Page images
PDF
EPUB

en cour de Rome, faute de temps suffisant, M. l'archevêque de Paris se pressa de nommer, malgré toutes les représentations qui lui furent faites, le sieur Midor, curé de Ste Marine (1), sa paroisse depuis 1758, lequel n'est gradué en aucune faculté et avait été sentencié pour refus schismatique de sacrements, fait sur la paroisse Ste-Marguerite dont il était vicaire alors. Il avait eu part à l'amnistie que le Roi accorda en 1755 à tous les ecclésiastiques qui avaient été décrétés ou bannis. Il prit possession le lundi après midi 31 du même mois, n'ayant le suffrage que d'un très petit nombre de paroissiens.

12 décembre. - Le Roi fit choix pour son confesseur, à la place du P. Desmarets, jésuite, du sieur Maudoux (2), curé de la paroisse de Brétigny, diocèse de Paris et près d'Arpajon.Cet ecclésiastique, âgé d'environ 40 ans et jouissant d'une très belle réputation, était fils d'un petit épicier du faubourg St-Antoine, lequel n'ayant pas réussi dans son commerce, fut aidé par les jésuites de la maison professe; le sieur Maudoux avait aussi été petit sacristain chez ces Pères. Ayant fait ses études et pris les ordres, il fut pendant un certain temps prêtre habitué sur la paroisse St-Paul, de là passa à celle de St-Louis-en-l' lle, où il était vicaire lorsqu'il fut nommé par M. l'archevêque de Paris à la cure de Brétigny, trois ou quatre ans avant d'être nommé confesseur du Roi.

--

17 décembre. L'archevêque de Paris, qui s'était rendu le matin à Versailles pour saluer le Roi et le remercier d'avoir révoqué sa lettre de cachet, arriva le soir dans son palais. Malgré son retour, l'évêque de Sidon qu'il avait nommé vicaire général en son absence, ne laissa pas de faire l'ordination des Quatre-Temps. L'archevêque ne parut que le lundi suivant aux premières vêpres de Noël.

Le même jour, le Parlement, chambres assemblées, enregistra

(1) L'église de Sainte-Marine dans la Cité, vendue comme bien national le 2 mars 1792, existait encore en 1844 et servait alors d'atelier de teinture; elle n'a été démolie qu'en 1867, lors du nouvel alignement do la rue d'Arcole.

(2) L'abbé Louis-Nicolas Maudoux a été l'objet d'une importante notice, rédigéc d'après ses papiers et ses mémoires (alors conservés au Séminaire de Saint-Sulpice), par M. Autoine de Lantenay, (l'abbé Bertrand, sulpicien), auteur de Mélanges de biographie et d'istoire. (Bordeaux, librairie Feret et fils, 1895, in-8°), recueil tiré à 50 ex. d'articles parus dans la Revue catholique de Bordeaux.

un édit pour la liquidation des dettes de l'Etat, contenant 48 articles et qui, entre autres dispositions, soumettait à l'imposition du dixieme généralement tous les effets royaux, les tontines, etc., et établissait une chambre au Parlement, dite Chambre de l'Edit qui devait s'assembler tous les samedis, et des bureaux pour viser tous les contrats de ventes et donner des titres nouveaux aux rentiers qui seraient remboursés par forme de loterie à commencer en janvier 1766.

-

1765

10 janvier. On jugea en la Chambre de la Tournelle du Parlement un procès des plus singuliers, par appel du présidial de la ville de Lyon. Il s'agissait d'un hermaphrodite né à Grenoble au mois de novembre 1732, fils de J.-B. Grandjean et de Claudine Cordier. Il avait été baptisé sous le nom d'Anne, fille de Jean-Baptiste, etc. Le sexe féminin paraissait sans doute alors le sexe dominant chez lui. A l'âge de 14 ans, par avis de son confesseur, et sur ce qu'il s'était fait sur cette prétendue fille des changements qui semblaient la rapprocher beaucoup du sexe masculin, Anne prit des habits de garçon, et commença dès lors à se nommer Jean-Baptiste Grandjean. Après avoir cu quelques familiarités avec une fille nommée Legrand, il conçut de la passion pour une autre qui s'appelait Françoise Lambert, et étant passé avec cette dernière à Chambéry, ils s'y marièrent ensemble, le 24 juin 1761. Après une année ou environ de séjour à Chambéry, Françoise Lambert engagea son mari à aller à Lyon avec elle pour y fixer son domicile. Arrivés à Lyon, ils se placèrent chez un marchand fabricant en soie chez lequel ils menèrent pendant trois années la conduite la plus retenue. Leur tranquillité y fut troublée par l'arrivée de la nommée Legrand qu'il avait connue à Grenoble et qui ayant appris son mariage avec Françoise Lambert et ayant eu occasion de voir cette femme, lui témoigna de la surprise de son mariage, lui disant que Grandjean était hermaphrodite.

Françoise Lambert, étonnée de ce discours, fit des réflexions sur la stérilité de son union et croyant en trouver la cause dans la nouvelle qu'on venait de lui apprendre, sa conscience en étant alarmée, elle fut témoigner son inquiétude à son directeur qui lui conseilla de ne plus avoir de familiarités avec son mari.

Dans le moment où Grandjean, instruit des démarches et des inquiétudes de sa femme qui le pénétrèrent de douleur parce qu'il l'aimait véritablement,venait de lui proposer d'aller ensemble faire confidence au grand vicaire de leur situation respective, afin de suivre les conseils qu'il leur donnerait, la nouvelle, divulguée par la nommée Legrand, avait été saisie avec avidité par le public et avec chaleur par la justice de Lyon, qui a déjà prouvé en plus d'une occasion combien elle se prévient et s'échauffe facilement sur tout ce qui porte l'apparence d'un délit. Grandjean est décrété de prise de corps à la requête du procureur du roi et mis dans un cachot, les fers aux pieds, dans un temps où il attestait le ciel de son innocence, et où l'on ne pouvait imputer des torts qu'à la nature,

L'accusé fut visité, les témoins entendus, et les chirurgiens ayant cru pouvoir attester que le sexe prédominant chez lui était celui de la femme, l'accusé fut interrogé par le juge qui, loin de se laisser toucher par les traits de vérité, de candeur, de bonne foi qui sortirent de sa bouche et qui justifiaient son erreur, déploya contre l'accusé la sévérité la plus grande et le condamna par sa sentence à être attaché au carcan pendant trois jours avec écriteau portant ces mots : Profanateur du sacrement de mariage, à être fouetté par la main du bourreau et banni à perpétuité.

Grandjean ayant interjeté appel de ce jugement et ayant été transféré dans les prisons de la Conciergerie du Palais, il est intervenu arrêt le jour susdit, lequel relève ledit Grandjean de l'accusation de profanation du sacrement de mariage, lui enjoint de reprendre les habits de fille, comme étant le sexe décidé prédominant chez lui, déclare son mariage avec Françoise Lambert nul, lui défend, sous peine de punition corporelle de jamais avoir de liberté avec elle ni avec aucune autre personne de son sexe.

Cet arrêt fut rendu au rapport de M. de Glatigny, conseiller d'une des chambres des enquêtes de service à la Tournelle criminelle. Me Vermeil, avocat au Parlement avait fait un mémoire qui fut imprimé (1), et qui intéressa tout le

(1) Le Mémoire de Vermeil a été imprimé en 1765 chez Cellot et réédité la même année avec une élégie d'Edouard-Thomas Simon, de Troyes, intitulée L'Hermaphrodite ou Lettre de Grandjean à Françoise Lambert, sa femme, assez bizarrement dédiée à Mo G... Un chirurgien de Lyon, nommé Champeau, a publié des Réflexions (anonymes) sur les hermaphro diles (Lyon 1765, in-8") ou il discute les assertions de Vermeil sur le sexe

monde par le ton de sagesse et de décence qui y régnait d'un bout à l'autre. J'ai cru devoir en extraire le portrait du héros de la pièce que je transcris ici mot pour mot :

Descriptio hermaphrodilœ. Intra pudendi labra, supra meatum urinarium carnosa quædam moles inspicitur, speciem virilis membri præ se ferens, sese arrigens cum delectatione in conspectu fœminæ et firma stans in coitu ; crassitudine digiti, cum arrecta est et extensa longitudine quinque transversorum digitorum quantitate; in summitate mentulæ vel membri virilis, apparet glans cum præputio, sed non est glans perforata, ideoque nullum semen per hanc emitti potest. Infra mentulam et in orificio vulvæ ambo apparent globuli testiculorum ad instar ; exiguum autem est vulvæ orificium penc digitum admittens, nec per hanc menstrua fluunt, nec ulia sensatione jucunda commovetur, nec semine feminico irrigatur.

23 janvier. On publia une déclaration donnée au Conseil d'Etat le 19 du mois précédent par laquelle le Roi, vu l'indécence des procédés du canton de Schwyz, pendant dix-huit mois qu'ont duré leurs plaintes et leurs négociations et pour soutenir l'honneur et la dignité de sa couronne, ordonne à tous les Suisses, soit de la compagnie de Cent-Suisses de sa garde, soit du régiment, soit des châteaux, maisons et bâtiments de S. M., qui se trouveront être du susdit canton, de sortir du royaume sous un mois à compter du jour de la publication ; fait défense à tous ses sujets d'en retenir aucun à son service, sous quelque prétexte que ce puisse être et ordonne au comte de Noailles, gouverneur des ville et château de Versailles, au sieur de Courlanvaux, capitaine-colonel des Cent Suisses, au sieur de Sartine, lieutenant de police de la ville de Paris, de tenir la main à l'exécution de la présente déclaration.

N. B. Cent Suisses de ce canton défirent, en 1213, 12.000 Autrichiens, au sortir d'un défilé, n'étant armés que de leurs sabres.

30 janvier.

On publia des lettres patentes enregistrées

ambigu de son client, (cf. Julien-Michel Dufour. Questions illustres ou Bibliothèques des livres singuliers en droit), Paris, 1813, in-12, pp. 149

156.

Cette cause célèbre a été signalée aussi par Grimm dans sa Correspondance littéraire (éd. Garnier, t. VL, p. 185) et par Collé dans son Journal intime (ód. Bonhomme, tome III, p. 6).

au Parlement pour l'établissement et construction d'un nouvel hôtel des Monnaies sur la place Louis XV au Pont-Tournant.

[ocr errors][merged small][merged small]

14 février. Me Gerbier le jeune acheva sa plaidoirie dans l'affaire du sieur du Lau d'Allemans, curé de St-Sulpice. Il crut relever quatre prétendus moyens d'abus, dans l'acceptation faite par M. de Montazet, archevêque de Lyon et primat de France,de la démission dudit sicur du Lau ; il donna beaucoup de fleurs de rhétorique et peu de raisons solides. Le même jour, Me Aubry, avocat du sicur Noguier, curé pourvu au temporel de la dite cure, commença son plaidoyer et quoiqu'il ne parlât que cinq minutes, il ne laissa pas d'enchanter un grand nombre des auditeurs.

[ocr errors]

15 février. A 11 heures du matin les chanoines réguliers de l'abbaye de St-Victor, firent célébrer pour la première fois la messe qu'ils avaient fondée pour la conservation de la personne sacrée du Roi et de la famille royale, en reconnaissance des 10.000 livres de retenue que S. M. avait bien voulu leur accorder pendant 16 ans sur la mense abbatiale, pour augmenter le bâtiment de la bibliothèque. M. l'archevêque de Paris officia pontificalement à cette messe, à laquelle assistèrent le nonce du pape,l'archevêque de Cambrai,les évêques de Béziers, d'Orléans, d'Avranches et de Sisteron; le duc de Choiseul, ministre el secrétaire d'Etat, le duc de Fitz-James et le duc de Gontaut. M. le duc de Chevreuse, gouverneur de Paris et représentant le Roi, était au milieu du chœur, devant un prie-dieu, un fauteuil derrière lui et ses gardes en deux haies des deux côtés; il était revêtu du manteau et du collier de l'ordre du St-Esprit; le doyen du chapitre de Notre-Dame et quantité de supérieurs de maisons religieuses assistèrent aussi à cette cérémonie pour laquelle les religieux avaient fait distribuer 1500 billets d'invitation par le courrier du clergé. J'assistai à cette messe et j'eus une place dans le chœur, étant connu de M. Lagrénée père, maître des novices.

[ocr errors]

16 février. On publia deux arrêts du Parlement rendus, chambres assemblées, le 11 du même mois, le premier contre une bulle donnée par le pape Clément XIII en faveur de l'Institut des Jésuites et pour en confirmer tous les privilèges,

« PreviousContinue »