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auffi fouvent émerveillé de la ftérilité que de la fécondité, de l'indigence & de l'opulence de l'efprit humain. Dix figures manquoient aux Arabes, qui pour tout étoient très-ingénieux; ils les ont empruntées ; & nous, nous n'avons pu en imaginer! Aujourd'hui qu'on calcule tant & f bien, que tout eft foumis à des calculs, qu'on n'entend parler que de tarifs, que tout enfin s'exprime rigoureusement en chiffres, la plus grande occupation de la plupart des hommes ! feroit-il déplacé de raifonner un pen fur l'origine & fur la forme primitive de nos chiffres arabes ?......

Les Romains n'ont compté que fur leurs doigts comme les Sauvages, même en écrivant, en peignant la pensée & les nombres, & particuliérement dans leurs monumens. Voyons un peu comment il pouvoient calculer avec leurs doigts : leur I, un, eft l'index tout droit; II, deux font deux doigts; III, trois, trois doigts; III, quatre, quatre doigts; V, cinq, les deux pouces cachés dans la main, & les deux index qui fe touchent par le bout, en montrant le dos de la main, le tout vu par celui à qui l'on parle ; IV, quatre, les deux index dont les bouts fe tou chent, & le troifieme doigt de la main droite levé; VI, fix, les deux index dans la même pofition, toujours regardant en bas & fe touchant par le bout, & le troifieme doigt de la main gauche levé; VII, Sept, VIII, huit, le quatrieme & le cinquieme de la gauche, levés; X, dix les deux index croifés l'un fur l'autre ; IX, neuf; le troifieme doigt de la main droite, tendu à côté des deux index croifés: on peut effayer ces

pofitions de doigt, en montrant le dos de la main. à celui à qui l'on parle, ou en fe regardant dans une glace; XI, onze, XII, douze, XIII, treize, les deux index croifés, & un, deux ou trois des autres doigts de la main gauche tendus; le refte ( XIV, XV, &c. XX, XXIV), n'eft qu'une combinaison répétée & variée des mêmes fignes convenus. L, cinquante, eft la main droite élevée verticalement, vue de profil par celui à qui l'on parle, mais tendue, & dont le pouce eft horizontal; D, cinq cens, eft cette même main dont le pouce eft un peu courbé vers le bout, & l'index & le pouce de l'autre main, formant un demi-cercle & appliqué bout à bout, l'index à l'index, & le pouce au pouce; M, mille, eft compofée de deux pouces, qui se tou, chent par les ongles, en formant un angle, & les deux index portés en avant, toujours en tendant en bas, & vus par la perfonne à qui on les montre. Voilà toute la tablature arithmétique que connoiffoient les maîtres du monde. On ne lit aucune infcription latine en chiffres, qu'on ne creie voir un Romain montrant fes doigts tendus, courbés ou croifés, pour défigner les nombres attachés à ces fignes.

Quant aux chiffres que nous appellons encore arabes, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, o, ce ne font ordinairement que les caracteres dont les Grecs fe fervoient pour peindre les nombres à la vue & l'on fait que les Grecs n'employoient à cet ufage que les lettres de leur alphabet. Les Arabes les leur ont prifes, les ont défigurées, tranfpofées: mais, fi nous ne retrou

vons pas leur ordre primitif, il nous feroit difficile de méconnoître les premiers élémens de leurs formes. Ici, en admettant la conjecture de M. Huet (*), au fujet de la tranfmiffion de ces caracteres, des Grecs aux Efpagnols, par les Arabes & les Maures, on peut n'être pas de fon avis fur le détail des formes des chiffres, & fur la maniere dont il les croit tirées de celles des lettres grecques. Il paroît plus vraisemblable que l'Alpha A eft devenu I, en rapprochant & confondant fes deux jambages; que des deux panfes du Béta B, on a fait le 2 & le 3 (le 2; en fupprimant ou abrégeant la panfe de deffous & la ligne droite, le 3, en ne retranchant que la ligne droite). On n'aura rien fait du Gamma en arithmétique, ou bien, en le déplaçant, on aura fabriqué le 9. Le Delta aura fait le 4; le 5 & le 6 auront été faits de même fur les figues fuivans. Le chiffre 7 eft un T mal fait, &c. Le zéro n'eft pas un point qu'on ait fucceffivement agrandi & vuidé, mais omicron ou petit, ce que femble annoncer le mot zéro, où se trouve le fon attaché à la lettre o. Mais bornons-là nos préfomptions d'étymologies. Il fuffit de favoir que nous chiffrons avec l'alphabeth grec fans nous en douter, mais en ne donnant à ses lettres ( défigurées, morcelées, interpofées par les Arabes, par les Maures, par les Espagnols, & tournées encore en cent manieres par nos maîtres d'é

(*) Penféos diverses de M, Huet, édition de M, l'abbé 'Olivet.

criture & par nos graveurs typographiques); qu'une valeur numérique, à laquelle chaque langue de l'Europe attache un mot différent.

(Affiches, annonces & avis divers.)

HISTOIRE DU TEMS PRÉSENT.

INTRODUCTION.

LA multiplicité des journaux politiques, & le

ton qui, depuis quelque tems, regne dans ces fortes d'écrits, avoient écarté toute idée d'en faire l'extrait dans un ouvrage confacré à l'im→ partialité & à la modération. Mais l'attention de l'éditeur à étendre, autant que poffible, l'utilité de l'Esprit des Journaux, & le plan qu'il s'eft propofé d'en faire le dépôt fidele de tout ce qui Le préfente de remarquable dans la littérature, ne pouvoient pas lui permettre de laiffer paffer fous filence les événemens étonnans qui ont marqué ces dernieres années, & dont les fuites se feront peut-être fentir à la poftérité la plus reculée. Sans entraîner le lecteur dans les difcuffions infinies auxquelles ces événemens ont donné lieu, on fe contentera de raffembler les faits, d'en indiquer les caufes lorfqu'elles font con→ nues, & de fuivre le développement des effets à mesure qu'ils fe feront remarquer. Mais pour mieux tracer le cours des événemens, fixons nos regards un moment fur le point d'où nous

partons, & confidérons le tableau que nous offre actuellement l'Europe.

Nous vivons dans un tems que nos écrivains appellent avec complaifance le fiecle des lumieres ; mais ceux de tous les tems ont tenu à peu-près le même langage. Examinons les fondemens de ces affertions. Tâchous d'établir notre prééminence fi elle exifte, ou de détruire une illufion qui nous mene fur des précipices.

Eclairés par le flambeau de leurs raisonnemens, nos philofophes modernes prétendent avoir trouvé de nouveaux fentiers vers le bonheur. La foule s'empreffe à les fuivre. Mais fi ces chemins conduifoient à des gouffres qui ont déja englouti des générations entieres fi ces raifonnemens n'étoient que des fophifmes, démentis par l'expérience de quarante fiecles? fi ces prétendus inftituteurs du genre-humain n'étoient que des ignorans féduits par une imagination exaltée ou par de vils intérêts? Voilà les doutes qui s'élevent contre la philofophie de nos jours ; nous ne pretendons pas décider à quel point ils font fondés; tout ce que nous oferons entreprendre, c'eft d'examiner la queftion fous fes différens afpects, & de foumettre le réfultat de nos recherches au jugement du lecteur éclairé.

On ne peut pas difconvenir que la raison, ce beau préfent du ciel, ne nous foit donné ? pour nous guider dans toutes les circonstances qui peuvent intéreffer notre bien-être, & que nous n'ayons le droit de la confulter pour tout se qui nous regarde. Or la raison deus dis, qu'cn

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