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l'on avait annoncé à M. le duc de Chartres qu'il lui était né un fils, il n'en voulu rien croire qu'il n'eût par lui-même vu et touché, tant il désirait la réalité d'une nouvelle aussi intéressante. On débitait que M. le duc de Penthièvre faisait présent à sa fille pour ses relevailles du château de Rambouillet et de toutes ses dépendances, tandis que, d'autre part, le bruit se répandait qu'il le cédait au Roi pour M. le Cte de Provence. On assurait aussi que le Roi avait signé sans difficulté l'acte de notoriété dressé par trois notaires, en présence de ducs et pairs, à cause de l'absence du Parlement, pour constater la naissance de M. le duc de Valois, et que sa Majesté n'avait eu aucun égard aux représentations de M. le Chancelier, sur ce que, mal à propos, selon lui, on avait inséré dans cet acte la cause du Parlement absent, puisque cette Cour était bien réellement existante.

6 octobre. Ce jour, il se répand que le Cte d'Estaing, lieutenant général des Armées navales, venait d'être exilé dans ses terres en Auvergne, pour avoir exigé et sollicité par un mémoire présenté au ministre une indemnité relative, à des dépenses qu'il avait été obligé de faire pour l'équipement d'une flotte, dont on lui avait ôté le commandement pour le donner à un autre officier général.

11 octobre. Ce jour, il se répand que le prince de Condé vendait au Roi le nouveau Palais-Bourbon; que l'ancien hôtel de Condé serait reconstruit au même endroit, au moyen de ce que le nouveau projet pour le bâtiment de la Comédie Française ne serait point exécuté, parce que on revenait à l'ancien qui avait été de le rétablir dans le même lieu qu'auparavant et que tandis qu'on travaillerait au palais du prince de Condé, il serait logé à l'Arsenal.

Il se répand en outre que l'Hôtel-Dieu serait amplifié et rebâti sur la rue Neuve-Notre-Dame, et que, par un arrêt du Conseil d'Etat du Roi qui demeurerait secret et ne serait publié, on adoptait toutes les raisons exposées dans la requête dressée en faveur des religieuses de cet hôpital par Me Truchon, avocat et qu'un arrêt du Parlement du 14 août précédent avait fort maltraitée.

14 octobre.

Ce jour, j'assiste en qualité d'ex-adjoint, autrement dit Mignon de la communauté des Libraires et

Imprimeurs jurés de l'Université, avec les nouveaux officiers en charge, à la procession de Monsieur le Recteur (Coger), lequel fait, suivant l'usage, un discours latin, sur la naissance du duc de Valois, sur les fréquents voyages des princes et princesses de la famille royale à Paris, ainsi que sur les témoignages d'amour et de satisfaction que n'avaient cessé de donner tous les ordres des citoyens de cette capitale; enfin, sur le renouvellement des études.

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15 octobre. Ce jour, il se répand que M. le duc d'Orléans et M. le duc de Chartres avaient présenté au Roi depuis peu un mémoire sur la nécessité indispensable de rétablir l'ancien Parlement. En exposant à S. M. qu'on supposant qu'Elle eût des raisons pour ne pas juger à propos de prendre ce parti, il était au moins de sa justice de faire rembourser en espèces à chaque magistrat le montant de son office et en même temps, de sa bonté de leur rendre à tous la liberté dont ils étaient privés depuis près de 3 ans.

On assurait aussi que la députation que le nouveau Parlement avait osé faire au Palais-Royal, pour y complimenter à la manière accoutumée LL. AA. SS. sur la naissance de M. le duc de Valois, n'avait pas eu lieu de s'applaudir de la démarche puisqu'elle avait été des plus mal accueillies, et que même on avait refusé tout net de la recevoir, lui ayant fermé la porte au nez, et que M. le Chancelier qui avait cru devoir porter ses plaintes au Roi, d'un affront aussi sanglant fait à ses chers inamovibles, n'avait pas eu dans cette circonstance un meilleur succès que lorsqu'il s'était agi de la signature accordée par S. M. à l'acte de notoriété dressé lors de la naissance du même prince.

16 octobre, Ce jour les curés et marguilliers de l'église SteEustache, paroisse du Palais-Royal et de l'hôtel de Toulouse, font célébrer avec la plus grande pompe une messe solennelle, suivie d'un Te Deum en actions de grâces de la naissance de M. le duc de Valois, fils de M. le duc de Chartres et petit fils M. le duc d'Orléans et de M. le duc de Penthièvre. Ces trois princes assistent à cette cérémonie.

On est informé que le samedi précédent le Roi chassant le cerf, aux environs de Fontainebleau, près du village d'Achères, l'animal poursuivi par les chiens et furieux avait franchi le mur d'un jardin ou travaillait un vigneron et lui avait donné

dans l'aine un coup d'andouiller qui l'avait blessé dangereusement; que S. M. avait sur le champ cessé la chasse et envoyé son chirurgien de quartier en ordonnant de procurer au pauvre malheureux tous les secours dont il pouvait avoir besoin; mais que Mme la Dauphine qui suivait d'assez près le Roi, emportée par sa généreuse compassion, avait absolument voulu voir cet homme autour duquel toute sa suite s'étant rassemblée; elle avait fait tous ses efforts pour adoucir les maux et calmer la vive douleur de sa femme et de ses deux enfants accourus des vignes voisines où ils travaillaient au bruit de ce triste évènement, en leur donnant sa bourse, puis leur promettant toute sa protection, en unissant ses larmes à celles qui coulaient abondamment de leurs yeux, moins peutêtre par le sentiment de leur propre malheur que par la joie de l'y trouver sensible; et que ne s'en tenant point encore là, elle avait fait monter dans sa calèche la femme éplorée, ses deux enfants, deux autres femmes qui l'avaient accompagnée et les avait fait reconduire au susdit village d'Achères. Qu'il était beau de voir une jeune princesse devenue l'amour de la nation donner à une Cour dont elle faisait les délices de si tendres leçons, de si grands exemples d'humanité ! Un trait aussi frappant en méritait-il pas bien d'être célèbré à jamais par les âmes sensibles? et ne méritait-il pas bien d'être inscrit et gravé dans tous les cœurs, vraies archives de la Bienfaisance?

20 octobre. Ce jour, on apprend que la santé de l'Archeévêque de Paris qui n'avait point quitté son château de Conflans depuis le samedi 11 septembre, paraissait assez bien rétablie et que ce prélat continuait d'être des plus assidus auprès de Mme Louise de France, religieuse carmélite à St-Denis, à laquelle il rendait visite exactement toutes les semaines, avec la précaution d'amener chaque fois avec lui l'ecclésiastique, ex-jésuite, confesseur de cétte princesse qu'il gardait deux jours et qu'il avait ensuite la complaisance de reconduire lui-même à St-Denis.

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23 octobre. Ce jour, comme pour se conformer aux intentions du Roi, on avait changé les premières dispositions prises pour le rétablissement du bâtiment de la Samaritaine, dont il avait été décidé d'abord qu'on supprimerait le fameux et ancien carillon; on voyait le petit clocher autrefois placé au sommet de ce bâtiment entièrement reconstruit, avec plus

d'élégance qu'il ne l'était précédemment, et prêt à recevoir ce carillon que tout le monde regrettait parce qu'il plaisait à tout le monde. On disait qu'il avait été redemandé par les princes et princessses de la famille royale, qu'il devait être amplifié et qu'il serait par conséquent beaucoup plus harmonieux encore que par le passé.

27 octobre. Les nommés Blanche et de La Chapelle, commis de la barrière de l'hôpital, aux bureaux des chantiers sur le bord de la rivière arrêtent et saisissent dans une voiture du Garde-meuble du Roi, transportant des effets de Choisy au dit Garde-meuble, 13 exemplaires en feuilles de l'ouvrage intéressant prohibé par le ministère, parce qu'il contenait, disait-on, des tableaux trop frappants et qui paraissaient comme calqués sur notre gouvernement pour en faire la critique; le dit ouvrage portant pour titre: Recherches philosophiques sur les Egyptiens et les Chinois, par M. de P..., (1) 2 v. in-12 Berlin, G. J. Decker, imprimeur du Roi, 1773, le premier de 378 pages d'impression et le second de 373, adressés au sieur Duruisseau, frère du commissaire au Châtelet, demeurant au susdit Garde-meuble, faubourg St-Honoré. Ils les envoyent à la chambre syndicale des libraires et Imprimeurs, rue du four St Jacques; mais le sieur d'Hémery, inspecteur de la librairie, dit aux syndics et adjoints le vendredi suivant 29 du même mois, que l'intention de M. de Sartine, déjà informé de la saisie des dits exemplaires était qu'ils lui fussent envoyés le même jour, ce qui est exécuté en prenant toutefois la précaution de cacheter le paquet du cachet de la Chambre et d'adresser au magistrat une lettre par laquelle on l'instruisait des ordres que le dit sieur d'Hémery avait notifiés de sa part.

1er novembre. On est informé par la Gazette de France, article de Fontainebleau, en date du 31 octobre, que le jeudi précédent 28 du dit mois d'octobre, le prince Pamphili Doria, archevêque de Séleucie, nonce ordinaire du pape, avait eu une audience et à celle de la famille royale par le sieur Tolozan, introducteur des ambassadeurs. On assurait que ce nouveau nonce, qui n'était âgé que de 22 ans et qu'on s'était hâté de nommé prêtre et de sacrer évêque à Rome, quoiqu'il n'eût

(1) Corneille de Paw, chanoine de Xanten (duché de Clèves).

pas l'âge prescrit par les canons, tout exprès pour l'envoyer aussitôt à la cour de France, pensait absolument comme tous ceux que l'on poursuivait en France depuis si longtemps sous la dénomination de Jansénistes, à la sollicitation des principaux membres d'une société qui venait enfin de recevoir le châtiment dû à toutes ses injustices. N'était-il pas assez naturel de penser que la politique avait déterminé Clément XIV à préférer dans les circonstances un noble jeune gênois à quelque vieil Italien dont les anciens préjugés et les liaisons auraient pu nuire ou préjudicier à ses desseins ?

2 novembre. Il se répand que le Cte d'Aranda, ambassadeur extraordinaire du Roi d'Espagne, quittait l'hôtel de Soyecourt, rue de l'Université qu'il trouvait trop petit; qu'il venait de louer sur le pied de 22.000 livres par chaque année l'hôtel de Brunoy, sis rue Neuve des Petits Champs; que ce Seigneur montait sa maison presque sur le même pied que celle de nos princes du sang; qu'il avait douze gentilshommes, autant de pages et tout le reste à proportion. Indépendamment des grands biens qu'il possédait, le Roi, son maître, lui faisait, disait-on, 600.000 livres de pension annuelle, pour le mettre à portée de pouvoir faire une plus brillante figure, sans parler d'une somme de 12.000.000 livres qu'il lui avait encore donnée pour ses équipages.

Il se répand en outre qu'il venait d'arriver un grand seigneur de la cour de Naples, lequel sans aucune qualité quelconque, paraissait être venu à Paris et à la cour de France uniquement dans le dessein d'y vivre avec le Cte d'Aranda, son ami, ce qui donnait lieu à différentes conjectures.

4 novembre. Ce jour, il se répand que la veille, le petit bâtelet destiné à transférer les personnes qui arrivaient de Fontainebleau par le coche d'eau de la porte St-Bernard au port St Paul, avait péri à la pointe de l'île St-Louis, par la faute du marinier qui le conduisait et que de seize passagers qu'il contenait, il ne s'en était sauvé qu'un seul ; c'est tout ce qu'on peut apprendre sur ce funeste évènement.

Il se répand que le magasin à poudre, étant dans un des faubourgs d'Abbeville, ville de Picardie, à 37 lieues de Paris, avait sauté en l'air l'un des jours précédents et que, par son explosion, un très grand nombre de maisons avaient été renversées, ainsi que l'église St-Jacques en grande partie puis

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