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N Contrat eft une convention faite entre plufieurs perfonnes, par laquelle une des parties, ou chacune d'elles, s'oblige de donner ou de faire quelque chofe, ou confent qu'un tiers donne ou faffe quelque chofe. Ainfi Contrat en général & convention ne font qu'une même chose; & ce qui forme le Contrat, c'eft le confentement mutuel & réciproque des parties contractantes; d'où il fuit que ceux qui ne font pas en état de donner un confentement libre, ne peuvent pas faire de Contrats, tels que les mineurs, les fils de famille, les imbécilles. Ceux qui font détenus prifonniers ne peuvent pas non plus contracter, à moins qu'ils ne foient amenés entre deux guichets comme en lieu de liberté.

La plupart des Contrats tirent leur origine du droit des gens, c'est-àdire, qu'ils font de tous les temps & de tous les pays, ayant été introduits pour l'arrangement de ceux qui ont quelques intérêts à régler enfemble; tels font les Contrats de louage, d'échange, de vente, de prêt, & plufieurs autres femblables que l'on appelle Contrats du droit des quant à leur origine, mais qui font devenus du droit civil quant à la forme & aux effets.

gens,

Les Contrats qu'on appelle du droit civil, font ceux qui tirent leur origine du droit civil de chaque nation.

Chez les Juifs, dans les premiers fiecles, les Contrats fe paffoient devant des témoins & publiquement à la porte des villes, qui étoit le lieu où fe rendoit la juftice. L'Ecriture en fournit plufieurs exemples, entr'autres celui d'Abraham, qui acquit une piece de terre dans le territoire de Chanaan en présence de tous ceux qui entroient dans la ville d'Hebron. L'hiftoire de Ruth fait mention de quelque chofe de femblable. Moyfe n'avoit ordonné l'écriture que pour l'acte de divorce. Il y avoit cependant des Contrats que l'on rédigeoit par écrit, & la forme de ceux-ci y eft marquée dans le Contrat de vente dont il eft parlé au ch. xxxij. de Jérem. v. 20. J'achetai de Hanaméel fils de mon oncle, dit ce Prophete, le champ » qui eft fitué à Anathoth, & je lui donnai l'argent au poids fept ficles » & dix pieces d'argent ; j'en écrivis le Contrat & le cachetai en préfence » des témoins, & lui pefai l'argent dans la balance, & je pris le Contrat de l'acquifition cacheté, avec fes claufes, felon les ordonnances de la loi, & les fceaux qu'on avoit mis au-dehors, & je donnai ce Contrat » d'acquifition à Baruch, fils de Neri, fils de Manfias, en présence d'Ha» naméel mon coufin germain, & des témoins dont les noms étoient écrits » dans le Contrat d'acquifition.

Vatable, fur ce paffage, dit qu'il fut fait deux actes: l'un, qui fut plié & cacheté; l'autre, qui demeura ouvert; que dans le premier, qui tenoit

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lieu de minute ou original, outre le nom de la chofe vendue & le prix, on inféra les conditions de la vente & le temps du rachat ou réméré; que pour les tenir fecretes & éviter toute fraude, on cacheta cet acte d'un fceau public, & qu'après qu'il fut cacheté les parties & les témoins fignerent au dos; qu'à l'égard de l'autre double, on le préfenta ouvert aux témoins, qui le fignerent auffi avec les contractans, comme on avoit coutume de faire en pareille occafion.

Vatable ajoute qu'en juftice on n'avoit égard qu'au Contrat cacheté; que les contractans écrivoient eux-mêmes le Contrat & le fignoient avec les témoins; qu'on fe fervoit pourtant quelquefois d'écrivains ou tabellions publics fuivant ce paffage, lingua mea calamus fcribæ velociter fcribentis. Les Grecs qui emprunterent leurs principales loix des Hébreux ufoient auffi à-peu-près de même pour leurs Contrats; les Athéniens les paffoient devant des perfonnes publiques, que l'on appelloit comme à Rome Argentarii. Ces actes par écrit avoient leur exécution parée, & l'on n'admettoit point de preuve au contraire.

en

Les Romains, qui emprunterent auffi beaucoup de chofes des Grecs, paffoient leurs Contrats devant des argentiers, qui étoient des efpeces de banquiers auxquels on donnoit encore d'autres noms différens, tels que Nummularii, Coactores, &c.

On divifoit d'abord les Contrats en Contrats du droit des gens & en Contrats du droit civil. Nous avons déjà expliqué ce qui concerne les premiers.

Les Contrats du droit civil, chez les Romains, étoient certains Contrats particuliers, qui tiroient leur forme & leurs effets du droit civil; tels étoient les Contrats appellés ftipulations conventionnelles, qui fe formoient par l'interrogation d'une part & par la réponse de l'autre Vifne folvere? Volo. C'étoit le plus efficace de tous les Contrats.

:

L'obligation qui provient de l'écriture & l'amphitéofe, étoient auffi confidérées comme des Contrats du droit civil, étant inconnus felon le droit des gens.

Toutes ces conventions, foit du droit des gens ou du droit civil, étoient divifées en Contrats proprement dits, & en fimples pactes.

Le Contrat étoit une convention qui avoit un nom ou une cause, en vertu de laquelle un des contractans, ou tous les deux, étoient obligés.

Le pacte au contraire, étoit une convention, qui n'avoit ni nom ni caufe, qui ne produifoit qu'une obligation naturelle, dont l'accompliffement ne dépendoit que de la bonne-foi de celui qui étoit obligé ; il ne produifoit point d'obligation civile jufqu'à ce que l'une des parties eût exécuté la convention.

On divifoit auffi les Contrats, chez les Romains, en Contrats nommés c'est-à-dire qui avoient un nom propre, comme le louage, la vente, & Contrats innommés, qui n'avoient point de nom particulier.

On les divifoit encore les uns & les autres en Contrats fynallagmatiques, c'eft-à-dire obligatoires des deux côtés, comme la vente, & en Contrats fimplement obligatoires d'un côté, comme une obligation proprement dite, où le débiteur s'oblige à payer une fomme à fon créancier.

Il y avoit encore une diftinction des Contrats de bonne-foi, de ceux qu'on appelloit fridi juris, mais qui n'eft plus en usage, tous les Contrats étant réputés de bonne-foi.

Toutes ces diftinctions fubtiles ne font point admifes parmi nous; on diftingue feulement les Contrats ou obligations par les différentes manieres dont ils fe forment; favoir re, verbis, litteris, & folo confenfu.

On contracte par la chofe ou par le feul fait; par exemple, lorfque l'on prête quelque chofe à une autre perfonne, ce Contrat & autres femblables, qui fe forment par la tradition de la chofe, ne sont pas faits parmi nous comme chez les Romains, par la tradition.

Le Contrat fe forme par paroles, lorfque l'un promet verbalement de donner ou faire quelque chofe au profit d'un autre.

On contracte litteris, c'eft-à-dire par écrit, lorfque quelqu'un s'oblige par écrit envers un autre.

L'écriture n'eft pas, par elle-même, de l'effence du Contrat, ce n'est pas elle qui conftitue le Contrat proprement dit, elle n'en eft que la preuve car il ne faut pas confondre le Contrat matériel, avec la convention qui fe forme toujours par le confentement.

Mais il eft plus avantageux de rédiger le Contrat par écrit, que de le faire verbalement, pour ne pas tomber dans l'inconvénient de la preuve par témoins.

D'ailleurs, comme, fuivant l'ordonnance de Moulins & celle de Paris de 1667, la preuve par témoins n'eft point admife pour une fomme audeffus de cent livres, à moins qu'il n'y en ait un commencement de preuve par écrit, il eft devenu par-là néceffaire de rédiger par écrit toutes les conventions pour fomme au-deffus de cent livres.

Il y a auffi certains Contrats, qui par leur nature doivent être rédigés par écrit, quand même il s'agiroit de fomme au-deffous de cent livres, tels que les Contrats de mariage, les prêts fur gage.

Les Contrats qui font parfaits par le feul confentement, font ceux où la tradition de la chofe, ni l'écriture ne font pas néceffaires, & dans lefquels le confentement même n'a pas befoin d'être exprimé verbalement, comme dans le Contrat de location, qui fe peut faire entre des abfens par l'entremise d'un tiers qui confent pour eux.

Mais perfonne ne peut engager un tiers fans fon confentement, ainfi l'on ne peut contracter qu'en perfonne ou par un fondé de pouvoir.

Les Contrats qui font rédigés par écrit, font ou fous feing-privé, ou devant Notaire, ou fe forment en jugement.

Ceux que l'on paffe devant Notaire doivent être reçus par un Notaire

en préfence de deux témoins, ou s'il n'y a pas de témoins, il faut qu'ils foient fignés d'un Notaire en fecond.

Chez les Romains, les Contrats étoient d'abord écrits en notes les par Notaires, qui étoient ordinairement des efclaves publics, ou bien par les clercs des tabellions. Cette premiere rédaction n'étoit point authentique, & les Contrats n'étoient point obligatoires ni parfaits, qu'ils n'euffent été tranfcrits en lettres & mis au net par un tabellion, ce qu'on appelloit mettre un Contrat in purum feu in mundum, c'étoit proprement la groffe du Contrat. Tant que cette feconde rédaction n'étoit pas faite, il étoit permis aux contractans de fe départir du Contrat.

Quand l'acte étoit mis au net, les contractans le foufcrivoient, non pas de leur nom, comme on fait aujourd'hui, mais en écrivant ou faifant écrire au bas de la groffe, qu'ils approuvoient le Contrat, & en mettant leur fceau ou cachet à la fuite de cette foufcription.

Le tabellion devoit écrire le Contrat tout au long, mais il n'étoit pas néceffaire qu'il le foufcrivit, non plus que les témoins; il fuffifoit de faire mention de leur présence.

L'on diftingue encore deux efpeces générales de Contrats, les uns font bienfaifans, gratuits, & les autres onéreux. La donation, le mandement, le prêt à ufage & le dépôt, font de la premiere efpece; voyez ces articles. Les Contrats onéreux font l'échange, la vente, le louage, le prêt à confomption, la fociété, & tous les Contrats où il entre du hafard.

Tous les Contrats purement onéreux ont ceci de commun, que l'on y doit garder une jufte égalité, c'eft-à-dire, qu'il faut que chacun des contractans reçoive autant qu'il donne, & que par conféquent fi l'un d'eux fe trouve avoir moins, il peut, ou exiger un dédommagement ou rompre le Contrat. Cela fe déduit manifeftement de la nature même de ces conventions, qui étant intéreffées de part & d'autre, chacun des contra&tans traite dans l'intention de recevoir l'équivalent de ce qu'il donne lui-même; bien entendu que l'eftimation des chofes doit fe régler fur le prix courant qu'elles ont communément dans le commerce, & qu'elle ne confifte pas dans un point indivisible.

Il fuit de-là que l'un & l'autre des contractans doit avoir une égale connoiffance de la chofe au fujet de laquelle ils traitent, du moins à l'égard des qualités qui font de quelque importance.

C'eft une conféquence de cette feconde regle, que chaque contractant eft obligé de déclarer de bonne-foi les défauts de la chofe fur laquelle on traite, comme il déclare ce qui eft capable de la faire valoir. Sans cela on donneroit atteinte à l'égalité qui eft la bafe des Contrats onéreux; car il est bien évident qu'un acheteur, par exemple, ne payeroit pas autant ce qu'il achete, s'il connoiffoit des défauts effentiels qu'il ignore. Quand nous difons que nous devons déclarer de bonne-foi les défauts d'une chofe, nous entendons les défauts cachés dont on ne peut pas s'appercevoir, &

qui d'ailleurs font des défauts intérieurs, & qui regardent le fond même de la chofe. Car, pour ce qui eft des circonftances extérieures qui ne concernent pas la chofe en elle-même, mais qui contribuent néanmoins à en augmenter ou diminuer le prix, il n'y a nulle néceffité de s'expliquer là

deffus.

Mais on demande, fi lorfqu'il y a des circonftances extérieures qui ne regardent pas le fond même de la chofe, & qui peuvent néanmoins contribuer à en augmenter ou à en diminuer le prix, il eft néceffaire, & par rapport à l'acheteur, & par rapport au vendeur, de fe les découvrir l'un à l'autre franchement ?

Suivant la justice naturelle, qui feule forme ce qu'on appelle l'homme vertueux, je dis que dans tout Contrat onéreux, les contractans font obligés de manifefter les circonftances extérieures de la chofe, qui font l'objet du Contrat, dès qu'elles contribuent à en augmenter ou à en diminuer le prix; autrement l'un des contractans n'eft pas un homme droit, mais fimulé; & cette fimulation eft caufe qu'il arrache des mains de l'autre un prix qu'il ne lui accorderoit pas, s'il connoiffoit les circonftances qu'on lui cache; & même cette fimulation eft encore plus criminelle, fi elle lui fait vendre fa marchandise à un prix exceffif, parce que tout vendeur eft obligé de fe contenter d'un profit honnête.

tans,

Si après la conclufion de l'affaire, on découvre qu'il y a une inégalité confiderable dans la chofe même, fans qu'il y ait de la faute des contracil faut la redreffer. Cela eft fans difficulté à l'égard des chofes dont le prix eft réglé par les loix; mais on peut dire auffi à l'égard de celles qui n'ont qu'un prix conventionnel, & par conféquent variable, qu'il y a pourtant un point au-delà duquel l'inégalité doit être redreffée. Pour éviter les difficultés qui pourroient naître là-deffus, les loix civiles déterminent d'une maniere précise quelle eft la léfion qui donne lieu de rompre les Contrats, laiffant d'ailleurs les contractans en liberté de traiter à leur plus grand avantage, pourvu que cela fe faffe fans fraude.

Par une loi du droit Romain, on ne peut faire ceffer un Contrat, ni demander un dédommagement de la vilité du prix, que quand la léfion excede la moitié de la jufte valeur des chofes. Cod. lib. IV. tit. XLIV. de refcind. vendit. leg. II. Cette fameufe loi eft purement pofitive, & fondée principalement fur ce qu'il n'y auroit point affez de tribunaux pour connoître du grand nombre de procès qui s'éleveroient tous les jours, fi pour la moindre léfion réelle ou prétendue, on pouvoit recourir aux Juges. Aliter leges, aliter philofophi tollunt aftutias: leges quatenùs manu tenere poffunt: philofophi quatenùs ratione & intelligentia. De Offic. lib. III. cap. XVII. Avouons cependant que la loi civile dont il s'agit, refferre dans des bornes trop étroites, l'injuftice fuivant les loix naturelles. Car, bien qu'il ne feroit point à propos de recourir aux Juges pour des affaires de peu de conféquence, je ne vois pas pourquoi il feroit difpenfé de prêter fon fe

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