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Chancelier de France envers la Nation. A l'avant-derniere page on litait ces mots : De la commission rogale et nationale, le 11 juin 1772. Ici seront placées les signatures de diz-hunt millions de Français. L'approbation royale de la sentence projetée était terminée par ces mots: Ecrit dans notre cœur rogal le 13 juin 1772, signé : Louis le Bien-Aimé. On prétendait que ce nouvel écrit était destiné à être mis dans les mains de M. le Dauphin qui avait paru faire lui-même, en lisant la Gazette de France, l'application de la sentence du C* de Struensée.

8 juillet. Ce jour, sur le soir, M. le lieutenant de police et le Prévôt des Marchands (de La Michodière), s'étant rendus tous deux au Cours-la-Reine, pour se trouver au passage du Roi qui, revenant de Choisy, devait traverser la rivière aux Invalides sur le bac pour aller ensuite souper et coucher au château de la Muette, d'où il devait partir le lendemain matin pour Compiègne S. M. d'un air affable, prend par la main M. de Sartine, le sépare d'avec le Prévôt des Marchands et cause avec lui pendant un certain espace de temps, d'un air qui annonçait beaucoup de bienveillance. Le public est fort satisfait de la confiance que le Roi paraissait avoir en ce magistrat qui s'en montrait si digne dans toutes les circonstances.

19 juillet. Ce jour, il se répand que sur ce que l'ambassadeur du roi d'Espagne en Cour de Rome avait été chargé par son maître de faire auprès du Pape Clément XIV les plus vives instances pour la dissolution totale de l'Institut des Jésuites, et sur ce que S. S. avait fait réponse qu'Elle était barrée à cet égard dans ses opérations par le ministère de France, S. M. le Roi Catholique prenait le parti d'envoyer en France un autre ambassadeur à la place du Cte de Fuentès qui avait fini son temps, et que cet ambassadeur serait chargé de faire connaître au Roi Très Chrétien d'une manière claire et précise ses véritables intentions sur ce point important.

23 juillet. On apprend qu'il y avait eu dans le château de Bicêtre une espèce de révolte qu'on n'avait pu apaiser qu'en faisant venir main forte de Paris; on disait qu'heureusement il n'y avait eu dans cette révolte qu'une seule personne de tuée et une autre de blessée.

27 juillet. Ce jour, vers 5 heures du soir, le tonnerre tombe sur le clocher de l'église paroissiale de St-Jean-en-Grève,

il n'y cause d'autre dégât que celui de faire tomber quelques ardoises de la couverture et de casser la patte du mouton étant à côté de la figure de St-Jean, représenté en pierre.

2 août.

Dans la nuit de ce jour au lendemain lundi 3 août, Louise-Marie-Bathilde d'Orléans, duchesse de Bourbon, accouche au château de Chantilly d'un prince, auquel le Roi donne le nom de duc d'Enghien (1). Cet événement cause la plus grande joie dans les deux maisons d'Orléans et de Condé, ainsi qu'au plus grand nombre des citoyens qui voyaient avec satisfaction les rejetons de princes devenus chers à la Nation par leur conduite ferme et généreuse, relativement aux circonstances actuelles.

5 août. Le sieur de Goezman, Conseiller de Grand'Chambre, ayant terminé aux Chambres assemblées du nouveau Parlement le rapport de l'information dans l'affaire des écrits antichanceliers, qu'il avait commencé le lundi précédent, il est décerné décret de prise de corps contre tous les prisonniers qui se trouvaient pour lors à la Bastille, à l'exception de deux seulcment. A en juger par les apparences cette affaire prenait une tournure assez sérieuse.

6 août. Ce jour, on juge en la Grand'Chambre du nouveau Parlement le procès qui y était depuis plus de trois mois, entre le sieur marquis de Bombelles et la demoiselle Camp, de la religion prétendue réformée, qu'il avait soi-disant épousée en premières noces. Le mariage est déclaré nul sur les conclusions de M. l'avocat général de Vaucresson; il est adjugé à la demoiselle Camp une somme de 12.000 livres, et à l'enfant qu'elle avait cu dudit sieur marquis de Bombelles, une pension de la somme de 600 livres, de laquelle il devait être fait fonds, cette enfant devant être mise dans un couvent pour y être élevée dans la religion catholique, apostolique et romaine.

Le procès pendant entre le duc de Pecquigny, fils de feu duc de Chaulnes et la duchesse douairière de Chaulnes, relativement à la substitution faite par ledit feu duc son père, avait été aussi jugé deux jours auparavant en la même chambre au désavantage du duc de Pecquigny qui se trouvait, disait-on, réduit par ce moyen à 10.000 livres de rente, somme bien modique

(1) Fusillé dans los fossés du fort de Vincennes, le 21 mars 1801. MES LOISIRS. TOME I.

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pour satisfaire les fantaisies de ce jeune seigneur qui en avait de très bizarres.

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13 août. L'avocat Linguet, plaidant une cause en la Chambre de Tournelle du nouveau Parlement, ménage fort peu MM. les Inamovibles et ose se plaindre amèrement, quoique à mots à demi-couverts, de la perte des différents procès, dans lesquels il avait fait le personnage de défenseur, savoir ceux de Mme d'Olonne, de M. le Cte de Morangiès et de Mme de Bombelles. I ose même attaquer le ministère public d'une telle manière que Me de Vergès, avocat général, qui était présent, s'en trouve offensé au point de prendre sur le champ des conclusions contre le dit Me Linguet. La Cour, délibérant sur les conclusions, ordonne qu'il serait remis au lendemain à statuer sur icelles. Quelques personnes faisaient courir le bruit que le Coryphée et l'ornement du Palais Moderne pourrait bien être décrété de prise de corps.

25 août. Dans la nuit de ce jour au mercredi suivant, le R. P. Mirasson, religieux barnabite, est arrêté dans son couvent au clocher où il s'était réfugié, après perquisition faite de sa personne dans tous les lieux réguliers, dans sa chambre et sous le maître-autel de l'église, et conduit à la Bastille comme soupçonné d'avoir part à la distribution des écrits antichanceliers et comme dénoncé, disait-on, par l'avocat Prudhomme, son ami, lequel avait été arrêté le 21 juillet précédent. Le commissaire de Rochebrune avait reçu les ordres pour cet enlèvement dès le samedi précédent, mais n'avait pu les mettre à exécution à cause de l'absence de ce religieux qui avait passé les fêtes à Fontenay-aux-Roses. Ainsi l'on continuait de tourmenter et de vexer des citoyens de tout état pour des écrits dont personne ne croyait qu'il fût possible d'arrêter le cours. Depuis environ trois semaines, le R. P. Livoy, aussi religieux barnabite, avait été contraint de quitter la maison de Paris pour se retirer à Etampes, M. l'archevêque ayant signifié au P. de Lagarde, supérieur, qu'il interdirait tous ses religieux si ce père restait dans son diocèse, sur quoi il est bon d'observer qu'il était déjà interdit par ce prélat depuis plusieurs années, ainsi que le P. Mirasson, qu'on disait être âgé de 70 ans au moins. La perquisition dans le couvent des Barnabites avait duré jusqu'à près de minuit, depuis 9 heures et demie du soir que le commissaire avait fondu dans la maison, accompagné de 12 personnes au

moins, fort peu de temps après que le P. Mirasson y avait été rentré.

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6 septembre. Dans la nuit de ce jour au lendemain lundi 7 septembre, on essuie à Paris et aux environs un orage très considérable, accompagné de pluie et de grand vent, le tonnerre tombe à 1 heure du matin sur le clocher de l'église du village de Boulogne, où l'on sonnait les cloches. Les 4 sonneurs tombent évanouis du clocher sur la route de la hauteur de 12 pieds ou environ. Un de ces sonneurs meurt le surlendemain du saisissement. Le tonnerre, après avoir dépouillé en partie la flèche de sa couverture et fendu une grosse poutre dans le clocher, descend dans l'église le long de la chaîne qui soutient le Christ de la grille du chœur, puis se promène dans les deux chapelles colla térales où il gâte de la dorure en différents endroits, noircit les deux tableaux du fond des autels qui avaient été posés la veille, enlève un assez gros morceau de pierre d'un des piliers montant de la grille du chœur, qu'il porte sur les marches du maître-autel dont il brunit aussi le tableau, noircit également la dorure de cet autel qui venait d être réparé à neuf en différents endroits, enlève un morceau de bois du rétable et sort ensuite par un trou qu'il fait dans la muraille et qu'on eût dit avoir été percé avec une vrille. Il avait encore endommagé plusieurs toises de la couverture du chevet de l'église qui avait été achevé la veille. On évaluait le dégât fait dans cette église à la somme de 1.200 livres. L'ouragan se fait sentir violemment à Paris, dans la place de Louis XV où il renverse plusieurs boutiques des marchands de la foire St-Ovide, avec perte assez considérable pour ces marchands. Dans le jardin des Tuileries, il déracine quelques gros arbres, culbute, brise et disperse un monceau de chaises qui étaient rangées en pyramide près de la grande allée et dont quelques-unes tombent même dans le grand bassin. Il y avait encore eu dans la nuit du samedi au dimanche précédent un autre orage assez considérable.

10 septembre. Ce jour se fait en l'abbaye royale des Chanoines réguliers de la Congrégation de France, dite de SteGeneviève, l'ouverture du Chapitre général, qui s'y tient ordinairement tous les trois ans, pour procéder au choix d'un abbé, supérieur général de la dite congrégation. On y voit comme en 1769 des commissaires du Roi: l'archevêque d'Arles (de Jumilhac) et l'évêque de Rhodez (Champion de Cicé) y assistent

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en cette qualité. Il n'était plus question comme par le passé d'élire 1 abbé des le premier jour et de procéder ensuite aux autres opérations concernant les affaires de la Congrégation. On remettait l'élection de l'abbé pour la dernière des séances auxquelles devaient présider les commissaires du Roi. Il était facile de voir par cet arrangement qu'on cherchait à enlever la liberté a tous les corps et qu'on voulait déroger en tout aux anciens usages. 16 septembre. On commence en la maison du Noviciat des ci-devant soi-disant Jésuites, rue Pot-de-Fer, faubourg StGermain, une vente de différents effets qui avaient appartenu aux RR. PP. Cette vente, qui devait durer les jours suivants, se faisait au profit des créanciers de la Société et ce, en vertu d'arrêt de nos Seigneurs du nouveau Parlement, ainsi qu'on le voyait affiché dans tous les quartiers de Paris. Une partie de ces effets était venue de province, entre autres un magnifique tableau original du Tintoret, venu de Lyon, représentant J.-C. au jardin des Olives. On assurait que la ville de Paris avait fait l'acquisition moyennant la somme de 400.000 livres de tous les bâtiments de cette maison pour y placer le séminaire de St-Sulpice, afin qu'on pût démolir ensuite l'ancien bâtiment de ce Séminaire pour former une grande place en face de l'église paroissiale de St-Sulpice, ce qu'on prétendait devoir bientôt s'exécuter.

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22 septembre. Ce jour, à 3 heures après midi, le roi arrive du village de St-Ouen (où S. M. avait soupé la veille chez le prince de Soubise), avec 28 tant des seigneurs que des dames de la Cour, parmi lesquelles on avait remarqué la Ctesse du Barry, la Ctesse de Talmont, la duchesse de Mazarin, la duchesse de Mirepoix et la duchesse d'Aiguillon, à la tente qui lui avait été préparée près du nouveau pont de Neuilly-sur-Seine, pour en voir le décintrement qui s'opère en un clin d'œil aussitôt l'arrivée de S. M., non sans un grand bruit, beaucoup de poussière et une aspersion d'eau assez considérable dans tous les environs. Le Roi demeure une petite demi-heure à faire l'examen de tous les travaux, pendant lequel temps il fait beaucoup de questions au sieur Peronnet, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées. Le Roi avait dans son carrosse quatre dames et quatre seigneurs. La Ctesse du Barry était arrivée dans un carrosse séparé en même temps que le Roi, ainsi que le Chancelier de Meaupeou et l'abbé Terray, contrôleur général, mais on n'y voit aucun prince, ni princesse de la famille royale, attendu,

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