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eût été substitué cette année aux nouveaux administrateurs de l'Hôtel-Dieu qui n'avaient pas apparemment jugé à propos de s'en charger, mais qui s'étaient contentés d'une somme fixée que le dit entrepreneur s'était engagé de payer au dit hôpital. Comme il ne se tenait plus de boucherie pour le public à l'HôtelDieu même où l'on se bornait à préparer la viande pour la seule consommation intérieure de la maison, on avait établi une nouvelle boucherie pour tenir lieu de celle-là, rue et montagne Ste-Geneviève, maison des sieurs Couard, bouchers. On avait aussi désigné des rôtisseurs et autres endroits dans les différents quartiers de Paris, pour la distribution de la volaille et du gibier. Il avait été établi des inspecteurs dans chaque boucherie et le prix de la viande se trouvait porté à 8 sols 6 deniers, au lieu de 8 sols 3 deniers, qu'elle s'était vendue l'année précédente; mais le public n'en était pas mieux servi pour cela.

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5 mars. Le R. P. Prieur des religieux Bénédictins de l'abbaye royale de St-Germain des Prés prend possession de cette abbaye avec les cérémonies et en la manière accoutumée au nom et, comme fondé de la procuration de la nouvelle Eminence M. le cardinal de La Roche-Aymon, archevêque duc de Reims et grand aumônier de France, qu'on disait devoir officier pontificalement dans l'église de la même abbaye, le samedi 21 du même mois, jour de la fête de saint Benoît.

9 mars. Ce jour, à 8 heures du soir, le corps de messire Armand-Jérôme Bignon, chevalier seigneur et patron de la Meaufle, Semilly, Lillebelle et autres lieux, commandeur, prévôt, maître des cérémonies des ordres du Roi, conseiller d'Etat ordinaire depuis 1762, bibliothécaire de S. M., l'un des quarante de l'Académie Française et honoraire de celle des Inscriptions et Belles-Lettres, prévôt des marchands depuis 1764, décédé le samedi précédent après environ 8 jours de maladie, âgé de 61 ans, dans les bâtiments de la bibliothèque du Roi, rue Neuve-des-Petits-Champs, est présenté à l'église St-Eustache, sa paroisse, avec le cortège et les cérémonies accoutumées, puis transporté ensuite en l'église de St-Nicolas du Chardonnet, où il est déposé dans le caveau d'une chapelle étant à main droite du chœur, lieu ordinaire de la sépulture de sa famille. Le second vicaire de St-Eustache fait ce transport, le premier vicaire venant de mourir et le curé se trouvant trop

fatigué du service solennel célébré le même jour dans la même paroisse avec la plus grande pompe, pour le repos de l'âme du feu sieur Mesnard, commandeur, procureur général des ordres royaux et militaires de St-Lazare de Jérusalem et hospitalier de N.-D. du Mont-Carmel, décédé aussi depuis peu, service auquel avait assisté presque toute la musique de l'Opéra et qui s'était fait aux frais des dits ordres. Le cortège du transport qui se fait en voiture n'était composé que d'environ 50 pauvres portant des flambeaux, à peu près autant de valets de pied portant aussi des flambeaux, d'un détachement des compagnies des gardes de la ville, et de plusieurs carrosses occupés tant par les personnes de la famille que par les différents membres du corps de ville. Comme il devait finir sa quatrième prévôté au mois d'août suivant, le Roi lui avait déjà désigné pour successeur M. de La Michodière, nommé conseiller d'Etat en 1768, quoique M. Ogier, nommé conseiller d'Etat en 1766 eût eu précédemment le bon et l'agrément de S. M. pour cette place.

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12 mars. Ce jour, il se répand un bruit dans le public que la veille, l'affaire de M. le duc d'Orléans, premier prince du sang, concernant la diminution sur les revenus de ses apanages arrêtée par le contrôleur Terray, avait été jugée au Conseil du Roi, à l'avantage de ce prince, et que S. M. avait consenti qu'il demeurât dans son premier état, continuant toujours à jouir des mêmes droits et prérogatives.

Ce même jour, vers 4 heures du soir, en vertu d'un arrêt rendu en la Chambre des Tournelles du nouveau Parlement le lundi précédent 9 du même mois, sur les conclusions du Procureur général du Roi, appelant à minima de la sentence du Châtelet par laquelle avait été dit qu'avant de faire droit définitivement sur les plaintes et accusations intentées contre le nommé Jacques Harivel, compagnon plombier, il serait appliqué à la question ordinaire et extraordinaire, les preuves demeurantes en leur entier, ledit Jacques Harivel est conduit des prisons de la Conciergerie du Palais en place de Grève devant y être pendu et étranglé, tant que mort s'ensuivit, pour les cas résultants du procès, disait l'arrêt à la tête duquel on s'était contenté d'insérer, sans doute pour satisfaire le public, que c'était pour vols de deniers comptants avec effraction. Ce particulier, arrivé à la Grève demande à monter à l'Hôtel de Ville et y

demeure fort longtemps, car, à 10 heures du soir il envoya chercher à Bicêtre un particulier: Me Regnault, huissier du Parlement, est chargé de cette commission. Il fait plusieurs déclarations qu'il désavoue ensuite en disant que ce qu'il en avait fait n'avait été que pour prolonger sa vie de quelques heures. Il n'est exécuté qu'à 11 heures trois quarts après avoir fait, au moins selon toutes les apparences, l'aveu sincère de son crime.

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13 mars. Entre 9 et 10 heures du matin, Me Louis-Alexis Delahaye, prêtre du diocèse de Paris, chapelain de la SteChapelle, sacristain et clerc des convois de l'église paroissiale et archipresbytérale de St-Séverin, âgé de 36 ans, lequel demeurait dans le bâtiment de la communauté des prêtres de cette paroisse, voulant jeter par une fenêtre de l'escalier au premier étage, donnant sur la cour, une grosse bûche pour qu'on la lui fendît en morceaux, apercevant un enfant de chœur qui traversait au moment même qu'il lançait cette bûche et voulant faire un effort pour la jeter un peu plus loin de peur qu'elle n'atteignît cet enfant, tombe lui-même avec la bûche et se fracasse la tête de manière qu'il demeure sans connaissance sur le pavé et que, reporté dans sa chambre, il y meurt environ 3 heures après cette chute. On assurait lui avoir entendu dire en tombant ces paroles: « Je suis mort, mon Dieu, ayez pitié de moi ! » Il est inhumé le lendemain à midi, sous les charniers de la susdite paroisse, dans le lieu ordinaire et accoutumé de la sépulture des prêtres. On regrettait cet ecclésiastique qui était doux, charitable et qui avait des mœurs.

15 mars. Ce jour, dans la matinée, le sieur d'Hemery, ancien inspecteur de police, qui continuait d'être chargé de toutes les expéditions secrètes et importantes, arrête le maître clerc de Me Danjon, l'un des procureurs au Parlement supprimés et au nombre de ceux qui n'avaient repris aucune espèce de service, demeurant rue Pavée St-André des Arts, à l'Hôtel des Consignations, sans qu'on sût dans quelle prison il avait été conduit. On disait que c'était pour avoir tenu publiquement des propos peu mesurés et pour avoir eu l'imprudence de lire dans quelque coin du Palais les ouvrages nouveaux contre M. le Chancelier, dans une compagnie d'un certain nombre de personnes parmi lesquelles il s'était trouvé quelque indiscret. On assurait une quinzaine de jours après qu'il était sorti de

prison (1), sur les représentations que le sieur Daujon avait faites à M. le lieutenant de police.

16 mars. Ce jour, entre midi et une heure, en vertu du jugement rendu au Conseil de guerre, un soldat du régiment des Gardes françaises, qu'on disait être de bonne famille et coupable de différents crimes, est, par une faveur spéciale, fusillé au lieu dit le Champ des Capucins. Il est conduit à pied des prisons de l'abbaye St-Germain des Prés, un aumônier marchant à ses côtés, les bras attachés avec une espèce de corde connue sous le nom de mèche, nouée par derrière le dos, au milieu d'un détachement de grenadiers du régiment, baïonnette au bout du fusil et des gardes de la Connétablie par les rues Ste-Marguerite, des Boucheries, des Fossés-M.-le-Prince, des Francs-Bourgeois, d'Enfer et de la Bourbe jusqu'au Champ des Capucins, où s'étaient rendus d'avance tous les officiers à la tête de leurs compagnies. Lecture faite du jugement du conseil de guerre, on lui bande les yeux et l'exécution se fait en la manière accoutumée, au bruit des tambours et autres instruments du régiment, après quoi toutes les compagnies défilent autour de lui; son corps est mis à l'instant dans un cercueil qui se trouve préparé sur la place et porté peu de temps après au cimetière de la paroisse de St-Hippolyte, faubourg St-Marcel, où il est inhumé.

21 mars. Ce jour, S. E. le cardinal de La Roche Aymon, archevêque duc de Reims, grand aumônier de France, et tout nouvellement en possession de l'abbaye royale de St-Germain des Prés, officie pontificalement dans l'église de cette abbaye à la grand'messe et aux vêpres qui se chantent le matin, comme il se pratique en carême les jours de jeûne, et ce, à cause de la fête de saint Benoît. Il dîne au réfectoire avec le coadjuteur de l'archevêque de Reims, son neveu, le P. Général des Bénédictins de la Congrégation de St-Maur et plusieurs autres religieux de l'abbaye.

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23 mars. Ce jour, la procession du chapitre de l'église de Paris qui a coutume de se faire toutes les années, le 22 mars, en mémoire de la réduction de la ville de Paris, sous l'obéis

(1) Claude-Philibert Lombard ne sortit de prison que le 14 septembre 1772. (F. Funck-Brentano, 4912).

sance de Henri IV, se rend à l'église du couvent des GrandsAugustins en la manière et avec les cérémonies usitées. On y voit à la tête du Corps de ville et pour la première fois, le sieur de La Michodière, conseiller d'Etat, lequel avait été élu le mardi précédent, 17, du même mois dans l'assemblée générale uu Bureau de la ville, prévôt des marchands, aux lieu et place de feu sieur Bignon. La nouvelle Cour de Parlement en robés rouges et la Chambre s'y étaient rendues d'avance et séparé. ment, mais non la Cour des Aides qui se trouvait supprimée. Le maréchal duc de Brissac, pair de France, tout nouvellement reçu gouverneur de Paris, s'y trouve aussi, comme le font ordinairement tous les gouverneurs la première fois seulement. Il s'y donne en spectacle en venant à pied du Palais par la rue St-Louis, le pont St-Michel, la rue de Hurepoix et le quai, précédé de son plus brillant cortège, composé de suisses, de gardes, de pages, de valets de pied et d'écuyers, à la tête des illustres membres du Parlement actuel, ayant à sa droite le président de Nicolaï et à sa gauche le président de La Briffe. On remarque que tous ces messieurs avaient un air assez assuré et paraissaient fort contents de leur inamovibilité prétendue. On remarque aussi que le sieur Gin, l'un des ci-devant avocats, avait repris ses cheveux et déposé la perruque carrée de 10 livres de cheveux qui avait tant fait rire à ses dépens tous les lecteurs de la troisième suite de la Correspondance. La garde qui se trouvait sur le passage de la procession et des deux Cours était fort nombreuse comme en 1771, et triplée au moins, selon le dire de bien des gens, de ce qu'elle avait coutume d'être les années précédentes, avant que l'ordre naturel des choses eût été interverti. Les Chartreux donnent cette année le repas ordinaire qui n'avait pas eu lieu l'année dernière. Le Corps de ville y assiste, ainsi que le nouveau Gouverneur et le sieur Bertier, intendant de Paris, soi-disant premier président du Parlement. On assurait que la Chambre des Comptes n'avait point salué ls membres du Nouveau Parlement, ni en entrant, ni en sortant de l'église des Augustins et ce, de convention très expresse, faisant sans doute un des principaux articles des protestations qu'on disait qu'ils avaient faites le même jour contre leur assistance forcée à la procession.

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[28 mars. Ce jour, dans l'après-midi, tout le régiment des Gardes suisses s'étant rendu à Versailles et rangé sous les

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