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favans profeffeurs introduifirent dans l'architec ture les médies géométriques, arithmétiques, harmoniques & contre-harmoniques, dont ils varierent l'ufage felon la grandeur des appartemens & des entrées. Les ornemens extérieurs doivent être diftribués avec une fage économie. La nudité & la groffiéreté des édifices ne plairont jamais certainement; mais une surcharge d'ornement est un autre excès auxquels fe livrent les profeffeurs d'architecture, fur-tout les modernes, qui négligent les fimples & majeftueuses beautés des édifices anciens, en voulant trop briller aux yeux de la multitude. Cet excès n'a jamais été pouffé fi loin que dans les édifices d'architecture gothique. Ces ornemens bizarres & ces arabefques accumulés presqu'à l'infini sur les façades, & interrompant prefque dans tous les points l'unité de l'ensemble, ne pouvoient être confidérés que comme des morceaux détachés d'architecture. «

C'eft un principe inconteftable que la vérité fait la beauté & le plus grand prix des beauxarts or la vérité, néceffaire à leur embelliffement, eft celle qu'offre la nature dans sa variété, qui eft fubordonnée à l'unité. Ainfi une imagination brillante & en même-tems judicieufe qui fait recueillir la plus grande variété & l'unir au pivot de l'unité, eft celle-là feule qui dans tous les arts forme les génies fublimes, & les éleve au-deffus de la multitude qui tournoie conftamment fur le plan de l'humble médiocrité.

(Giornale enciclopedico d'Italia. )

MELANGES.

L'ÉCOLE DE L'AMITIÉ,

C2

CONTE MORA L.

SECONDE

PARTI E.

E ne fut pas, comme vous croyez bien, fans un faififfement de furprise & de joie, que je vis Alcime introduit & comme installé chez ma mere. Il n'y fut pas d'abord auffi affidu, ni auffi occupé de moi que je l'aurois voulu; mais bientôt s'établit entre ma mere & lui une liaison plus étroite, & moi-même je fus admife dans cette douce intimité. Peu-à-peu je devins pour lui l'objet d'une attention particu iere; & je m'ap perçus que ma mere vouloit bien, fans inquiétude, nous laiffer caufer tête-à-tête, lorfque d'autres foins l'occupoient.

Dans notre premier entretien, il me parla; ou pour mieux dire, il me fit parler de mes compagnes ; & fur chacune d'elles il voulut favoir mon fentiment, foit, dit-il, en bien, foit en mal; car c'eft ainfi qu'on eft fincere.

En bien, lui dis-je, il m'eft facile de vous en dire ma pensée; mais en mal, ne feroisje pas indifcrete? & me fiéroit-il d'être, à

mon âge, affez hardie pour juger mes pareilles & pour les cenfurer? Je vous fais bon gré, me dit il, de cette réserve timide. Mais n'ofez-vous pas quelquefois vous dire en fecret à vous-même ce que vous avez obfervé du caractere de vos amies? Eh bien, en me parlant, croyez que vous ne parlez qu'à vous-mêne : votre fecret fera tout auffi- bien gardé. Rien ne me flattoit plus que cette confiance, fi elle devenoit mutuelle, & je ne demandois pas mieux que d'en faire les premiers frais.

Je parcourus donc, avec lui, le cercle des jeunes perfonnes qu'il voyoit chez Mad. d'Olme, & j'eflayai de les lui peindre au naturel dans l'une, la bonté, la complaifance, la candeur mais la molleffe & l'indolence; dans l'autre, la vivacité de l'efprit & du caractere, mais des ca prices, de l'humeur, un air trop résolu, un ton trop décidé, & quelquefois dans fes faillies un peu d'étourderie & de légèreté; dans celle-ci, de la fageffe, mais de la diffimulation, une volonté froide qui ne cédoit jamais, & une eftime d'elle-même qui quelquefois alloit pour nous juf qu'au dédain; dans celle-là, un coeur délicat & fenfible, ouvert à l'amitié, plein de chaleur & de franchise, mais jaloux, inquiet & facile à bleffer; enfin, dans toutes, un mélange de qualités que la nature fembloit avoir affociées comme l'ombre avec la lumiere, afin qu'il n'y eût rien de parfait.

Et favez-vous d'où vient ce mêlange qui vous étonne? C'eft, me dit-il, qu'en nous le principe & le germe du bien & du mal font les

mêmes.

mêmes. Rien qui s'allie plus naturellement que la bonté & la foibleffe, que la candeur & l'imprudence, que l'envie & l'émulation. Dans une ame fenfible, tout peut être excellent, tout peur devenir déteftable; & felon la culture, les mêmes qualités tantôt dégénerent en vices, tantôt fleuriffent en vertus. C'eft cette affinité des vertus & des vices, qui, dans l'étude de nousmêmes, doit fans ceffe nous alarmer. Ce font les paffions analogues à notre caractere, &, pour ainsi dire, voifines de notre cœur, qui font pour nous à craindre; & l'inquiete vigilance du Hollandois qui travaille à fes digues, eft un apologue pour nous. Combien même eft fouvent fragile & mince la digue qui protége l'innocence & l'honnêteté! Combien peu il s'en eft fallu quelquefois qu'un homme de bien n'ait été méchant & coupable; ou qu'une femme, que l'eftime & la vénération publique environnent dans fa vieilleffe, n'ait été livrée au mépris! Ah! défiezvous, croyez-moi, des plus beaux dons de la nature; & à côté des qualités aimables dont elle vous aura douée, regardez bien à celles qui les touchent de près: ce font des ferpens fous des fleurs.

Oui, j'y regarderai, lui dis-je; & j'efpere, bien que ma mere, & mes amis, fi je puis en avoir de fages, y regarderont avec moi.

Ici ma mere interrompit le tête-à-tête ; & moi, recueillie en moi-même, je commençai mon exar men. Plus je m'étudiai, plus j'appris à me crain dre. Ah! difois-je, il a bien raifon, le naturel le, plus heureux a fes écueils. La route du de Tome Ler.

I.

voir eft un fentier étroit, gliffant, bordé de précipices, où l'on ne doit marcher à mon âge qu'à pas tremblans. Dès-lors je fus en défiance & des louanges qu'on me donnoit, & de l'opinion que j'avois de moi-même, me gardant de mon amour-propre, comme d'un flatteur dangereux; & ma mere, qui s'apperçut de l'air férieux & réfléchi que j'avois avec mes compa gnes, y reconnut le fruit de cette premiere leçon.

La feconde roula fur un objet moins férieux. Si vous n'aviez, lui demandai-je, qu'un confeil à donner à une perfonne de mon âge, que lui recommanderiez vous ? De favoir s'occuper me dit-il car l'oifiveté & l'ennui de foi-même eft de tous les périls le plus redoutable pour elle. Il est un tems, lui dis-je, où une femme eft affez occupée de fes devoirs, pour n'avoir pas à craindre d'être oifire tous les momens font bien remplis. Mais pour moi, par exemple, pour celles de mon âge, il eft des heures qui feroient vides, fi on ne les employoit pas à fe donner quelques talens; & j'ai cru remarquer que ces talens frivoles n'avoient pas voire eftime. Vous n'aimez pas la danfe, vous faites peu de cas du chant.

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J'aime la danfe, me dit-il, mais au village & fous l'ormeau; c'eft- là qu'elle eft l'expreffion d'une gaîté fimple & naïve. Je l'aime auffi fur un théatre où elle varie avec art les mouvemens, les attitudes, les caracteres de la beauté c'est une peinture vivante, c'est une fculpture animée : le gladiateur, le faune antique, ne me font pas plus de plaifir que los

I

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