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chette » afférente à son récit ou à sa transcription; de cette façon, le lecteur pourra retrouver dans le manuscrit le passage qui serait de nature à lui offrir un intérêt particulier. Néanmoins, il va sans dire que nous n'avons pas pratiqué le même ostracisme à l'égard de faits historiques notoires, comme l'exécution de Lally (3 mai 1766), ou le premier rapt commis par le marquis de Sade (3 août 1768). Si les tortures infligées à la victime du terrible monomane excitent l'indignation sincère de Hardy, les détails atroces du supplice de l'ancien gouverneur des Indes ne provoquent pas, en revanche, chez lui, l'émotion qu'ils éveillent en nous et il enregistre maintes fois, au surplus, avec la même impassibilité, d'autres exécutions dont les motifs ou les apprêts nous paraissent également odieux. A cet égard, Hardy n'est cependant pas une exception parmi les gens du tiers et l'éditeur du Journal de Barbier (édition Charpentier), avait déjà relevé la même particularité, bonne à noter si l'on veut étudier la psychologie de la génération suivante, contemporaine de la Terreur (1); la souffrance humaine n'inspirait pas alors la pitié dont nous avons quelque peu abusé à notre époque, passant comme toujours, d'un excès à l'autre.

On pourrait et on devrait s'attendre à ce que le journal intime d'un libraire parisien abondât en révélations piquantes sur les littérateurs de son temps; il n'en est rien et il échappe même au chroniqueur des méprises ou des ignorances surprenantes sous sa plume, à propos de Piron, de l'abbé Raynal, ou de Chevrier. Il en va de

(1) Dans l'Etat de Paris en 1789, p. 216, M. H. Monin a groupé sur ce sujet des références bibliographiques utiles auxquelles je ne puis que renvoyer le lecteur.

même du théâtre dont il ne parle presque jamais et seulement par ouï-dire; les amateurs de gravelures ne trouveront pas ici non plus leur compte. A ce point de vue comme à plusieurs autres, Mes Loisirs ne font nullement double emploi avec les Mémoires secrets, ou la Correspondance littéraire et on est en droit de se demander comment M. Parent de Rosan avait un moment rêvé d'établir une sorte de synchronisme entre des textes aussi dissemblables.

La part faite aux événements de la rue, à la fluctuation des prix du pain et de la viande, aux phénomènes météorologiques, aux crues et aux décrues de la Seine, le grand souci de Hardy est d'abord la lutte incessante du Parlement avec l'autorité royale, puis, lors du coup d'Etat fomenté par Maupeou, la révolte de l'opinion contre les «< intrus» appelés à partager son pouvoir. Janséniste convaincu, il ne laisse pas non plus échapper une occasion de dévoiler ses sympathies ou sa vénération pour ses corréligionnaires lorsqu'ils appartiennent au clergé ou à l'enseignement, mais son témoignage est celui d'un « Port-Royaliste » fidèle et nullement fanatique.

Avant tout et surtout il est un représentant de cette forte classe arrivée par son seul travail, par la droiture de sa conduite, par la rectitude de son jugement, aux dignités que pouvaient décerner les corporations auxquelles elle appartenait. On a le fond même de la pensée maîtresse de Hardy dans une déclaration qui n'avait pas échappé à Ch. Aubertin et que nous reproduisons à notre tour (12 novembre 1771). On peut sourire de la lui voir apostiller d'une formule latine, afin de la rendre plus solennelle, mais, à tous égards, elle est

signalétique de l'état d'esprit de cette bourgeoisie d'où devaient sortir la Révolution de 1789 et toutes ses conséquences.

Malgré les allégements aussi considérables ainsi apportés au texte primitif, celui-ci demeurait encore trop abondant pour qu'il pût être l'objet d'une annotation continue, et nous avons réduit les commentaires au strict nécessaire. D'ailleurs, Mes Loisirs s'adressent à un public déjà instruit qui n'a que faire d'un vaste étalage de références et de rapprochements indispensables aux novices.

A M. Maurice Vitrac revient le mérite d'avoir trié dans les registres compacts de Hardy les éléments que j'ai contrôlés à mon tour et sur lesquels nous sommes heureusement tombés toujours d'accord. C'est encore M. Vitrac qui a pris la peine de rédiger un index sommaire, destiné à être refondu plus tard dans la table générale à laquelle nous songeons, mais suffisant dès aujourd'hui pour permettre au lecteur de retrouver le passage dont il a besoin. Nous aurions souhaité assurément faire plus et mieux que nous n'avons fait; nous aurons du moins contribué à sauver d'une destruction toujours latente et imminente un manuscrit si souvent communiqué au dehors. Cette entreprise longue, laborieuse, pénible, traversée par des difficultés matérielles de toute nature, ne sera donc pas inutile si nous dotons enfin notre littérature historique d'un témoignage qu'elle attendait depuis longtemps.

MAURICE Tourneux.

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1764

16 janvier. M. de Beaumont du Repaire ayant pris séance en la Grand-chambre du Parlement de Paris, en sa qualité de duc et pair comme archevêque de cette ville, avec l'archevêque de Langres (Montmorin) et celui de Noyon (de Bourzac), aussi pairs ecclésiastiques, relativement à l'affaire de M. le duc de Fitz-James avec le Parlement de Toulouse, M. Lambert l'aîné, conseiller de la deuxième chambre des enquêtes, dénonça l'instruction pastorale du susdit archevêque adressée au clergé séculier et régulier de son diocèse sur les entreprises des tribunaux séculiers dans l'affaire des Jésuites, donnée à Conflans le 28 octobre de l'année précédente, signée de lui seul et sans nom d'imprimeur. M. l'archevêque après avoir reconnu et avoué la dite instruction, sortit de l'assemblée malgré les instances qui lui furent faites d'y demeurer, attendu qu'il ne devait pas être question d'opiner ce jour-là. L'instruction fut remise aux gens du roi, pour être examinée, à l'effet d'être par eux pris des conclusions sur icelle et d'en rendre compte à l'assemblée des chambres le samedi suivant.

20 janvier. M. l'archevêque de Paris reçut à Conflans un ordre du Roi de se transporter à l'abbaye de Septfonds,

JOURNAL DE HARDY I

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