Page images
PDF
EPUB

pas un triomphe qu'un jaloux confondu? Si; pour ne pas le raffurer, on cherche des excuses, je n'en reçois aucune : l'eftime d'un mari, le repos domeftique, font des biens que pour rien au monde il ne faut laiffer en péril.

Mais elle-même, fi elle eft jaloufe, & fi elle l'eft avec raison? Ah! c'eft alors qu'elle a befoin de toute fa conftance & de tout fon courage. Si fon amour outragé s'irrite, fi elle s'abandonne à fes reffentimens, fi le reproche amer, ou fi le noir dépit empoifonne fes plaintes & fe mêle à fes larmes, tout eft défefpéré. Les Grees, lorfqu'ils facrifioient à Junon nuptiale, ôtoient le el de la victime. C'eft fur-tout à la jeune épouse que s'adreffe cette leçon. » Qu'une femme, di> foit un fage, dans le moment que la colere

la domine & la défigure, fe regarde dans fon » miroir, & qu'elle voie fi ce n'eft pas ainfi que > fa rivale doit défirer qu'elle se montre à fon » époux. « Oui, croyez-moi, foit pour gagner un cœur, foit pour le retenir, foit pour le ramener; douceur, indulgence & vertu, voilà vos forces véritables. La fable d'Apollon & Borée eft faite pour vous.

J'écoutois tout cela fans trouble & fans effroi, bien fûre que jamais mon cœur ne feroit mis à de telles épreuves.

Il fe reprocha cependant l'auflérité de fes legons; & avec un regard charmant par fa douceur je vous prêche là, me dit-il, une morale bien févere! Oh non lui répondis-je, aucun de ces devoirs ne m'épouvante. J'y vois la gloire d'une femme, &, finon son bonheur, au moins

des adouciffemens pour l'amertuine de ses peines. Mais, ajoutai je en foupirant, j'efpere que mon cœur n'aura point à subir de fi rudes épreuves. Non, me dit-il, j'ofe répondre que vous n'aurez jamais que des devoirs doux à remplir.

Il en vint à ceux d'une mere: & que ne puisje vous exprimer avec quelle délicateffe & quelle. effufion de fenfibilité il m'en fit l'aimable peinture! Il n'en omit aucun; mais le point fur lequel il infifta le plus, ce fut fur le précepte du refpect que l'on doit à la préfence des enfans.

On fait, dit-il, que le plus bel empire & le plus glorieux, comme le plus pénible, c'eft de fe pofféder foi même, & de favoir fe modérer. Cette domination habituelle fur les mouvemens de notre ame eft le principe de toutes les vertus: elle eft la fauve-garde des bonnes mœurs, dea bienféances, du repos domeftique; elle eft la fûreté de l'homme avec lui-même, & des hom mes enfemble. Mais dans aucune fituation de la vie elle n'eft plus indispensable que dans celle des peres & des meres, environnés de leurs enfans. Rien de leur exemple n'échappe, ni à l'observation, ni à l'imitation de cette enfance curieufe & docile, de cette adolefcence vive & déja fufceptible de durables impreffions; & autant l'exemple du bien leur fera faluraire, autant & plus celui du mal leur fera-t-il pernicieux car il n'aura ni correctif, ni préfervatif, ni remede; l'autorité l'imprime, l'habitude l'approfondit, le respect même le confacre; & ni autour d'eux, ni en eux-mêmes, aucune voix ne s'éleve pour le blâmer.

[ocr errors]

Mais je m'apperçois, mon ami, reprit Mde. de Néray, que mon hiftoire fe prolonge; & vous devez être impatient d'apprendre quel en fera le dénouement. Pardon, Jamais on ne craint d'ennuyer en faisant parler un Alcime; mais à préfent que c'eft moi qui parle, je vais abréger mon récit.

Par M. MARMONTE L.

(La fin au journal de février.)

PROCLAMATION DU ROI.

Du 12 novembre 1791.

Le roi n'a point attendu jusqu'à ce jour,

E

pour manifefter fon improbation fur le mouvement qui entraîne & qui retient hors du royaume un grand nombre de citoyens françois.

Mais après avoir pris les mefures convenables pour maintenir la France dans un état de paix & de bienveillance réciproque avec les puiffances étrangeres, & pour mettre les frontieres du royaume à l'abri de toute invafion, fa majefté avoit cru que les moyens de la perfuafion & de la douceur feroient les plus propres à ramener dans leur patrie des hommes que les divifions politiques & les querelles d'opinions en ont pricipalement écartés.

Quoique le plus grand nombre des François émigrés n'eût point paru changer de réfolution depuis les proclamations & les démarches du roi,

elles n'avoient cependant pas été entiérement fans effet; non-feulement l'émigration s'étoit ralentie, mais déja quelques-uns des François expatriés étoient rentrés dans le royaume, & le roi fe flattoit de les voir chaque jour revenir en plus grand nombre.

Le roi, plaçant encore fon efpérance dans les mêmes mefures, vient de refufer fa fanétion à un décret de l'affemblée nationale, dont plufieurs articles rigoureux lui ont paru contrarier le but que la loi devoit fe propofer, & que réd clamoit l'intérêt du peuple, & ne pouvoit pas compatir avec les mœurs de la nation & les principes d'une conftitution libre.

Mais fa majefté fe doit à elle-même, & à ceux que cet acte de la prérogative royale pourroit trompe fur fes intentions, d'en renouveller l'expreffion pofitive, & de remplir, autant qu'il eft en elle, l'objet important de la loi dont elle n'a pas cru devoir adopter les moyens.

Le roi déclare donc à tous ceux qu'un efprit d'oppofition pourroit entraîner, raffembler ou retenir hors des limites du royaume, qu'il voit non-feulement avec douleur, mais avec un profond mécontement, une conduite qui trouble la tranquillité publique, objet conftant de fes efforts, & qui paroît avoir pour but d'attaquer les loix qu'il a confacrées par fon acceptation folemnelle.

Ceux-là feroient étrangement trompés, qui fuppoferoient au roi une autre volonté que celle qu'il a publiquement manifeftée, & qui feroient d'une telle erreur le principe de leur conduite & la

bafe de leur espoir, de quelque motif qu'ils aient pu la couvrir à leurs propres yeux. Il n'en existe plus aujourd'hui. Le roi leur donne, en exerçant fa prérogative fur des mefures de rigueur dirigées contre eux, une preuve de fa liberté, qu'il ne leur eft permis ni de méconnoître, ni de contredire; & douter de la fincérité de fes réfolutions, lorfqu'ils font convaincus de fa liberté, ce feroit lui faire injure.

Le roi n'a point diffimulé la douleur que lui ont fait éprouver les défordres qui ont eu lieu dans le royaume, & il a long-tems cherché à croire que l'effroi qu'ils infpiroient pouvoit feul retenir hors de leurs foyers un fi grand nombre de citoyens; mais on n'a plus le droit d'accufer les troubles de fa patrie, lorfque par une abfence concertée & des raffemblemens fufpects, on travaille à entretenir dans fon fein l'inquiétude & l'agitation. Il n'eft plus permis de gémir fur l'inexécution des loix & fur la foibleffe du gouvernement, lorfqu'on donne foi-même l'exemple de la défobéiffance, & qu'on ne veut pas reconnoître pour obligatoires les volontés réunies de la nation & de fon roi.

Aucun gouvernement ne peut exifter, fi chacun ne reconnoît l'obligation de foumettre fa velonté particuliere à la volonté publique. Cette condition eft la bafe de tout ordre focial, & la garantie de tous les droits; &, foit qu'on veuille confulter fes devoirs ou les intérêts, peut-il en exister de plus réels pour des hommes qui ont une patrie, & qui laiffent dans fon fein leur famille & leur propriété, que celui d'en refpecter la paix, d'en

« PreviousContinue »