujours la balance assez sûre pour peser leurs actions, la trahison l'exposait au dedans, et la perfidie le perdait sans ressource au dehors; ce qui est possible et probable, c'est qu'il eût fermé les yeux sur le départ de la reine, et que celui du roi ne lui fût pas confié. Beaucoup de bons esprits desiraient cet éloignement de la reine comme le seul moyen de sauver le roi, elle-même et la monarchie. Pendant ces deux journées, tout confirma l'attitude du calme et de l'assurance; l'assemblée ne voulut même rien changer à une disposition annoncée qu'elle assisterait à la procession

de la Fête-Dieu.

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Le mercredi soir, 22 juin, un courrier apporta à l'assemblée la nouvelle que le roi avait été arrêté à Sainte-Menehoult. Le maître de postes, M. Drouet, eut quelque soupçon, et

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crut avoir reconnu le roi; il n'osa cependant 1V.. Ep: pas arrêter les voitures; un détachement de dragons était arrivé la veille, et sur les mouvements de cette troupe, au passage de la voiture, Drouet ne douta plus. Il crie, aux armes, assemble la garde nationale, et monte à cheval à la suite des voitures. A Clermont, il apprend qu'elles ont quitté la route de Metz. Il prend un chemin de traverse et les devance de quelques instants. A Varennes, la municipalité fut à l'instant avertie, le peuple, sous les armes, les issues gardées, un chariot renversé Pièces j. barricada le pont, et lorsque les voitures arrivèrent, l'officier public demanda les passe-ports: ils étaient au nom de madame la baronne de Korf, voyageant avec sa famille, et signé Louis; plus bas, Montmorin. Il était minuit la rumeur et le tumulte servirent de prétexte à l'officier public pour engager le roi à ne point passer outre. Il lui offrit sa maison; et la famille royale y descendit. Le roi ne croyait point encore être reconnu; des relais étaient préparés dans un château voisin; et l'usage de la poste était d'y conduire, sans changer de chevaux, à Varennes : cette imprévoyance seule causa l'arrestation. Cependant l'alarme s'était communiquée dans tous les lieux voisins, les gardes nationales, en armes, arrivaient de tous côtés à Varennes; divers détachements de Tome I.

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