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tion consulaire qui avait également reçu l'édit de suppression, l'avait enfin enregistré après de grands débats, de la manière qu'il suit le sieur Lebreton, grand-juge, avait pris sur lui de monter seul sur le siège le lundi précédent malgré les quatre consuls et sans leur aveu, et, là, de faire lire et enregistrer l'édit de suppression du Parlement par un simple commis du Greffe, le Greffier ayant refusé d'y procéder; enregistrement contre lequel les quatre consuls, nommés Guyot, Quatremère, Millot et Billard, avaient fait leurs protestations en bonne forme, protestations qui ne purent être insérées sur les registres, attendu la soustraction que crut en devoir de faire pendant quelques jours le sieur Lebreton, sans doute pour mieux faire sa cour à M. le Chancelier, et au nouveau Parlement dont il avait un extrême besoin, attendu le procès qui y était actuellement pendant entre lui, le sieur Briasson et le sieur Luneau de Boisjermain. Les quatre consuls en charge étaient le premier, du Corps de la pelleterie, le second du Corps de la draperie, le troisième du Corps de l'épicerie et apothicairerie et le quatrième du Corps de la bonneterie.

30 août. Ce jour, on crie un arrêt du Conseil d'Etat du Roi donné à Compiègne le 17 du même mois, ouï le rapport du sieur abbé Terray, contrôleur général des finances, lequel ordonnait qu'il serait pourvu, conformément à l'article 3 de l'arrêt du 21 avril dernier, au remboursement de tous les offices des différentes Cours et juridictions.

31 août. On est assuré que M. le maréchal duc de Richelieu, gouverneur de la province de Guyenne, était parti dans la nuit du jeudi précédent pour Bordeaux, à l'effet d'y opérer la suppression du Parlement de cette ville.

On est également assuré que, sur les représentations et à la réquisition de l'ambassadeur d'Espagne, il avait été expédié des ordres à M. de Sartine, lieutenant de police, de faire procéder à la recherche de tous les membres de la Société des ci-devant soi-disant jésuites qui se trouveraient à Paris, pour leur notifier de se conformer aux jugements précédemment rendus contre eux et de n'approcher en conséquence de Paris et de la Cour plus près, que de dix lieues; qu'en conséquence de ces ordres, un commissaire s'était transporté chez les Eudistes, rue des Postes, pour en expulser 6 qui y étaient pour lors; que le ministère venait aussi de faire expédier pour la Lorraine des ordres

tendant à dissoudre une espèce d'association qui s'y était formée d'un nombre de ces anciens religieux. On apprenait aussi par des lettres particulières de Bayonne que le duc d'Albe, l'un des plus grands seigneurs et en même temps des plus éclairés de la Cour d'Espagne, était arrivé de Madrid en cette ville, d'où il se proposait de se rendre à Paris et à la Cour, sans qu'on pût savoir le véritable objet de son voyage, sur lequel on se permettait bien des conjectures et qui, suivant bien des personnes, n'était occasionné que par le désir de rétablir une santé dérangée.

2 septembre. Ce jour, à l'assemblée du prima mensis de la Faculté de théologie, le sieur abbé Riballier, syndic et grand maître du collège Mazarin, fait lecture: 1o d'un arrêt du Conseil d'Etat du Roi, pour lequel S. M. supprimait et faisait défense de donner aucune publicité quelconque à un discours de vespérie, prononcé aux écoles de la Faculté de médecine, le 11 octobre 1770, en présence du recteur de l'Université par le sieur Jacques-Albert Hazon, docteur régent de cette Faculté et président de l'acte (homme d'ailleurs estimable, simple et sans prétention); 2o d'une lettre de M. le duc de La Vrillière, par laquelle ce ministre déclarait que l'intention du Roi était qu'il ne fût pris par la Faculté aucune espèce de délibération sur ce qui faisait l'objet du susdit arrêt du Conseil. Le discours du sieur Hazon portait pour titre: Eloge historique de l'Université de Paris. Il était divisé en trois parties. Le syndic Riballier n'avait pas rougi de dire, en annonçant l'arrêt du Conseil, qu'un docteur de la Faculté de médecine avait osé célébrer dans ce discours des théologiens dont les sentiments n'avaient jamais été conformes à la doctrine de l'Eglise. Ces théologiens, vraiment dignes de la vénération de tous les siècles et cependant si méprisés dans le nôtre, étaient les Arnauld, les Petitpied, les Boursier, les Delan et les Besogne. Pour revenir au discours du sicur Hazon, qui, de son côté, avait reçu une lettre de cachet par laquelle il lui était défendu de présider aucun acte public pendant dix ans, sur quoi il est bon d'observer qu'il en avait alors 70, les sieurs Belleteste, Missa, Bourru, Bertrand et Lezurier, tous six docteurs-régents de la Faculté de médecine, avaient été nommés commissaires pour l'examiner et en faire leur rapport à l'assemblée générale qui s'était tenue le 2 mai 1771, et sur le rapport de ces commissaires, la Faculté avait déclaré « qu'elle verrait avec plaisir imprimer un discours

qu'elle était persuadée que le public lirait avec la plus grande satisfaction »>, ce qui avait déterminé l'auteur à le traduire en français, à y joindre des notes très amples et fort instructives dans tous les endroits qui lui en avaient paru susceptibles, et à le faire imprimer à ses frais chez le sieur Quillau, imprimeur de la Faculté, au nombre seulement de 350 exemplaires; au moyen de quoi il n'avait pu en être distribué qu'aux docteurs de la Faculté, à un certain nombre de personnes titrées et à quelques amis de l'auteur. On prétendait que M. l'archevêque de Paris, entre les mains de qui il en était tombé un exemplaire, avait donné lieu à toutes les tracasseries ci-dessus détaillées, qui ne servaient qu'à donner à ce discours beaucoup plus de publicité qu'il n'en aurait eu, tout le monde cherchant à se le procurer pour le lire, tracasseries dont la Cour avait pris le sage parti d'arrêter les suites en défendant à la Faculté de théologie et au nouveau Parlement de s'en occuper.

4 septembre. Ce jour, Me Perrin, avocat ès-conseils, plaide en la Chambre de la Tournelle du nouveau Parlement la cause des sieurs Lebreton et Briasson, libraires encyclopédiques, contre le sieur Luneau de Boisjermain qui avait achevé sa plaidoierie à l'audience du samedi précédent 31 août. Il borne toute sa défense à justifier la plainte rendue en diffamation par les libraires susnommés contre ledit sicur Luneau, et le décret d'ajournement personnel prononcé en conséquence par le lieutenant criminel du Châtelet, soutenant que cette procédure devait être continuée selon les premiers événements, et à l'égard de toutes les prévarications que ledit sieur Luneau se permettait de reprocher aux libraires par rapport aux souscriptions de l'Encyclopédie, dans son gros mémoire imprimé, il déclare qu'il n'entreprendra de les justifier que lorsque M. le Procureur Général se serait expliqué sur la dénonciation qui lui était faite par le sieur Luneau. On est assez satisfait de l'éloquence du début de Me Perrin; mais on trouve qu'il avait ensuite donné un peu trop dans ce verbiage. L'audience est continuée au samedi suivant 7 du mois et jour de clôture du Parlement. Il se distribuait depuis deux jours un Mémoire pour les sieurs Lebreton et Briasson contre le sieur Luneau, de 74 pages d'impression in-4o, en y comprenant le Mémoire à consulter précédemment imprimé, délibéré à Paris le 7 janvier 1770 et signé de Mes Gillet,

Bérière, Rousselet, Cellier, de Lambon, Boudet, Cochin et Boys, avocats au Parlement, ainsi que la lettre de M. Diderot, auteur de l'Encyclopédie, à cux adressée en date du 31 août (1), qui y étaient joints. Ce dernier Mémoire était signé des sicurs Lebreton et Eriasson et de Me de Junquières, l'un des cent nouveaux Procureurs avocats. Le sieur Luneau à qui l'on avait refusé la faculté de répliquer autrement que par écrit, et qui avait représenté qu'il ne trouverait point d'imprimeur qui voulût imprimer pour lui, avait obtenu un arrêt qu'il avait fait signifier la veille, à cinq heures du soir, au sieur Simon, imprimeur du Parlement, par lequel il lui était enjoint, sous peine de prison, d'imprimer pour le sieur Luneau au prix même qui lui était taxé; chose inouïe et d'autant plus inconcevable que cet imprimeur courait même le risque de n'être point payé du tout, attendu le dérangement entier des affaires du sieur Luneau.

5 septembre.

-

[Les demoiselles Gerbier, Danjean, et Morin arrêtées à la barrière de la rue d'Enfer pour introduction de brochures sur le nouveau Parlement. Notice d'édits, déclarations et lettres

patentes du Roi.]

7 septembre.

[Le sieur abbé Grisel élargi des prisons du château de la Bastille, en vertu d'un jugement provisoire rendu par le nouveau Parlement dans l'affaire du sieur Billiard.]

10 septembre.

[Ouverture des audiences de la Chambre des vacations du nouveau Parlement.]

12 septembre. Ce jour, Mme Louise-Marie de France, née à Versailles le 15 juillet 1737, prononça ses vœux en secret et sans aucune espèce de cérémonie quelconque, en l'église des religieuses Carmélites de la ville de St-Denis en France, M. l'archevêque de Paris, qui s'y était rendu ce jour-là les reçoit à sa messe et donne ensuite la communion à cette princesse, qui, pour emprunter les paroles d'un orateur ecclésiastique intéressé à la louer (l'abbé Vétard, vicaire à St-Sulpice), « devenait

(1) Cette lettre, reproduite du tome XX, pp. 29-35, des Euvres complètes de Diderot (éd. Assézat), ne doit point être confondue avec une brochure dont le seul ex. actuellement connu appartient à la Bibliothèque Impériale de Saint-Pétersbourg. Elle est intitulée Au public et aux magistrats par M. Diderot (Paris, Pissot, 1771, in-8° 32 p.), et a été réimprimée dans un travail intitulé Un Factum inconnu de Diderot (Henri Leclerc, 1901, in-8°, 41 p. ; extrait du Bulletin du Bibliophile).

par sa conduite la défaite du monde, et le triomphe de la religion ».

On raisonnait beaucoup sur l'arrivée du duc d'Albe en France; on prétendait qu'il avait déjà eu quelques conférences secrètes avec le Roi. On croyait que la nouvelle expulsion des ci-devant soi-disant Jésuites qui étaient venus en si grand nombre à Paris depuis l'exil et la dispersion du Parlement, en était le résultat. Ce seigneur qui d'abord avait logé à l'hôtel de Tours, rue du Paon, faubourg St-Germain, avait quitté, disaiton, ce quartier, pour venir à l'hôtel du Piémont, rue de Richelieu, lequel communique au jardin du Palais-Royal, et y recevait nombre de médecins qu'il consultait sur sa santé.

16 septembre. conduit à la Bastille. sort de la Bastille.]

[Me Convers, avocat au Parlement, est arrêté et

La gouvernante de l'abbé Brucy, dit Duclos,

19 septembre. Ce jour, on crie un arrêt du Conseil d'Etat du Roi, donné à Versailles le 11 du même mois, ouï le rapport du sieur abbé Terray, contrôleur général des finances, lequel ordonnait qu'à l'avenir tous livres imprimés ou gravés, soit en français, soit en latin, reliés ou non reliés, vieux ou neufs, venant de l'étranger, paieraient à l'entrée du royaume, à compter du jour de la publication, 60 livres par quintal. L'exécution de cet arrêt est suspendue par les vives réclamations, non-seulement des libraires-imprimeurs de Paris et des provinces, mais encore des libraires étrangers.

19 septembre. [Le ci-devant P. Viou, dominicain, dit le sicur Dumont, demeurant maison du sieur Buttard, libraire-imprimeur, est arrêté et conduit à la Bastille.]

25 septembre.

[Arrêt du nouveau Parlement concernant le nouveau droit établi sur les eaux-de-vie. Cet arrêt cassé par un arrêt du Conseil.]

26 septembre.

[Le P. Ruelle, chanoine régulier de St-Victor,exilé.]

27 septembre. Dans l'après-midi, une pierre d'une grosscur prodigieuse, puisqu'elle pesait 62.875 livres, et qu'elle avait 10 pieds de long, sur environ 9 pieds de large et 5 pieds d'épaisseur, destinée à faire l'un des deux angles du fronton de l'église Ste-Geneviève, arrive au pied de cet édifice; on était en marche depuis le jeudi précédent le jour et la nuit pour l'y conduire, du port des Invalides où elle avait débarqué, ayant été levée des carrières de Conflans Ste-Honorine. On avait pris

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