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ne les rendra jamais lâches, l'efpoir des récompenfes de l'ennemi n'en fera jamais des déferteurs, ni des traîtres; l'avidité du gain ne les rendra ni pillards, ni indifciplinés; ils iront à la gloire dès que leur chef les y enverra, & ils y iront avec zele, parce qu'un vrai Chrétien est toujours zélé à remplir fon devoir.

COURONNEMENT, L. m.

Couronnement du Pape.

DES que le Pape eft élu, s'il n'eft encore que Diacre, le Cardinal

Doyen lui confere l'ordre de la Prêtrife & celui de l'Epifcopat : on difpofe enfuite toutes chofes pour fon Couronnement. Le jour marqué pour cette cérémonie, Sa Sainteté fe rend à la Chapelle de Sixte, où on le revêt de la Mitre, de l'Aube; de la Ceinture, de l'Etole & du Pluvial rouge broché d'or. Le premier Cardinal-Diacre lui met la Mitre fur la tête. Delà on le porte en chaife à l'Eglife de Saint-Pierre, avec beaucoup de pompe & de folemnité. En arrivant fous le portique de St. Pierre, le Pape s'affied fur un Trône furmonté d'un dais, auprès de la Porte-sainte: c'eft-là que les Chanoines & les Bénéficiers de St. Pierre viennent lui baifer les pieds. On porte enfuite le Pontife fur le marche-pied du grand Autel, où il fait fa priere à genoux & la tête découverte. Delà on le transporte à la Chapelle Grégorienne, où il s'affied fur un trône, & reçoit les hommages des Cardinaux & des Prélats. Les premiers lui baisent la main, & les autres le genou. Le Saint Pere donne enfuite fa bénédiction au Peuple, & quitte fes paremens rouges pour en prendre de blancs. On fait enfuite la proceffion, pendant laquelle le premier maître des cérémonies tient, d'une main, un cierge allumé, & de l'autre un bassin où font des figures de châteaux & de palais faites avec des étoupes. Il y met le feu jufqu'à trois fois, en difant au Pape » Saint Pere, voilà » comment paffe la gloire du monde. « Autrefois, au milieu de la pompe du Couronnement des Empereurs Grecs, on leur préfentoit d'une main un vase rempli de cendres & d'offemens de morts, & de l'autre, des étoupes auxquelles on mettoit le feu. La proceffion étant arrivée au bas du Maître-Autel, le Papé commence la Meffe. Nous omettons un grand nombre de cérémonies qui accompagnent cette Meffe, & dont le détail les ne feroit pas amusant. Il fuffit de remarquer que, pendant la Meffe, Cardinaux & tout le Clergé viennent en habits de cérémonie, & chacun à leur rang, adorer Sa Sainteté. Les Patriarches, les Archevêques & les Evêques lui baifent le pied & le genou; les Abbés & les Pénitenciers de St. Pierre ne lui baifent que le pied. Il ne faut pas oublier que l'Epitre

& l'Evangile font chantés en Grec & en Latin, & que les Ambaffadeurs du Roi de France & de l'Empereur, s'ils fe trouvent à la cérémonie donnent à laver à Sa Sainteté. Après la Meffe, le Cardinal-Archiprêtre de St. Pierre, accompagné de deux Chanoines, offre à Sa Sainteté une .bourse de damas blanc où il y a vingt-cinq jules de monnoie ancienne; c'est la récompenfe que le Chapitre de St. Pierre lui donne pro benè cantata missa, c'est-à-dire, pour avoir bien chanté la Meffe. Le Pape remet cet argent aux Cardinaux-Diacres qui ont chanté les deux Evangiles; & les Cardinaux le donnent à ceux qui leur portent la queue. Le Pape eft enfuite porté dans fa chaife à la grande loge de St. Pierre, qu'on appelle la Loge de la bénédiction. Deux palefreniers du Pape, habillés de rouge, portent, aux deux côtés de la chaife, un éventail de queue de paon. Le Pape monte fur un trône dreffé au milieu de la loge. C'eft-là qu'on lui met fur la tête la Tiare Pontificale, ou le triregne, en lui difant : » recevez » cette Tiare ornée de trois couronnes, & fachez que vous êtes le Pere » des Princes & des Rois, le Gouverneur de l'Univers, le Vicaire en terre » de notre Sauveur Jesus-Chrift. « Le Pape, couvert de la Tiare, donne trois fois la bénédiction folemnelle au Peuple; & deux Cardinaux publient une indulgence pléniere. Ainfi fe termine cette pompeufe cérémonie, pendant laquelle toutes les troupes du Pape font fous les armes, & toute l'artillerie du château Saint-Ange fe fait entendre. Les illuminations, les feux d'artifices, les bals, & les autres divertiffemens auxquels cette fête donne lieu, ne font pas de notre fujet. Autrefois le Pape donnoit, le jour de fon Couronnement, un feftin magnifique, où la Majefté Pontificale brilloit dans tout fon éclat. Le Saint Pere avoit une table particuliere dreffée fur une eftrade élevée. Il étoit affis fur un trône magnifique, & un fuperbe dais brilloit au-deffus de fa tête. Si l'Empereur étoit alors à Rome, il avoit fa table fur la même eftrade, à la droite du Pape; mais le fiege qu'il occupoit, étoit beaucoup moins magnifique. Ce Prince préfentoit le baffin au Pape, lorfqu'il fe lavoit les mains; & il fervoit le premier plat fur la table de fa Sainteté. Tous les Rois, qui fe trouvoient cette cérémonie, étoient mêlés indiftin&tement avec les Cardinaux, & paroiffoient comme autant de fujets du Pape.

Couronnement de l'Empereur d'Occident, du Roi de Tonquin, &c. L'E

'EMPEREUR d'Occident fe rendoit autrefois à Rome, pour y recevoir des mains du Pape la Couronne impériale. Avant d'entrer dans la capitale du monde Chrétien, il s'engageoit, par le ferment le plus folemnel, à obferver les bonnes coutumes des Romains. Il juroit par la Trinité, par le bois de la croix & par les reliques des Saints, d'exalter, selon fon pouvoir, la fainte Eglife Romaine & le Pape fon Chef. L'Empereur faifoit enfuite fon entrée dans Rome. Le Clergé venoit à fa ren

contre, & lui préfentoit la croix à baifer. Le Pape, affis fur un Trône. devant le premier portique de l'Eglife de St. Pierre, attendoit l'Empereur. En paroiffant devant le Vicaire de Jesus-Chrift, la Majefté Impériale fléchiffoit le genou; &, dans cette pofture, s'approchant de plus près, elle parvenoit jufqu'aux pieds du Pontife, qu'elle baifoit dévotement. Le Pape relevoit ordinairement l'Empereur, & l'embraffoit; puis ils entroient enfemble dans l'Eglife. Là, on lui faifoit jurer de nouveau, de ne jamais rien faire contre les intérêts de l'Eglife, ou plutôt du Pape; puis le Pontife mettoit fur la tête de l'Empereur la Couronne d'or. C'étoit auffi la coutume qu'on revêtît le nouvel Empereur de l'aumuffe & du furplis, & que les Chanoines de St. Pierre l'admiffent dans leurs corps. Ce jour-là, P'Empereur donnoit à laver au Pape, lorfqu'il fe mettoit à table, & lui fervoit le premier plat. Le Couronnement étoit fuivi d'une proceffion folemnelle. L'Empereur s'y montroit d'abord avec les marques de fa dignité, la Couronne fur la tête, le Sceptre dans une main, & le Globe dans l'autre ; mais au fortir de l'Eglife, il quittoit les ornemens impériaux, alloit tenir l'étrier du Pape, lorfqu'il montoit à cheval; &, prenant en main la bride, il conduifoit ainfi refpectueufement le vicaire de Jefus-Chrift. Il eft vrai que le cérémonial prefcrivoit au Pape de refuser d'abord par modeftie un pareil fervice, & de ne l'accepter qu'au nom de Jefus-Chrift dont il tenoit la place.

Le Couronnement du Roi de Tonquin eft accompagné d'un grand nombre de cérémonies religieufes, & fur-tout d'une multitude prodigieufe de facrifices, dans lefquels on immole plus de cent mille victimes. Le nouveau Roi fait des préfens magnifiques aux idoles & à leurs Prêtres; &, pour attirer fur fon administration la faveur célefte, il paffe dans un Monaftere de bonzes, l'efpace d'un mois, ou d'une lune, pour y faire ce que nous appellons une retraite; mais il n'y a que le premier quartier de la lune, qui foit employé aux exercices de dévotion. Le Monarque, pour éloigner l'ennui, paffe le refte du temps en feftins & en réjouiffances.

Le Couronnement des Empereurs ou Rois du Mexique étoit une cérémonie religieuse. Ils ne pouvoient être couronnés qu'après s'en être rendus dignes par quelque action éclatante & digne d'un Souverain. Le nouveau Monarque» fe trouvoit obligé, dit l'auteur de l'Hiftoire de la Conquête du Mexique, de fortir en campagne, à la tête des troupes, & » d'emporter quelque victoire, ou de conquérir quelques Provinces fur les » ennemis de l'Empire, ou fur les rebelles, avant que d'être couronné, & » de monter fur le trône. Auffi-tôt que le mérite de fes exploits l'avoit » fait paroître digne de régner, il revenoit triomphant en la ville capitale. » Les Nobles, les Miniftres & les Sacrificateurs l'accompagnoient jufqu'au > temple du Dieu de la guerre, où il defcendoit de fa litiere; &, après » les facrifices.... les Princes Electeurs mettoient fur lui l'habit & le man

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»teau Impérial. Ils lui armoient la main droite d'une épée d'or garnie de pierres à fufil, qui étoit la marque de la juftice. Il recevoit de la main » gauche un arc & des fleches, qui défignoient le fouverain commande» ment des armées; & alors le Roi de Tézucco lui mettoit la couronne » fur la tête; ce qui étoit la fonction privilégiée du premier Electeur. Un des principaux Magiftrats faifoit enfuite un long difcours, par lequel il congratuloit le Prince, au nom de l'Empire. Il y méloit quelques inftruc» tions dans lesquelles il repréfentoit les foins & les obligations que la » couronne impofe, l'attention qu'il devoit avoir au bien & à l'avantage » de fes peuples, &c.; « après quoi le Grand-Prêtre oignoir le Roi avec une certaine liqueur noire & épaifle, & l'arrofoit à plufieurs reprises, avec de l'eau qu'il avoit confacrée par quelques cérémonies. Il le revêtoit enfuite d'un habillement noir & lugubre, & fubftituoit à la couronne Impériale un trifte capuchon où l'on voyoit peintes de funeftes images d'os & de têtes de mort. Le lecteur apperçoit fans peine les fymboles que renferme un pareil ornement fur la tête d'un Roi. C'étoit une espece de préfervatif contre l'orgueil fi commun aux Souverains, qui fe croient d'une nature différente de celle des autres hommes. A cette cérémonie noble & raisonnable, le Grand-Prêtre mêloit la fuperftition & la magie. Il offroit au nouveau Roi certaines compofitions enchantées, qui devoient le préferver de toutes fortes de maladies & de fortileges. La cérémonie finiffoit par le ferment que prêtoit le Roi d'être fidele aux loix de l'Etat, & d'ufer avec équité & modération du pouvoir qui lui étoit confié. Il ajoutoit un autre ferment qui paroîtra fans doute bien fingulier, par lequel il promettoit que, pendant le cours de fon regne, la lumiere du foleil ne feroit point éclipfée, les terres ne feroient point brûlées par la fécheresse, ni inondées par des torrens débordés. Voici les réflexions de l'auteur de Hiftoire de la Conquête du Mexique, fur ce ferment: » Ce pacte, dit»>il, a véritablement quelque chofe de bizarre.... Néanmoins on peut dire » que les fujets prétendoient, par ce ferment, engager leur Prince à régner » avec tant de modération, qu'il n'attirât point de fon chef la colere du » ciel, n'ignorant pas que les châtimens & les calamités publiques tombent » fouvent fur les peuples qui fouffrent pour les crimes & pour les excès » de leur Roi. «

Après la mort du Samorin, ou Roi de Calicut, fur la côte de Malabar, il y a treize jours d'interregne, pendant lefquels il eft permis à chacun de dire librement ce qu'il penfe du caractere de celui qui doit lui fuccéder, & de faire connoître les vices comme les vertus qu'il a remarqués dans fa perfonne. Les treize jours étant expirés, le nouveau Roi s'engage, par un ferment folemnel, d'obferver exactement toutes les loix du Royaume ; d'acquitter les dettes contractées par fon prédéceffeur; de réparer les pertes qu'il auroit pu faire à la guerre, & recouvrer les terres conquifes fur l'Etat par les ennemis. Pendant qu'il prononce ce ferment, it tient, dans

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la main droite un cierge allumé & entouré d'un anneau d'or: dans la main gauche, il porte une épée. Cette cérémonie étant achevée, on récite quelques prieres, & l'on jette fur le nouveau Monarque quelques poignées de riz; après quoi, chacun des Seigneurs, prenant en main un cierge, à l'exemple du Souverain, lui prête ferment de fidélité.

En Europe le Couronnement des Souverains fe fait avec beaucoup de pompe & de fafte. Ce cérémonial eft peut-être propre à en impofer au peuple, mais s'il nous eft permis de dire notre fentiment fur cette cérémonie augufte, nous croyons qu'avec moins d'appareil, elle pourroit être plus convenable à la Majefté facrée des Rois, & plus propre à imprimer fortement dans l'ame du Souverain & dans celles des fujets les fentimens qui doivent les occuper. Qu'on life la cérémonie du Couronnement d'Alphonfe I, Roi de Portugal (Voyez ALPHONSE 1, Roi de Portugal.) Elle fe fit fans luxe, fans dépenfe. On n'y fit, on n'y dit rien que d'ef fentiel. On vit en un jour une Monarchie fondée, des loix conftitutives établies, un Roi élu & couronné, & dix-huit ftatuts rédigés & publiés. Quelles réflexions s'offrent au Politique, lorfqu'il compare cette révolution à ces longues & difpendieufes cérémonies où un Roi entouré d'un cortege magnifique & onéreux pour fon peuple, va recevoir des mains d'un Prélat fon fujet, une couronne que perfonne ne lui contefte & qui eft fon patri moine. L'ame fe fent noblement émue lorfqu'elle voit les anciens peuples de l'Europe élever leur Roi fur un bouclier, la couronne fur la tête & l'épée à la main ; il s'en faut bien que le tableau des cérémonies modernes où les pas des Officiers font comptés, leurs attitudes marquées, leurs habits deffinés, faffe la même impreffion.

Νους

COURIER, f. m.

Courier du Cabinet. Courier de Semaine.

OUS entendons ici par le mor Courier, un meffager que les Puiffances, leurs Ambaffadeurs, leurs Généraux, envoient porter des dépêches de fi grande importance qu'on n'oferoit les confier à la pofte ordinaire & qu'on veut faire parvenir avec une promptitude extrême. Toutes les Cours de l'Europe font un grand ufage des Couriers. La France en envoie d'un bout de l'Europe à l'autre ; le Miniftere en fait partir tous les huit jours pour le Nord, un qui paffe jufqu'à Berlin ou à Hambourg, & un autre vers le Midi, qui va jufqu'en Efpagne. On les appelle Couriers de femaine, & ils délivrent les dépêches à tous les Miniftres de France qui réfident dans les villes à portée de leur route. En Angleterre, les deux Secrétaires d'Etat ont chacun cinq ou fix Couriers du Cabinet à leur difpo

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