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ordre de Citeaux, diocèse d'Autun, à 6 lieues de Moulins; mais ayant fait prier Sa Majesté de vouloir bien lui permettre d'aller à la Trappe, autre abbaye du même ordre, dans le Perche, diocèse de Séez, le Roi lui ayant accordé la demande, il partit de Conflans vers les 6 heures du soir pour s'y rendre.

21 janvier. Les gens du roi entrés en la cour garnie des Princes et des Pairs, Messire Omer Joly de Fleury, avocat du dit seigneur Roi, portant la parole, il fut rendu compte de l'instruction pastorale de M. l'archevêque par un réquisitoire qui fut fort applaudi, et en conséquence duquel, il fut rendu arrêt qui, sous différentes qualifications, condamna cette instruction à être lacérée et brûlée au pied du grand escalier du Palais; dans cet arrêt qui fut mis à exécution le mardi suivant, 10 heures du matin, il n'est point fait mention des Pairs, quoiqu'ils fussent présents lorsqu'il fut rendu.

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1er février. La nuit de ce jour au jour suivant, la Seine, qui depuis longtemps était déjà sortie de son lit ordinaire,commença à croître si considérablement que le lundi suivant on ne passait plus aux grands degrés de la place Maubert; et le jeudi, il ne s'en fallait que de deux pieds et demi qu'elle ne fut au taux de 1740 et de cinq qu'elle ne fût à celui de 1658 qui est sa plus grande crue depuis que la ville de Paris existe, laquelle se trouve consignée sur un marbre que l'on voit sous le cloître des Célestins, près l'Arsenal. Elle diminua de plus d'un pied la nuit du 9 au 10, de manière que dans l'espace de huit à dix jours, elle se trouva où elle était le 1er du mois,

24 février. Par sentence du Châtelet de Paris rendue sur les conclusions du Procureur du Roi, demandeur et accusateur, le nommé André-Guillaume Deshayes, ci-devant notaire audit Châtelet, et ci-devant échevin de la ville de Paris, accusé absent et contumace, fut condamné à faire amende honorable devant la principale porte du Châtelet, nu-pieds, nu-tête, et en chemise, ayant écriteau devant et derrière portant ces mots: Notaire banqueroutier frauduleux, et ensuite à être conduit dedans un tombereau à la place du Pont-Marie pour y être pendu, attendu qu'il demeurait dans l'île St-Louis, quai d'Orléans, et celà pour prévarications énormes, et dont on avait peu entendu parler jusque-là, mentionnées en la susdite

sentence qui fut exécutée par effigie le lundi suivant 27 du même mois.

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25 février. Le Roi reçut à Versailles, S. M. étant sur son fauteuil au milieu de ses ministres et des grands de la cour, les représentations des députés du Parlement de Toulouse qu'il avait mandés auprès de lui.

15 avril. - La marquise de Pompadour, dame du palais de la Reine, mourut à Versailles dans les petits appartements, vers les 7 heures du soir, après une maladie de près de deux mois, dans la 43° année de son âge. Elle fut inhumée quelques jours après chez les Capucines de la place Vendôme, où elle avait choisi sa sépulture et celle de sa famille. Elle était maîtresse du Roi depuis 1745, année de la mort de Mme de Châteauroux.

3 mai. Vers les 2 heures du matin, Mme la Dauphine accoucha à Versailles d'une princesse qui fut baptisée dans la matinée du même jour (1).

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9 mai. Vers les 11 heures du soir, mourut à Paris rue de Bourbon, faubourg St-Germain, vis-à-vis les Théatins, Charles de Saint-Albin, archevêque, duc de Cambrai, abbé commandataire des abbayes de St-Ouen, diocèse de Rouen, ordre de St Benoît, et de St Evroult, même ordre, diocèse de Lisieux, âgé de 66 ans. Il fut inhumé le vendredi suivant dans la matinée, dans un caveau étant sous le chœur de l'église paroissiale de St-Sulpice; il était fils naturel de S. A. R. le duc d'Orléans, Régent, et de la Florence, célèbre actrice de l'Opéra (2) ; il avait été sacré évêque de Laon le 26 avril 1722, et nommé peu après à l'archevêché de Cambrai. Il avait donné pendant sa vie des scandales dont il demanda pardon et fit une espèce de réparation solennelle avant de recevoir les derniers sacrements de l'Eglise. Il était successeur immédiat du trop fameux cardinal Dubois. Le Roi lui nomma pour successeur, le samedi 19 du même mois, Léopold-Charles de Choiseul de Stainville, archevêque d'Albi et frère du duc de Choiscul, pair de France, ministre et secrétaire d'Etat ayant le département de la guerre.

(1) Madame Elisabeth, morte sur l'échafaud le 10 mai 1794.

(2) Selon Dussieux, 8 mère était Mademoiselle de Séry, C d'Argento", morte à Paris le mars 1748, âgée de 64 ans.

4 septembre. -L'archevêque de Paris, qui avait été exilé le 20 janvier précédent à l'abbaye de la Trappe pour son instruction pastorale en faveur des Jésuites, arriva dans la matinée en son château de Conflans, sous le prétexte d'un abcès fistuleux qu'il disait avoir au fondement; on observa de ne le rappeler que quand toute la Cour fut partie pour Fontainebleau, attendu qu'il devait passer par Versailles.

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6 septembre. Vers les 11 heures du matin le Roi se rendit de Choisy à Ste-Geneviève par la barrière de la rue d'Enfer ; le régiment des gardes françaises et celui des gardes suisses se trouvaient rangés en deux haies sur son passage. S. M. fut reçue à la porte de l'église par l'abbé à la tête de tous les chanoines réguliers revêtus de chappes. Elle était accompagnée de Mgr le Dauphin et d'une nombreuse suite; elle entra dans le chœur qui était orné, ainsi que toute l'église, des tapisseries de la Couronne; la châsse était découverte et décorée comme dans l'octave de la fête. Le Roi fit sa prière, après quoi il sortit de l'église par la porte collatérale, passa dans le cloître, de là sous la colonnade, puis au bas de l'escalier de la bibliothèque, d'où il gagna le nouveau bâtiment en passant devant le principal amphithéâtre. Le Roi entra dans la nouvelle église, précédé des religieux de Ste-Geneviève toujours en chappes; il se plaça sur un trône élevé près du dôme, après quoi il posa la première pierre avec les cérémonies accoutumées, pendant lesquelles le sieur Soufflot, chevalier de l'ordre de St-Michel et architecte du bâtiment, ne le quitta point. On avait préparé une auge dorée magnifiquement, une truelle de vermeil, et un marteau très artistement travaillé qui devait appartenir de droit à l'architecte, mais qu'il eut la générosité de déposer dans le trésor de l'abbaye.

On avait ordonné à tous les ouvriers de se trouver ce jour-là en veste, culotte et bas blancs, avec un bonnet de même couleur, sur lequel était attachée une cocarde ; chacun d'eux devait aussi avoir un tablier neuf, la journée payée et du vin à discrétion.

Dès que la cérémonie fut achevée, on entonna le Te Deum pendant lequel le Roi descendit dans l'église basse; le Roi fut aussi voir la bibliothèque et le cabinet des médailles, après quoi il revint à la place et remonta dans son carrosse, pour s'en retourner par le même chemin qu'il avait pris en venant.

Il y avait dans différentes salles de l'abbaye des tables disposées pour tous ceux de MM. les officiers qui auraient besoin de rafraîchissements.

Le peuple, qui avait attendu avec impatience cet heureux jour qui devait lui procurer la douce satisfaction de voir son père et son Roi, donna les preuves les plus parfaites de sa joie et de son amour par les cris redoublés de : « Vive le Roi ! » (1).

1er décembre. Les Chambres du Parlement s'étant assemblées vers les 10 heures du matin, les Princes et Pairs y séant en grand nombre, les gens du roi présentèrent un édit, daté du mois précédent, portant extinction totale de la société des Jésuites dans toute l'étendue du royaume de France et des pays, terres ou seigneuries de l'obéissance du Roi, permettant cependant à ceux qui étaient dans la dite société de vivre en particulier dans ses états sous l'autorité spirituelle des ordinaires des lieux, en se conformant aux lois de son royaume et se comportant en toutes choses comme ses bons et fidèles sujets.

Cet édit fut enregistré purement et simplement; mais il fut suivi d'un arrêt du Parlement portant que la cour, en délibérant sur le susdit édit et considérant qu'il importe à la tranquillité publique qu'elle ne néglige rien pour prévenir toute occasion de trouble au sujet de la permission accordée par ledit édit aux ci-devant soi-disant Jésuites de vivre dans le royaume, a ordonné que ceux d'entre eux qui seraient dans le cas de profiter de la dite permission seront tenus de résider dans le diocèse de leur naissance, et néanmoins ne pourront approcher de la ville de Paris plus près que 10 lieues, comme aussi de se présenter tous les six mois devant le substitut du procurcur général du roi, aux bailliages et sénéchaussées dans l'étendue desquels ils feront leur résidence, lequel enverra certificat au procureur général du roi. Le tout à peine contre les contrevenants d'être poursuivis extraordinairement.

5 décembre. Vers les 9 heures du matin, après neuf à dix jours de maladie, passa du temps à l'éternité, pauvre des

(1) On trouvera des d'tails complémentaires sur cette cérémonie dans un opuscule intitulé: Deux visites royales à la Bibliothèque de SainteGeneviève (1764-1771). Notes de MERCIER DE SAINT-LÉGER, publiées par Maurice Tourneux, Paris, 1897, in-8o, 14 pages. (Extrait du Bulletin de la Société de l'Histoire de Paris et de l'Ile de France, 1897).

La seconde visite est celle de Gustave III, roi de Suède, en 1771.

biens de la terre, mais riche en vertus, messire Nicolas-Pierre Guéret, doyen de la faculté de théologie et de MM. les curés de Paris, curé de St Paul, âgé de 84 ans. Il possédait éminemment le talent de la parole; son zèle infatigable, sa simplicité vraiment sacerdotale, sa charité immense et ingénieuse à prévenir les besoins des pauvres dont il se montra tou'jours le père et l'ami, son exactitude à remplir toutes les fonctions du saint ministère, la sagesse et la prudence qu'il employa dans le gouvernement de sa paroisse pendant 44 ans, lui avaient mérité l'estime et la vénération non seulement du peuple confié à ses soins, mais même du plus grand nombre des habitants de cette grande ville; il s'était acquis la confiance de feu M. le duc d'Orléans, fils du Régent; ce prince, qui édifia les fidèles par une pénitence suivie pendant plus de 20 années, il l'avait aidé de ses lumières et soutenu par ses exhortations, lors de son retour à Dieu. Il fut choisi en 1757 pour accompagner au supplice, le malheureux (1) qui avait osé porter ses mains parricides sur la personne sacrée de notre monarque bien-aimé, et depuis la dissolution de la société des Jésuites, le ministère lui avait confié la place de confesseur de la Bastille, qu'avait avant lui le P. Griffet. Il fut inhumé le lundi suivant à 11 heures du matin avec beaucoup de pompe. La faculté de théologie en corps, plus de 40 curés tant de la ville de Paris que de la banlieue, et quantité de personnes de considération assistèrent à ses funérailles où éclatèrent les témoignages les moins équivoques du regret sincère de tous ses paroissiens. Il leur avait encore rompu le pain de la parole le dimanche 27 novembre, quoiqu'il ressentit déjà les avant-coureurs de sa chute prochaine.

Il avait été appelé en 1721 de la cure de Brie-ComteRobert à celle de St-Paul par feu S. E. le cardinal de Noailles, archevêque de Paris, qui savait discerner les sujets, et qui le fit en même temps son vicaire général. M. de Beaumont l'avait mis aussi,en dernier lieu, du conseil qu'il établit pour le gouvernement du même diocése, lorsqu'il fut exilé par le Roi à l'abbaye de la Trappe, au mois de janvier de la présente année. Il avait résigné six jours avant sa mort au sieur de Chemmery, docteur de la maison et société de Sorbonne, son premier vicaire, qui avait le vœu des paroissiens. La résignation n'ayant pu être admise

(1) Robert François Damiens.

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