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MAXIMES de

relatives à la guerre

guerre

de cam

pagne & à celle des fieges; par M. le comte DE KEWENHULLER, feld-maréchal-général des armées de S. M. I. R. & A.

PREMIER EXTRAIT.

DANS un moment où la France, menacée

d'une guerre formidable contre des troupes expérimentées, manque de bons généraux, nous ne croyons pas pouvoir faire rien de plus utile à la patrie que de répandre les maximes de guerre d'un général avantageufement connu par une dé fenfive favante dans le Trentin contre l'armée des alliés en 1735), & qui commanda avec tant de fuccès les armées de l'impératrice-reine en Bohême & en Baviere. Nous ne prétendons pas cependant que cet ouvrage, petit par fon volume, mais grand par le nombre de chofes qu'il renferme,& qui mériteroit des Follard & des Turpin pour commentateurs, puiffe fuffire feul à former un bon général. Nous favons qu'il en eft de l'art militaire comme du jeu des échecs : Savoir la marche eft chofe très-unie,

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Jouer le jeu, c'est le fruit du génie. IT

Mais un homme doué des qualités naturelles qui forment les bons généraux, peut s'aider infiniment des maximes qu'il contient, s'il fait fe les rendre familieres; & on peut regarder avec

juftice ce petit livre comme le bréviaire du guerrier.

La premiere de toutes les qualités du général eft la valeur, fans laquelle, dit le maréchal de » Saxe, je fais peu de cas des autres, parce » qu'elles deviennent inutiles; la feconde eft l'efprit il doit être courageux & fertile en expédiens; la troifieme eft la fanté. «<

Le général doit avoir le talent des promptes & heureufes reffources; favoir pénétrer les > hommes & leur être impénétrable, avoir la > capacité de se prêter à tout, l'activité jointe » à l'intelligence, l'habileté de faire en tout un > choix convenable, & la jufteffe du difcernement.< » Les parties d'un général font infinies; l'art de favoir faire fubfifter une armée, de la ménager; celui de fe placer de façon qu'il ne puiffe être obligé de combattre que lorsqu'il le veut; de choifir fes poftes, de ranger fes troupes en une infinité de manieres, & favoir > profiter du moment favorable qui fe trouve » dans les batailles & qui décide de leur fuccès. Toutes ces chofes font immenfes & auffi variées que les lieux & les hafards qui les pro» duifent. <

Il faut, pour les voir, qu'un général ne soit > occupé que de l'ennemi un jour d'affaire; l'exa> men des lieux & celui de fon arrangement pour

fes troupes doit être prompt comme le vol d'un aigle; fa difpofition doit être courte & >> fimple. Il s'agit de dire, par exemple : la premiere ligne attaquera, la feconde foutiendra; You tel corps attaquera, & tel foutiendra, ◄

Il faudroit que les généraux, qui font fous > lui fuffent bien bornés pour ne pas favoir exé» cuter cet ordre, & faire faire la manœuvre » qui convient chacun à fa divifion. Ainfi, le » général ne doit pas s'en occuper ni s'en em> barraffer; car s'il veut faire le fergent de bataille & être par-tout, il fera précisément comme la mouche de la fable, qui croyoit > faire marcher un coche. <

> Il faut donc qu'un jour d'affaire un général > ne faffe rien; il en verra mieux; il le con⚫ fervera le jugement plus libre, & il fera plus > en état de profiter des fituations où se trouve

l'ennemi pendant la durée du combat; & quand > il verra fa belle, il devra baisser la main pour fe porter à toutes jambes dans l'endroit défectueux, prendre les premieres troupes qu'il ⚫ trouve à portée, les faire avancer rapidement & payer de fa perfonne; c'est ce qui gagne les batailles & les décide. Je ne dis point où > ni comment cela fe doit faire, parce que la variété des lieux & celle des difpofitions que le combat produit doivent le démontrer; le tout eft de le voir & d'en favoir profiter. << » L'on doit, une fois pour toutes, établir une maniere de combattre que les troupes doivent favoir, ainfi que les généraux qui les menent. Ce font des regles générales, comme, par > exemple, qu'il faut garder fes diftances dans > la marche; que lorsqu'on charge, il faut le > faire vigoureusement; que s'il fe fait des trouées dans la premiere ligne, c'eft à la feconde à les boucher. Il ne faut donc point d'écriture

pour cela, c'eft l'a be des troupes; rien n'eft > fi aifé, & le général ne doit pas y donner > toute fon attention, comme la plupart le font: > mais ce qui la mérite toute entiere, c'eft la > contenance de l'ennemi, les mouvemens qu'il

fait, & où il porte fes troupes. Il faut cher» cher à lui donner de la jaloufie dans un en> droit, pour lui faire faire quelque fauffe dé> marche, le déconcerter; profiter des momens, » & favoit porter le coup de mort où il faut ; > mais pour tout cela, il faut fe conferver le > jugement libre, & n'être point occupé de pe>tites chofes (*). «

On fent, en lifant ceci, qu'un général doit avoir une expérience confommée, & fur-tout le génie, que l'étude ne supplée jamais. » L'appli

cation, dit encore le maréchal de Saxe, rec»tifie les idées, mais elle ne donne jamais l'ame; c'eft l'ouvrage de la nature. <<

Le traducteur des Maximes de guerre (M. le baron de Sainclair, colonel d'infanterie au fervice de France) s'eft un peu écarté de l'ordre qu'avoit fuivi l'auteur; mais l'ouvrage n'en a que plus de liaison dans fes parties & plus de clarté. Nous ignorons s'il en a donné au public un commentaire, comme il fe l'étoit propofé. C'est un honneur que mérite Kewenhüller, & qu'un horame habile dans la théorie & dans la pratique de fon art devroit lui rendre.

(*) Voyez les Réveries ou Mémoires fur la guerre, de M. le maréchal de Saxe,

Kewenhüller mourut le 26 janvier 1744, après avoir fourni la plus belle carriere, & dans un tems où fon expérience & fes talens pouvoient être de la plus grande importance. La cour, l'Autriche & l'armée firent éclater à fa mort les plus vifs regrets. Il pofféda, dit M. de Sainclair, toutes

les qualités fublimes d'un grand général, & > emporta dans le tombeau l'admiration de fes > ennemis, les regrets de fes amis, & la re> connoiffance de fes maîtres. <

PREMIERE PARTIE.

GUERRE DE CAMPAGNE.
Maximes générales.

I. Invoquez le Dieu des armées.

II. Confultez des gens expérimentés, d'efprit & de confiance.

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III. Ne perdez ni ne négligez jamais aucune occafion favorable.

IV. Ne confiez des commandemens qu'à des hommes de bonne volonté & d'une capacité re

connnue.

V. Donnez vos ordres le plus clairement & le plus fuccinctement qu'il fera poffible.

VI. Observez le fecret, la diligence, la difpofition & la réfolution.

VII. Procurez-vous une connoiffance exacte & parfaite du pays par la chorographie, la topographie, l'hydrographie; que ces connoiffances s'étendent fur la fertilité de ce pays, fur les mœurs, le caractere & les inclinations particulieres de fes habitans, fur les forces de l'enne

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