Page images
PDF
EPUB

autant que par mon amour pour sa personne sacrée. Les sentiments que j'ai puisés dans l'éducation que j'ai reçue et dans les lectures que j'ai faites ne s'effaceront jamais de mon cœur. En vain, entreprendrait-on de me les faire abjurer, il serait aussi difficile d'y réussir qu'il pourrait l'être de parvenir à rendre blanc le plumage d'un corbeau. Quoique ma fortune soit des plus médiocres par les dispositions de la divine Providence, une perspective de cent mille écus de rente ne me ferait point abandonner le bien qui m'est propre, comme à beaucoup d'autres, celui qu'aucun voleur ne saurait ravir, je veux dire la possession de l'honneur et du véritable patriotisme. Je croirai toujours devoir penser sur les affaires présentes avec et comme les premières personnes de l'Etat, les princes du sang royal qui ont manifesté leurs sentiments d'une manière aussi authentique que respectueuse pour notre Auguste Maître, dans une protestation solennelle, à laquelle, non seulement tous les bons citoyens, mais même tous les fidèles sujets du Roi ne peuvent s'empêcher de rendre hommage, en y souscrivant de toute leur âme.

Ita sentiebat civis regi et patriæ addictissimus S. P. Hardy, syndico rei librariæ et typographiæ adjunctus, anno Domini 1771. 13 novembre. [Diminution du prix du pain sur les marchés.]

[ocr errors]

14 novembre. Ce jour, me trouvant au bureau de la librairie, chez M. de Sartine, conseiller d'Etat et lieutenant de police, je crois devoir demander à ce magistrat s'il n'avait point eu de nouvelles du sieur Duboc, conseiller au Châtelet pour la recherche duquel il avait eu la bonté de donner les ordres les plus précis. Il me répond d'un air pénétré : « Non, malheureusement, et quelque perquisition qu'on ait faite jusqu'à présent, on n'a encore rien pu découvrir ».

--

15 novembre. [Annonce d'un nouvel écrit. Chapître général de l'église de Paris; réclamation du sieur abbé d'Eu de Montdenoix, chanoine, contre la proposition du sieur Brémont, aussi chanoine.]

17 novembre. Ce jour, dans l'après-midi, le nouvel évêque de Béziers (de Nicolaï) fait chez les religieuses de la Visitation Ste-Marie du faubourg St-Jacques, la cérémonie singulière et inusitée de bénir les nouveaux parloirs et la nouvelle sacristie que ces religieuses venaient de faire construire depuis peu. Le Premier Président de la Chambre des Comptes, père de cet évêque, et plusieurs autres personnes de sa famille, l'accom

pagnent et assistent à cette cérémonie qui devenait l'objet des railleries et de la critique de bien des gens, ce qui n'était pas surprenant, attendu qu'on n'avait peut-être jamais vu pareille chose.

On est informé que l'un des jours précédents, il y avait eu dans les prisons de la Conciergerie du Palais une espèce de révolte. Les prisonniers qui y étaient en grand nombre et qu'on y laissait, disait-on, périr de faim et de misère, étant parvenus à faire un trou dans un mur par lequel il cherchaient à se sauver, et les guichetiers qui s'en étaient aperçus, ayant voulu s'y opposer, un de ces guichetiers avait été blessé de trois coups de couteau au-dessous du cœur, pourquoi il avait été porté à l'Hôtel-Dieu, et l'on avait fait tout ce qu'on avait pu pour que cet événement ne fît aucun bruit et ne se répandît point.

18 novembre. Une personne qui arrivait de Fontainebleau, d'où la Cour devait partir le lendemain pour retourner à Versailles, disait que le Chancelier, le duc d'Aiguillon, le contrôleur général (l'abbé Terray) et le sieur Bourgeois de Boynes, ministre de la marine étaient perpétuellement et réciproquement chacun sur leurs gardes, qu'ils ne faisaient que s'épier les uns les autres et chercher le moyen de se culbuter, tandis que le duc de La Vrillière, le sieur Bertin et le marquis de Monteynard, secrétaire d'Etat au département de la guerre, étaient mis, pour ainsi dire, à l'écart et regardés par les susnommés qui gouvernaient seuls comme gens sans conséquence.

22 novembre. Ce jour, Messire Jean-Jacques Poupart, prêtre, ex-oratorien, curé par résignation de la paroisse de SaintMartin, cloître et faubourg St-Marcel, depuis 1760, lequel avait été pourvu également par résignation en cour de Rome de celle de St-Eustache, avant le décès du sieur Secousse, doyen des curés de Paris, qui en était titulaire, arrivé le 25 avril précédent, et qui ne s'était point mis en règle par rapport à la sus dite résignation, sur le refus de visa de M. l'archevêque de Paris, par ménagement pour ce prélat, prend enfin possession de cette cure avec les cérémonies accoutumées, au grand contentement des paroissiens qui avaient toujours appréhendé de ne pas l'avoir pour curé, parce qu'ils ignoraient que M. l'archevêque, flatté de la conduite qu'avait tenue à son égard cet

ecclésiastique, s'était laissé prévenir par lui en cour de Rome, pour écarter les gradués qui avaient droit à ce bénéfice; qu'ensuite, il l'avait nommé lui-même, sans avoir égard à la prévention, pour éviter l'enregistrement des provisions au nouveau Parlement qui continuait toujours, disait-on, de suivre à cet égard la loi du visa établie par l'ancien; au moyen de quoi, le sieur Poupart, par un arrangement aussi surprenant que bizarre, se trouvait curé de St-Eustache à trois titres : 1o celui de résignation; 2o celui de prévention; 3o celui de nomination, événement digne de remarque et qu'on assurait avoir excité les murmures de tout le clergé du diocèse révolté de la conduite de Monsieur l'archevêque dans toute cette affaire; conduite qu'il regardait comme la plus grande de toutes les injustices par la manière dont il avait, pour ainsi dire, foulé aux pieds le droit si ancien des gradués, que les évêques s'étaient toujours fait un devoir de respecter. Les ecclésiastiques croyaient avoir d'autant plus de raison de se récrier contre une si singulière nomination, que le sieur abbé Poupart avait, selon eux et selon la façon de penser de M. l'archevêque lui-même, tout ce qui pouvait l'éloigner de ses faveurs, et de ses bonnes grâces, puisqu'il était ex-oratorien, et, qu'en outre, il avait été choisi par le défunt prédécesseur, comme celui de tous les curés de Paris qu'il avait jugé le plus propre à le remplacer, à cause de son caractère doux, pacifique, ennemi des troubles, qui faisait que tout le monde le regardait comme un homme incapable de se prêter en aucune manière aux vues du prélat, quand il serait question de tracasser qui que ce fût.

[merged small][ocr errors]

[La dame Morin voit à la Bastille la demoiselle, sa

25 novembre. Ce jour, se font, suivant l'usage ordinaire, en la Grand Chambre, au Palais, les harangues pour la rentrée du nouveau Parlement. Le Premier Président et les présidents y paraissent en fourrures avec leurs mortiers, comme le jour de la messe rouge, ce qu'ils n'avaient point encore fait depuis le 13 avril précédent, jour de leur installation. Un très grand nombre d'avocats assiste à cette rentrée; on y remarque surtout le fameux Gerbier, qu'on y voit donner la main à Mme la première présidente (Bertier) pour monter dans la Lanterne. Le discours que fait M. de Vergès, premier avocat général, a pour objet de distinguer le véritable honneur d'avec le faux

honneur et d'apprendre aux avocats à le discerner et à le bien connaître, en cherchant à leur persuader qu'il consistait à revenir du fol enthousiasme qui leur avait fait abandonner les devoirs de leur profession. Il leur adresse en finissant la parole en ces termes : « Avocats, le faux honneur vous avait éloignés du barreau, le véritable honneur vous y rappelle ». Le Premier Président, dans son discours, qu'il lit fort mal, et qui traitait des moyens de conserver la paix parmi les hommes, pour affermir les espérances des avocats et exciter en même temps leur cupidité, leur annonce que le Roi, plein de bonté, récompense leurs services en les élevant aux différentes places de magistrature. Je n'assiste point à ces harangues comme j'avais coutume de le faire depuis plus de dix ans, à cause de mon attachement à l'ancienne magistrature, sur la ruine de laquelle je gémissais avec tous les bons citoyens, comme n'étant autre que celle des lois même. La séance finie, les avocats soi-disant libres vont saluer M. le Premier Président et M. le Procureur général (Joly de Fleury, neveu). Les procureurs avocats y vont également, mais après eux. On avait peine à revenir de la défection presque générale de l'ordre des avocats, cet ordre autrefois si célèbre et si distingué, qui dans le moment présent se trouvait divisé en six différentes classes, savoir: 1o celle des procureurs avocats ou avocats serfs, 20 celle des avocats ès conseils du Roi, 3o celle des avocats ensermentés le jour de la messe rouge, 4° celle des avocats souscripteurs au greffe depuis le jour de la messe rouge jusqu'à celui des harangues inclusivement, 5o celle des avocats qui, par amour du bien public, avaient cru devoir ouvrir leur cabinet, se proposant néanmoins de ne signer aucune consultation et de ne communiquer en rien avec ceux des trois classes précédentes, 60 enfin, celle des avocats qui, assez généreux pour tout sacrifier plutôt que de perdre le véritable honneur, se tenaient dans la plus profonde retraite. Le nombre de ces derniers n'était, disait-on, que de cent, nombre qui avait assez de rapport avec celui des cent docteurs exclus de Sorbonne pour les affaires de la Constitution. Parmi eux se trouvait Me Travers, reçu avocat en 1736, qui, dans la matinée de ce même jour, était allé au greffe effacer son nom que quelqu'un y avait fait inscrire officieusement et sans sa participation, avait mis en marge son désaveu qu'il avait signé, démarche d'autant plus glorieuse de sa part, qu'il n'était pas, à beaucoup près,

favorisé des dons de la fortune, et qui devenait un terrible reproche pour tous ceux qui n'avaient pas eu, comme lui, la courageuse fermeté de faire à la patrie le sacrifice de leur intérêt. M. de Vergés donne le même jour chez lui un grand dîner aux avocats, mais 18 seulement y assistent, savoir: 6 de la classe des procureurs avocats, soi-disant libres et 6 avocats au conseil. On disait qu'après le repas on avait joué fort avant dans la nuit. 26 novembre. [Indisposition de l'archevêque de Paris.]

--

27 novembre. nouveau Parlement.]

28 novembre.

[Bruits de démission de plusieurs conseillers du

[ocr errors]

[Détails concernant les procureurs et les avocats relativement à leurs divisions. Le sicur Dumont (autrement le P. Viou) sort de la Bastille, ainsi que la demoiselle Amaulry, la demoisellǝ Babat et l'avocat Convers.]

29 novembre.

de la Bastille.]

30 novembre.

son.]

1er décembre.

[Les sieurs de Veugny, Verrier et Labrande sortent

[Divisions à l'Hôtel-Dieu. Projets contre cette mai

Ce jour, le sieur Antoine Hylaire, docteur de la Maison et Société de Sorbonne, curé de St-Nicolas du Chardonnet, ma paroisse depuis 1759, en annonçant au commencement la fête du patron de son église qui devait se célébrer le vendredi suivant, recommande à ses paroissiens la pratique de la charité, vertu caractéristique du saint évêque, et les exhorte à renoncer à la médisance qui semblait, disait-il, s'accréditer de jour en jour et qui, ajoutait-il, avait été portée si loin cette année dans cette capitale et dans tout ce royaume ; à cette démangeaison de parler mal de tout le monde, qui fait que l'on prête aux personnes les plus repectables des vues qu'elles n'eurent jamais, et qu'on leur impute des intentions mauvaises sur lesquelles elles n'ont pas le moindre reproche à faire. Quelques personnes, attendu la façon de penser très connue de ce curé, croient pouvoir attribuer cette sortie de sa part aux écrits polémiques que la conduite de M. le Chancelier envers toute la magistrature du royaume avait fait éclore en si grand nombre, et au murmure presque général et si bien fondé qu'elle avait excité, dont il cherchait à le venger, pour ainsi dire, en faisant en quelque sorte son apologie.

Le domestique de messire Pierre-François d'Aireaux, prêtre. docteur en théologie et principal, depuis plus de 30 ans, du

« PreviousContinue »