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en ces termes : « Sortez, Me Linguet et qu'on ne vous revoie plus ici. » On prétendait que l'avocat frappé avait rendu plainte au criminel contre le dit Me Linguet, mais cette dernière circonstance ne se confirme pas.

6 septembre. Mgr le Cte de Provence et Mme la Ctesse de Provence, accompagnés des officiers et des dames de leur maison, font leur première entrée à Paris, à peu près avec les mêmes cérémonies à celles qui s'étaient observées à celles de M. le Dauphin, de Mme la Dauphine et de Mme. Ils se rendent d'abord à Notre-Dame; arrivés à la porte de l'église cathédrale, ils sont reçus et complimentés par l'archevêque de Paris à la tête du chapitre; après avoir fait leurs prières et entendu la messe, ils sont reconduits avec les mêmes cérémonies et montent dans leur carosse, et vont à Ste Geneviève ; ils se rendent ensuite aux Tuileries, où ils dînent, se promènent dans le jardin et ne partent pour retourner à Versailles qu'à plus de 7 heures du soir, par la place Louis XV et la foire St Ovide que les syndics avaient eu soin de faire illuminer. On s'était presque étouffé dans le jardin des Tuileries, tandis qu'ils s'y promenaient sur la terrasse des Feuillants, et M. de Sartine, lieutenant-général de police, et les seigneurs de la suite avaient aidé à retirer de la foule des enfants qui se trouvaient en danger d'y périr. Mme la Ctesse de Provence va voir ellemême une dame qui s'était trouvée mal.

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7 septembre. Le sieur Le Sage, la Vve Méquignon, son fils, et le sieur Laguery sortent de prison. On prétendait que leur affaire ne serait point suivie.

8 septembre. Ce jour, l'un de ceux de l'octave de la fête de St Cloud, que les eaux de la magnifique cascade de M. le duc d'Orléans, nouvellement rétablies, devaient jouer pour la première fois, M. le Dauphin, et Mme la Dauphine, M. le Cte de Provence et Mme la Ctesse de Provence, Mme et Mme Elisabeth, filles de feu M. le Dauphin, se rendent du château de Versailles à St Cloud, par le chemin de Ville-d'Avray et arrivent dans une même voiture au parc vers 6 heures du soir; on recommence à faire jouer pour ces princes et princesses les eaux dont on avait déjà donné le spectacle au public; il s'y trouvait beaucoup de monde quoiqu'il fit fort mauvais temps. Etant descendus de voiture, ils se promènent à pied tout le long des MES LOISIRS. TOME I.

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bas jardins, traversent toute la foire et entrent e le lieu où devait se donner le bal et tirer le fe auxquels ils assistent avec une multitude de p milieu desquelles ils se promènent très librement. à près de 8 heures du soir, ils remontent en v retourner à Versailles. On est enchanté des marq réciproque qu'ils se donnaient et de l'union qui par entre eux. Mme la Dauphine surtout fixait l'atten le monde par son extérieur affable et enjoué, et l'o trop admirer la singulière révolution, à laquelle princesse avait donné lieu, dans la manière dont o Cour avant elle, révolution qui établissait, pour a doux commerce entre les princes de la famille royal en abrogeant la sombre et triste étiquette à laqu été jusqu'alors que trop scrupuleusement astrei temps qu'elle devenait dans la monarchie une glorieuse pour Mme la Dauphine que flatteuse p du Roi, qu'elle mettait à portée de témoigner pl d'une manière plus sensible leurs sentiments d dévouement à leur souverain et à toute sa famil princes de la maison d'Orléans ne se montre dans cette circonstance; ils paraissaient mê insensiblement de la Cour, où ils éprouvaient désagréments ignorés du public.

Le Cte d'Aranda, ci-devant ministre du ro qu'on attendait avec la plus grande impatience en cette ville et descend à l'hôtel de Soyecourt, versité. On le disait revêtu de la double qualité extraordinaire et de ministre plénipotentiaire. aussi que le ministère ne laissait pas que d'être arrivée sur laquelle on se livrait à bien des con être fort hasardées. Le lendemain, après son d'Aiguillon, ministre des Affaires étrangères, lui passe une heure avec lui.

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11 septembre. Ce jour, on apprend que le faire adresser à chacun des archevêques et évêq un exemplaire imprimé du bref du pape qui dissolution de la société des jésuites et dont à distribuer l'édition faite en latin à l'imprim 33 pages in-4.

12 septembre. Ce jour, le Cte d'Aranda, ci-devant ministre de S. M. catholique le Roi d'Espagne, actuellement son ambassadeur extraordinaire à la Cour de France, s'étant rendu de Paris à Versailles, est admis à l'audience du Roi, présenté par le sieur Tolozan, introducteur des ambassadeurs, et remet à S. M. ses lettres de créance, ce qui est annoncé par la Gazette de France du vendredi suivant, 17 du même mois; il n'était arrivé que du mercredi précédent.

18 septembre. Ce jour, à une heure et demi, après-midi, le Roi qui avait soupé et couché la veille à St Ouen, chez le prince de Soubise et qui, de St-Ouen, était allé, disait-on, incognito à St Denis, voir Mme Louise de France, religieuse carmélite, pour lui intimer des défenses de s'immiscer en aucune maniére dans l'affaire concernant le bref d'extinction et de sécularisation de la société des ci-devant soi-disant jésuites, dans laquelle l'archevêque de Paris paraissait disposé à se signaler de nouveau, passe sur le pont de St Cloud, étant venu par Boulogne, remonte l'avenue du Château et prend le chemin de Ville-d'Avray. On ne se souvenait point d'avoir vu S. M. rendre cette route depuis plus de 4 ans.

16 septembre. Ce jour. M. le Dauphin, Mme la Dauphine, M. le Cte et Mme la Ctesse de Provence, se rendent du château de Versailles, par Sèvres, au parc de St Cloud et y mettent pied-à-terre dans l'endroit qu'on appelle communément les Trois bancs, d'où ils commencement leur promenade jusqu'à la grande allée où sont les boutiques qui forment la foire. Mme, et Mme Elisabeth et M. le Cte d'Artois y arrivent aussi fort peu de temps après. Pendant la marche de Mme la Dauphine, quelques personnes lui présentent des placets qui sont reçus par un de ses écuyers; mais cet écuyer qui en avait déjà reçu 3, refusant d'en recevoir un quatrième que lui présentait une pauvre femme, la princesse qui s'en aperçut, lui dit d'un ton majestueux de continuer à recevoir, ce qui donne lieu à des applaudissements de la part des spectateurs qui étaient en grand nombre. Ces princes et princesses, après s'être promenés dans la foire pendant une demi-heure, entrent ensuite dans le lieu où le sieur Griel, portier, devait donner un bal et un feu d'artifice. Ils y prennent les places qui leur avaient été destinées, en face du feu d'artifice qu'on allume sur-le champ et au milieu duquel on voit paraître en tranparent les

portraits des princes et des princesses qui honoraient la fête de leur présence, ce qui donne lieu à des battements de mains réitérés. Le feu tiré, on illumine. Les princes et princesses, après avoir vu une danse, se promènent en long et en large au milieu de l'assemblée qui était brillante et nombreuse et font plusieurs tours après lesquels ils remontent en voiture pour retourner à Versailles. On disait que Mme la Dauphine avait été très satisfaite de cette petite fête, qu'elle avait elle-même fait demander au sieur Griel; qu'on lui avait donné par ses ordres la somme de 240 livres pour le jour de la Vierge, 8 du même mois, et celle de 600 livres pour ce jour, en observant de faire tirer des quittances de ces sommes pour n'être point la dupe des intermédiaires, ce qui n'arrivait que trop souvent en semblable occasion. Le public ne se lassait point de donner à M. le Dauphin et à Mme la Dauphine, son épouse charmante, les témoignages les moins équivoques du plaisir et de la joie qu'il ressentait toutes les fois qu'il avait le bonheur de les voir.

19 septembre. [Voyage du sieur d'Hémery à Hambourg pour y arrêter deux particuliers qui avaient trahi les secrets du cabinet relativement aux affaires étrangères.]

21 septembre. Ce jour, il se répand que M. le Cte d'Eu, fils du feu Cte de Toulouse, prince légitimé, venait de faire au Roi l'abandon de tous ses biens et apanages généralement quelconques dont la jouissance lui était néanmoins réservée pendant sa vie qui ne paraissait pas devoir être encore bien longue, attendu son âge et son état d'infirmité, et ce, moyennant le prix et somme de 10 millions suivant les uns et de 12 millions, suivant d'autres, qui seraient comptés lors de son décès au duc de Penthièvre, son neveu et son héritier naturel ; on disait que les vues du Roi étaient d'en former l'apanage de M. le Cte d'Artois.

22 septembre. Ce jour, on apprend que l'hôtel des Ambas. sadeurs extraordinaires, autrement dit l'hôtel d'Evreux, sis faubourg St Honoré, lequel avait appartenu à la feu marquise de Pompadour qui l'avait a légué au Roi par testament, venait d'être acheté 600.000 livres par le sieur de Beaujon, l'un des banquiers de la Cour qui n'était, disait-on, dans cette affaire que le prête nom de Mme la Ctesse du Barry. On assurait qu'on avait pris le parti de supprimer pour toujours l'hôtel des Ambas

sadeurs extraordinaires, qui ne servait presque jamais et dont on n'avait point fait usage depuis que le dernier ambassadeur Turc l'avait occupé en 1742.

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25 septembre. Ce jour, on apprend que M. le Cte de Broglie qui d'abord avait été nommé par le Roi pour aller, au pont de Beauvoisin, recevoir la princesse de Savoie, future épouse de M. le Cte d'Artois, venait d'être exilé dans la terre de Ruffec en Angoumois, pour avoir insisté trop fortement par lettre vis-à-vis du duc d'Aiguillon, ministre des Affaires Etrangères, qui lui avait refusé au nom de S. M. la permission d'aller en même temps pour y faire sa cour au nouveau roi de Sardaigne, et que ce seigneur était remplacé dans cette mission par lè marquis de Brancas. Le maréchal de Broglie était arrivé à Paris, de ses terres, le même jour que le Cte son frère en était parti pour se rendre à son exil.

29 septembre. Ce jour, on vendait à Paris, le pain de 4 ivres, 12 sous 6 deniers; on annonçait que bientôt on le ferait payer 13 sous et qu'il n'en resterait pas là, ce qui faisait beaucoup murmurer le petit peuple. Des personnes qui ne pouvaient être que mal intentionnées répandaient qu'il pouvait bien monter jusqu'à 5 sous la livre. Quel malheur pour la capitale si cette augmentation avait lieu dans les circonstances fâcheuses où l'on se trouvait !

5 octobre. Dans la nuit de ce jour au lendemain mercredi 6, Mme la duchesse de Chartres (Louise-Marie-Adélaïde de Bourbon, fille du duc de Penthièvre, prince du sang), accouche très heureusement au Palais-Royal d'un prince (1) auquel le Roi donne le nom de duc de Valois, et non celui de duc de Montpensier, que M. le duc de Chartres avait porté dans son enfance, parce que la maison d'Orléans s'éloignait de plus en plus de la couronne, et que M. le duc de Chartres ne devait probablement pas espérer de succéder aux mêmes titres, honneurs et prérogaties de M. le Duc d'Orléans, premier prince du sang, son père, attendu l'existence du Cte de Provence et du Cte d'Artois, frères de M. le Dauphin. La joie était des plus grandes dans toute cette maison et l'on disait que lorsque

(1) Louis-Philippe II d'Orléans,d'abord duc de Valois et de Chartres, puis roi des Français le 9 août 1830 sous le nom de Louis-Philippe Ier, mort à Claremont (Angleterre), le 26 août 1850.

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