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auront à s'en plaindre? Celle que la modération & la prudence leur dicteront. De fouffrir avec patience ce qu'on ne pourra empêcher, attendre le retour des efprits, & en attendant prouver leur nobleffe par leurs vertus. Ce n'eft pas en forçant les voiles que le navigateur parvient à vaincre la tempête. Celui qui veut brufquer l'opinion en devient le plus fouvent la victime; & le tort eft auffi grand d'un côté que de l'autre, Les diftinctions fondées fur la naiffance ont exifté chez tous les peuples civilifés, & existeront probablement toujours. Mais s'il étoit poffible de les anéantir, feroit-il de la faine politique de le faire? Pourquoi les gouvernemens les plus éclairés exigent-ils une certaine représentation de la nobleffe, fi ce n'eft pour faire circuler des richefles qui, autrement, s'accumuleroient dans de certaines familles, où elles pourroient devenir dangereufes pour l'état. Pourquoi voit - on ordinairement cette claffe de citoyens ambitionner à s'inftruire & à fe diftinguer plutôt qu'à s'enrichir, s'il n'y a là un effet de cette même prééminence qu'on eft convenu de leur accorder, & de cet honneur, dont on pardonne les extravagances, en confidération des bonnes chofes qu'il produit? Il paroît que nos philofophes réformateurs, très-verfés dans les notions abftraites de la métaphyfique, aient en politique des connoiffances bien bornées. Il ne faut pas beaucoup feuilleter les annales du genre humain pour fe convaincre, que les freins les plus pu fans qu'on ait jamais pu mettre fur les paffions humaines, ont été l'honneur, & la religion, Or nos

prétendus fages ne fe laffent pas de prouver que l'honneur est une chimere ; & s'il refte encore quelque refpect pour la religion, ce n'eft pas leur faute, malgré que leur patriarche eût avoué, dans un moment de conviction, que la religion chrétienne étoit une chose fi fublime, & fi utile aux hommes, que fi elle n'avoit pas été révélée, il auroit fallu inventer quelque chofe: de femblable. Malgré cet aveu, lui & fes fectateurs ont employé tous leurs efforts pour ébran ler les fondemens de la religion, & l'on ne peut pas fe diffimuler qu'ils ont affez bien réuffi à effacer toutes les traces de fentiment religieux dans l'efprit d'un grand nombre de leurs difciples. Suppofons qu'ils parvinffent enfin à détruire la religion & l'honneur, ces deux grands moyens! dans les mains d'un gouvernement fage & modéré, que mettroient-ils à la place? Faudra t-il à tout moment avoir recours aux bûchers & aux échafauds des législateurs auffi barbares que les tems qui les ont produits, & dont l'infuffifance, contre l'impétuofité des paffions humaines, a été fuffifa nment prouvée par l'expérience d'une longue fuite de fiecles? Ou fau dra-t-il que le citoyen foir encore réduir à coucher fur les armes, pour être prêt à repouffer à chaque inftant les attentats des brigands & des malfaiteurs? Voilà où menent les belles leçons des fages de ce fiecle. Si on a le malheur, de douter des vérités les plus utiles aux genre hus main dans l'état de fociété, c'eft le devoir d'un honnête homme de garder fes doutes pour luimême, ou du moins de n'en faire part qu'à des

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perfonnes, dont la raifon foit à l'épreuve d'une pareille confidence; mais donner fes doutes pour des vérités, les répandre par la voie de l'impreffion, & féduire le peuple fous le prétexte de l'éclairer, c'eft un crime dont la littérature ne pourra fe laver, qu'en combattant victorieufement les fophifmes des novateurs, & en tâchant de réparer autant que poffible le mal qu'elle a fait. Si même ces principes qui fe font un jeu des devoirs les plus facrés, pervertiffent les mœurs, détruifent la fubordination, attaquent les propriétés, arment les citoyens l'un contre l'autre, & selâchent tous les liens de la fociété, étoient en effet des vérités, il faut avouer que l'ignorance la plus profonde feroit préférable à de pareilles lumieres, & il eft à craindre que le genre humain ne maudiffe un jour ceux qui prétendent ne l'avoir inftruit que pour fon bonheur.

D'après ces notions préliminaires, le lecteur pourra juger de notre impartialité. C'eft le devoir de l'hiftorien de représenter les faits d'une maniere à fervir d'inftruction; fans ce but, à quoi ferviroit la connoiffance des événemens? C'eft lâcheté que de flatter l'arrogance d'une opinion dominante &c'eft perfidie que de fouffler le fanatifme dans le cœur de ceux qui fe trouvent intéreflés dans une opinion qui fuccombe. L'erreur n'eft que pour un moment. Le tems & la rénexion remettent tout à fa place. Ce qui eft vrai & jufte ne fauroit changer de nature mais ce n'et que par la modération & la patience qu'on parvient à convaincre les hommes.

EXTRAIT d'une lettre à l'éditeur de l'Esprit des

Journaux.

MONSIEURI

L'IMPAR

'IMPARTIALITÉ & la juftice ayant toujours fait Peffence de l'Esprit des Journaux, journal auffi intéreffant qu'inftructif, j'ofe me flatter, Monfieur, que vous ne me faurez pas mauvais gré, fi je prends la liberté de vous avertir d'une erreur qui s'eft gliffée dans celui pour novembre de la préfente année 1791.

En annonçant, pag. 213, un voyage en Suede, traduit de l'anglois, dont vous avez (dites-vous) tiré la plus grande partie de l'extrait que vous en donnez, de l'Oberdeutfche algemeine litteratur zeitung; vous attribuez cet ouvrage à M. Radeliff, & vous ajoutez que comme il a fait un féjour affez confidérable dans le pays, pour voir tour de fes propres yeux, & a eu de la langue une connoiffance fufifante pour éclaircir fes doutes, & même pour confulter les auteurs nationaux on doit s'attendre à des remarques qui échappent au commun des voyageurs.

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J'ai été d'autant plus étonné en lifant cet ar ticle, que l'année paffée M. Radeliff fir annoncer dans le Monthly review, qu'il donneroit inceffamment au public la traduction en anglois d'un voyage en Suede, écrite en françois par un

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officier hollandois; annonce qui ne m'auroit ja mais permis de foupçonner que je verrois paroître ce même ouvrage fous fon nom comme auteur. Quelque relief que le nom de M. Radeliff puiffe donner à ce voyage, je crois cependant que ce feroit agir contre fes propres intentions, & contre l'hommage que je dois à la vérité, fi je ne vous défabufois point fur ce fujet. Permettez-moi donc, Monfieur, de me déclarer l'auteur de cet ouvrage; M. Goffe le fit imprimer en françois à fes propres fraix & à fos rifques, en l'année 1789, fous le titre de Voyage en Suede, par un officier hollandois, en forme de lettres. Ces lettres furent écrites dans la réalité quelques-unes en Suede même, mais la plupart en Danemarck, à un de mes amis à La Haye ....

La langue françoise étant généralement répan due dans tout le royaume, elle me procura l'avantage de me mettre au fait de ce que je défirois d'apprendre, d'antant plus que j'étois muni de lettres de recommandation pour quantité de perfonnes diftinguées par leur naiffance & par leur favoir. Parmi ces perfonnes, je dois par ticuliérement un hommage de reconnoiffance à M. le baron Van der Borch, envoyé-extraordinaire de LL. HH PP. à la cour de Suede, qui, outre les politeffes dont il me combla, me pro cura des moyens fûrs pour m'inftruire à bien des égards; l'amiral Nordenankar, commandant du port & chef du chantier à Stockholm; M. Wahs rendorff, négocians diflingue, dont les filles ont

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