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liers par le domestique qu'il avait prié d'attendre à la porte, en lui disant qu'il allait chercher de l'argent, quoiqu'il eût le dessein de s'évader par une autre porte, joue le même personnage chez les frères Etienne, libraires, rue St-Jacques.

Quelques jours auparavant, pendant la nuit, on avait essayé de forcer les portes de la boutique du sieur Brocas, libraire, rue St-Jacques, dont on trouve le matin presque tous les verrous abattus, sans qu'on eût pu réussir à l'ouvrir en entier. On n'entendait parler que de vols ou de banqueroutes. Dans la seule communauté des libraires-imprimeurs, on en comptait déjà depuis quatre mois pour la somme de 1.700.000 francs, sans parler de celles auxquelles on avait encore lieu de s'attendre, ce qui ne s'était jamais vu depuis que cette communauté existait.

24 octobre. [Bruits d'une cabale formée à la Cour contre le Chancelier. La dame Morin voit à la Bastille la demoiselle sa fille.]

25 octobre.

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[Perception aux bureaux de la douane du droit de 60 livres par quintal sur les livres français ou latins venant de l'étranger.] [Extrait de la Gazette de France concernant la suppression totale du Parlement de Metz.]

28 octobre.

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29 octobre. Ce jour, toutes les perquisitions faites pour découvrir ce que pouvait être devenu le sieur Duboc, conseiller au Châtelet, depuis le mercredi précédent, jour de son départ précipité, se trouvant vaines et infructueuses, je crois devoir prendre le parti d'adresser à M. de Sartine, conseiller d'Etat et lieutenant général de police, la lettre suivante :

« Monsieur,

« Je ne connais point de consolation plus solide dans la « douleur dont je suis pénétré que celle de vous faire part de «mes vives inquiétudes sur le compte de M. Duboc, qui a perdu, « lundi 21 du courant, le procès qu'il avait contre Mme Micault. « Ce procès a été jugé au rapport de M. Gin, de la manière « la plus accablante et la plus désavantageuse pour lui. Il y a tout à craindre, Monsieur, des suites du désespoir dans « lequel peuvent l'avoir précipité ses malheurs. Il est disparu mercredi dernier de grand matin, sans qu'on puisse savoir ce qu'il est devenu, et toutes les perquisitions faites jusqu'à a ce jour pour y parvenir sont restées vaines. M. Duboc est ⚫ cousin germain de mon épouse; rien n'est plus naturel et

« plus juste en même temps que de s'intéresser au sort de ses « proches. La bonté de votre cœur, loin de me donner lieu « d'appréhender que vous puissiez blâmer ma sensibilité, me « répond d'avance, Monsieur, que vous voudrez bien ordonner « les informations nécessaires pour une découverte qui m'est « absolument impossible. Le reproche que j'aurais eu à me « faire à moi-même, de vous dérober un seul de ces moments « que vous ne cessez d'employer si utilement pour le bien « public m'a empêché de me présenter à votre audience. Si « vous aviez besoin de quelques éclaircissements qui dépen« dissent de moi dans ces circonstances, j'attends vos ordres, « Monsieur, pour m'y conformer avec la plus rigoureuse exac«titude.

« Je suis avec un profond respect, etc... ».

29 octobre. dans la Bastille.

30 octobre.

Les demoiselles Danjeau et Morin réunies ensemble

On met au marché le pain de 4 livres à 12 sols 6 deniers, au lieu de 13 sols qu'on le vendait depuis fort longtemps.

31 octobre. [Bruits concernant différents changements dans le ministère. Observations sur la signification faite au sieur Duboc, conseiller au Châtelet, de l'arrêt rendu contre lui au nouveau Parlement.]

1er novembre. ment de Bretagne.]

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[Nouvelle de la suppression et recréation du Parle

4 novembre. Comme je m'étais cru obligé de rendre compte à MM. Bazin et Chauvin, mes cousins et tous deux beauxfrères du sieur Duboc, conseiller au Châtelet, de la démarche que j'avais imaginé devoir faire auprès de M. le lieutenant de police pour parvenir à découvrir, s'il était possible, le lieu de sa retraite, nous nous rendons ensemble chez ce magistrat, vers 11 heures du matin, accompagnés de Me Boischevalier, procureur au Châtelet, pour lui remettre un petit mémoire. Je le supplie d'agréer mes remerciements de l'attention qu'il avait bien voulu donner à ma lettre. Il donne en notre présence au nommé Troussey, inspecteur de police pour le quartier de StAvoye, demeurant rue de Bourbon à la Ville-Neuve, près de la Boucherie, déjà chargé du soin de la découverte, les ordres les plus précis de faire l'impossible pour trouver le sieur Duboc, et nous promet de nous instruire de ce qui serait découvert

nous disant que nous avions à faire à un homme actif et intelligent. Ce sieur Troussey emmène chez lui les sieurs Bazin et Chauvin pour prendre d'eux tous les renseignements dont il pourrait avoir besoin.

4 novembre. Suppression totale du Parlement des Dombes. Suppression et création nouvelle du Conseil Souverain de Colmar.] 5 novembre.

[La dame Morin va à l'audience de M. de Sartine.]

6 novembre. Ce jour, Son Excellence le prince évêque et palatin de Wilna, capitale de la province de Lithuanie en Pologne, nommé Massalouski, âgé de 42 ans et proche parent du roi régnant (Stanislas-Auguste Poniatowski II), lequel avait été obligé de quitter ce royaume à cause des troubles qui l'agitaient, ayant pensé y être enlevé par le parti opposé au Roi, arrive à Paris incognito, et sous le nom emprunté d'un comte polonais, ayant jugé à propos de s'y réfugier et d'y demeurer jusqu'à l'entière cessation des troubles de son pays, avec son neveu âgé d'environ 12 ans, seul et unique rejeton de sa famille. Il occupe chez les religieux Prémontrés de la rue Hautefeuille l'appartement du général de l'ordre, en attendant que celui de la princesse de Ligne, au palais du Luxembourg, qu'il devait prendre à loyer, moyennant la somme de 3.000 livres, eût été préparé. Ce prélat, haut et puissant seigneur en Pologne, puisqu'il y jouissait, disait-on, de plus de 800.000 livres de rente, se proposait de restreindre à Paris sa dépense à une simple somme de 30.000 livres, parce que ses revenus se trouvaient en partie exposés au gaspillage. Il trouva chez les Prémontrés le sieur abbé Baudeau, ci-devant chanoine régulier de Chancelade, en Périgord, sécularisé par le pape, son protégé, son conseil, on pouvait même dire son ami, auquel il avait fait avoir une prévôté mitrée en Pologne que cet abbé avait échangée depuis contre des terres qui devaient lui produire, à Paris, 8.000 livres de rente, conservant néanmoins les marques distinctives de cette dignité, savoir: l'anneau abbatial, le cordon au chapeau et la croix d'or attachée à un ruban rouge. Cet abbé Baudeau, âgé d'environ 42 ans, homme de beaucoup d'esprit et des plus intrigants, était auteur d'un grand nombre d'ouvrages de politique, les uns contre la société des ci-devant soi-disant Jésuites, les autres en faveur du trop fatal système de l'exportation des grains qui avait produit cette cherté du pain, dont on gémissait depuis longtemps, ce qui avait donné

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lieu à un magistrat respectable de l'ancien Parlement de s'expliquer sur le compte de cet ecclésiastique qu'on pouvait regarder comme une espèce de chevalier d'industrie.

7 novembre. Ce jour, il se tient chez Me Delagoutte, avocat au Parlement, demeurant rue de Condé, une assemblée de 70 avocats à laquelle Me Lambon, bâtonnier, avait refusé de se trouver comme à toutes les autres, tendant à aviser au parti à prendre dans les circonstances de la rentrée du nouveau Parlement, à l'occasion de laquelle le Chancelier faisait sans doute faire auprès d'eux des tentatives sourdes et secrètes pour les gagner. Le résultat de cette assemblée est d'en députer 4, savoir: Mes Delagoutte, Colombeau, de Laborde et Caillard, lesquels partent le lendemain matin pour se rendre à Fontainebleau, dans le dessein de conférer avec le Chancelier sur le sort qui leur serait fait en se soumettant à rentrer. Il paraissait, à en croire le bruit public, qu'un très grand nombre d'avocats, les uns par ambition et d'autres par besoin, étaient enfin déterminés à sacrifier les intérêts de leur patrie à leurs intérêts personnels en ne persistant plus à refuser leur ministère, qui, de libre, allait devenir forcé au milieu du renversement de la magistrature et des lois. On assurait que Mes Thévenot, d'Essoles et Caillard étaient à la tête de l'intrigue qui avait amenée les choses à ce point, et qu'ils avaient même menacé leurs confrères d'une déclaration des plus foudroyante contre tous ceux qui refuseraient de se rendre à leurs sollicitations.

Le même jour, Me Leblanc, avocat, ex-jésuite, apporte à son confrère Thirion, autre avocat de même trempe que lui, qui était pour lors en Champagne, une lettre qu'il remet aux voisins, non cachetée, étant dans doute bien aise que l'on pût voir ce qu'elle contenait. Par cette lettre, il lui annonçait que les esprits se rapprochaient et qu'il espérait qu'il s'unirait à eux. En voyant une portion considérable de l'ordre des avocats se conduire de cette manière, on ne pouvait s'empêcher de penser, qu'il ne serait pas surprenant de voir par la suite les Français succomber sous le poids des chaînes les plus pesantes, puisque tant de personnes s'oubliaient au point de travailler à forger leurs fers.

Je ne dois pas passer ici sous silence le trait remarquable d'un médecin de la faculté de Paris qui a rapport à la situation critique dans laquelle se trouvaient les avocats depuis plus

d'un an, situation qui en avait réduit plusieurs à l'état de la plus affreuse indigence.

Ce médecin, nommé Lorry, en réputation par sa science et par sa probité, avait soigné dans une maladie de langueur le nommé Loyseau de Mauléon, ancien avocat au Parlement, son ami, lequel avait ordonné en mourant qu'on lui remît pour ses soins un honoraire de cent louis d'or. Ce généreux disciple d'Hippocrate venait non seulement de refuser constamment d'accepter cette somme, mais avait même indiqué à la famille l'emploi qu'il l'a priait de vouloir bien en faire, et cet emploi était de l'appliquer au soulagement des pauvres avocats qui pouvaient se trouver dans le besoin, ce qui avait été agréé et exécuté à sa sollicitation.

8 novembre.

[Liquidation des offices de plusieurs membres de l'ancien Parlement de Paris, annoncées dans la Gazette de France. Extrait de celle de Leyde.]

9 novembre. Ce jour, dans la matinée, on arrête dans un cabaret, au Gros Caillou, 26 filles de joie et deux hommes, qui y étaient allés souper la veille, avaient passé toute la nuit à se divertir et y faisaient du tapage. On voit passer toute cette belle compagnie sur le Pont-Neuf, environnée d'archers, et l'on remarque parmi une jeune fille de 12 ans, que sa mère conduisait par la main. On les conduit, partie dans la prison de St-Martin et partie dans celle du Grand-Châtelet.

Mme la Ctesse de Provence, qui venait d'avoir la petite vérole à Fontainebleau, arrive vers les 6 heures du soir au château de la Muette, que le Roi avait fait préparer pour elle, sur ce que les médecins avaient dit qu'il fallait lui faire changer d'air. Elle devait, disait-on, y demeurer jusqu'à la fin de l'année.

11 novembre. [Nouvelles de la suppression et création nouvelle du Parlement de Dijon.]

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12 novembre. Très incertain sur la tournure que pourront prendre par la suite les affaires actuelles de toute la magistrature du royaume, je consigne ici une espèce de profession de foi politique relative à ces affaires, quelle que doive en être l'issue. C'est la mienne et je crois pouvoir me flatter que c'est en même temps celle de tout bon Français.

Quoique je ne me sois jamais regardé que comme un atôme dans la société, j'ai toujours pu me flatter de mériter d'y occuper une place distinguée par ma fidélité inviolable à mon souverain

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