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<«< trompe, dit-il, c'est de bonne foi. Cela me suffit pour que « mon erreur même ne me soit pas imputée à crime. Quand « vous vous tromperiez de même, il y auroit peu de mal « à cela. » C'est-à-dire que, selon lui, il suffit de se persuader qu'on est en possession de la vérité; que cette persua ́sion, fût-elle accompagnée des plus monstrueuses erreurs, ne peut jamais être un sujet de reproche; qu'on doit toujours regarder comme un homme sage et religieux celui qui, adoptant les erreurs même de l'athéisme, dira qu'il est de bonne foi. Or, n'est-ce pas là ouvrir la porte à toutes les superstitions, à tous les systèmes fanatiques, à tous les délires de l'esprit humain? N'est-ce pas permettre qu'il y ait dans le monde autant de religions, de cultes divins, qu'on y compte d'habitants? Ah! M. T. C. F., ne prenez point le change sur ce point. La bonne foi n'est estimable que quand elle est éclairée et docile. Il nous est ordonné d'étudier notre religion, et de croire avec simplicité. Nous avons pour garant des promesses l'autorité de l'Église. Apprenons à la bien connoître, et jetons-nous ensuite dans son sein. Alors nous pourrons compter sur notre bonne foi, vivre dans la paix, et attendre sans trouble le moment de la lumière éternelle.

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XIX. Quelle insigne mauvaise foi n'éclate pas encore dans la manière dont l'incrédule que nous réfutons fait raisonner le chrétien et le catholique! Quels discours pleins d'inepties ne prête-t-il pas à l'un et à l'autre pour les rendre méprisables! Il imagine un dialogue entre un chrétien, qu'il traite d'inspiré, et l'incrédule, qu'il qualifie de raisonneur; et voici comme il fait parler le premier: « La raison « vous apprend que le tout est plus grand que sa partie : « mais moi, je vous apprends de la part de Dieu que c'est « la partie qui est plus grande que le tout. » A quoi l'incrédule répond: « Et qui êtes-vous pour m'oser dire que Dieu «<se contredit? et à qui croirai-je par préférence, de lui

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qui m'apprend par la raison des vérités éternelles, ou « de vous qui m'annoncez de sa part une absurdité? »

XX. Mais de quel front, M. T. C. F., ose-t-on prêter au chrétien un pareil langage? Le Dieu de la raison, disonsnous, est aussi le Dieu de la révélation. La raison et la révélation sont les deux organes par lesquels il lui a plu de se faire entendre aux hommes, soit pour les instruire de la vérité, soit pour leur intimer ses ordres. Si l'un de ces deux organes étoit opposé à l'autre, il est constant que Dieu seroit en contradiction avec lui-même. Mais Dieu se contredit-il parcequ'il commande de croire des vérités incompréhensibles? Vous dites, ô impies! que les dogmes que nous regardons comme révélés combattent les vérités éternelles: mais il ne suffit pas de le dire. S'il vous étoit possible de prouver, il y a long-temps que vous l'auriez fait, et que vous auriez poussé des cris de victoire.

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XXI. La mauvaise foi de l'auteur d'Émile n'est pas moins révoltante dans le langage qu'il fait tenir à un catholique prétendu: «Nos catholiques, lui fait-il dire, font grand « bruit de l'autorité de l'Église; mais que gagnent-ils à cela, « s'il leur faut un aussi grand appareil de preuves pour éta<< blir cette autorité, qu'aux autres sectes pour établir direc<< tement leur doctrine? L'Église décide que l'Église a droit « de décider: ne voilà-t-il pas une autorité bien prouvée? » Qui ne croiroit, M. T. C. F., à entendre cet imposteur, que l'autorité de l'Église n'est prouvée que par ses propres décisions, et qu'elle procéde ́ainsi, Je décide que je suis infaillible, donc je le suis? imputation calomnieuse, M. T. C. F. La constitution du christianisme, l'esprit de l'Évangile, les erreurs mêmes et la foiblessé de l'esprit humain tendent à démontrer que l'Église, établie par Jésus-Christ, est une Église infaillible. Nous assurons que, comme ce divin législateur a toujours enseigné la vérité, son Église l'enseigne aussi toujours. Nous prouvons donc l'autorité de l'Église,

non par l'autorité de l'Église, mais par celle de JésusChrist, procédé non moins exact que celui qu'on nous reproche est ridicule et insensé.

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XXII. Ce n'est pas d'aujourd'hui, M. T. C. F., que l'esprit d'irréligion est un esprit d'indépendance et de révolte. Et comment en effet ces hommes audacieux, qui refusent de se soumettre à l'autorité de Dieu même, respecteroientils celle des rois qui sont les images de Dieu, ou celle des magistrats qui sont les images des rois? « Songe, dit l'au«teur d'Émile à son élève, qu'elle (l'espèce humaine) est << composée essentiellement de la collection des peuples; que quand tous les rois.... en seroient ôtés, il n'y paroîtroit « guère, et que les choses n'en iroient pas plus mal.... Toujours, dit-il plus loin, la multitude sera sacrifiée au petit « nombre et l'intérêt public à l'intérêt particulier : toujours ces noms spécieux de justice et de subordination serviront d'instrument à la violence et d'armes à l'iniquité. D'où il << suit, continue-t-il, que les ordres distingués, qui se pré<< tendent utiles aux autres, ne sont en effet utiles qu'à eux« mêmes aux dépens des autres. Par où l'on doit juger de la ❝ considération qui leur est due selon la justice et la raison. >> Ainsi donc, M. T. C. F., l'impiété ose critiquer les intentions de celui par qui règnent les rois 1; ainsi elle se plaît à empoisonner les sources de la félicité publique, en soufflant des maximes qui ne tendent qu'à produire l'anarchie et tous les malheurs qui en sont la suite. Mais que vous dit la religion? Craignez Dieu, respectez le roi... 2. Que tout homme soit soumis aux puissances supérieures: car il n'y a point de puissance qui ne vienne de Dieu; et c'est lui qui a établi toutes celles qui sont dans le monde. Quiconque résiste donc aux puissances résiste à l'ordre de Dieu, et ceux qui y résistent attirent la condamnation sur eux-mêmes 3.

'Per me reges regnant. Prov., cap. VIII, ỳ. 15.

2 Deum timete: regem honorificate. 1. Pet., cap. II, ỳ. 17.

3

Omnis anima potestatibus sublimioribus subdita sit: non est enim

XXIII. Oui, M. T. C. F., dans tout ce qui est de l'ordre civil, vous devez obéir au prince et à ceux qui exercent son autorité comme à Dieu même. Les seuls intérêts de l'Être suprême peuvent mettre des bornes à votre soumission; et si on vouloit vous punir de votre fidélité à ses ordres, vous devriez encore souffrir avec patience et sans murmure. Les Néron, les Domitien eux-mêmes, qui aimèrent mieux être les fléaux de la terre que les pères de leurs peuples, n'étoient comptables qu'à Dieu de l'abus de leur puissance. Les chrétiens, dit saint Augustin, leur obéissoient dans le temps à cause du Dieu de l'éternité 1.

XXIV. Nous ne vous avons exposé, M. T. C. F., qu'une partie des impiétés contenues dans ce traité de l'Éducation, ouvrage également digne des anathèmes de l'Église et de la sévérité des lois. Et que faut-il de plus pour vous en inspirer une juste horreur? Malheur à vous, malheur à la société, si vos enfants étoient élevés d'après les principes de l'auteur d'Émile! Comme il n'y a que la religion qui nous ait appris à connoître l'homme, sa grandeur, sa misère, sa destinée future, il n'appartient aussi qu'à elle seule de former sa raison, de perfectionner ses mœurs, de lui procurer un bonheur solide dans cette vie et dans l'autre. Nous savons, M. T. C. F., combien une éducation vraiment chrétienne est délicate et laborieuse : que de lumière et de prudence n'exige-t-elle pas! quel admirable mélange de douceur et de fermeté! quelle sagacité pour se proportionner à la différence des conditions, des âges, des tempéraments et des caractères, sans s'écarter jamais en rien des règles du devoir! quel zèle et quelle patience pour

potestas nisi à Deo : quæ autem sunt, à Deo ordinatæ sunt. Itaque, qui resistit potestati, Dei ordinationi resistit. Qui autem resistunt, ipsi sibi damnationem acquirunt. Rom., cap. XIII, †. 1, 2.

'Subditi erant propter Dominum æternum, etiam domino temporali. Aug. Enarrat. in psal. 124.

faire fructifier dans de jeunes coeurs le germe précieux de l'innocence, pour en déraciner, autant qu'il est possible, ces penchants vicieux qui sont les tristes effets de notre corruption héréditaire; en un mot, pour leur apprendre, suivant la morale de saint Paul, à vivre en ce monde avec tempérance, selon la justice et avec piété, en attendant la béatitude que nous espérons I! Nous disons donc à tous ceux qui sont chargés du soin également pénible et honorable d'élever la jeunesse: Plantez et arrosez, dans la ferme espérance que le Seigneur, secondant votre travail, donnera l'accroissement; insistez à temps et à contre-temps, selon le conseil du même apôtre; usez de réprimande, d'exhortation, de paroles sévères, sans perdre patience et sans cesser d'instruire 2. Surtout, joignez l'exemple à l'instruction : l'instruction sans l'exemple est un opprobre pour celui qui la donne, et un sujet de scandale pour celui qui la reçoit. Que le pieux et charitable Tobie soit votre modèle: Recommandez avec soin à vos enfants de faire des œuvres de justice et des aumônes, de se souvenir de Dieu, et de le bénir en tout temps dans la vérité et de toutes leurs forces 3; et votre posté rité, comme celle de ce saint patriarche, sera aimée de Dieu et des hommes 4.

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XXV. Mais en quel temps l'éducation doit-elle commen

Erudiens nos, ut, abnegántes impietatem et sæcularia desideria, sobriè, et justè, et piè vivamus in hoc sæculo, expectantes beatam spem. Tit., cap. II, †. 12, 13.

Insta opportunè, importunè; argue, obsecra, increpa in omni patientiâ et doctrinâ. II. Timot., cap. IV, †. 1, 2.

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Filiis vestris mandate ut faciant justitias et eleemosynas, ut sint memores Dei et benedicant eum in omni tempore, in veritate et in totâ virtute suá. Tob., cap. XIV, †. 11

* Omnis autem cognatio ejus, et omnis generatio ejus in bonâ vitâ et in sanctâ conversatione permansit, ità ut accepti essent tàm Deo quàm hominibus et cunctis habitatoribus in terrâ. Ibid., ✈. 17.

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