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Châtelet jusqu'à la barrière du Cours, où, étant arrivés, on les mit dans deux carrosses qui prirent le chemin du Point-du-Jour et firent le tour des murs du bois de Boulogne pour arriver au village, à l'entrée duquel on les fit remonter dans la charrette jusqu'à la place de l'église où ils descendirent chez le procureur fiscal. Ils y demeurèrent depuis 4 heures un quart jusqu'à près de 6 heures et demi qu'ils furent rompus vifs et étranglés, étant sur la roue. Ils étaient escortés par six brigades de maréchaussées, deux conseillers au Châtelet sulvaient, accompagnés d'un secrétaire du prévôt. L'exécution achevée, ils furent portés sur le grand chemin et exposés à l'endroit où ils avaient commis le crime; ils y demeurèrent trois jours et ensuite furent enterrés dans le même endroit par les paysans du canton.

27 septembre. Le Roi adressa à l'assemblée générale du clergé une lettre dans laquelle, paraissant désapprouver ce qui s'était passé aux Ursulines de St-Cloud par rapport à l'administration du viatique à la Mère St-François, pour laquelle on avait été obligé de faire ouvrir les portes du couvent, S. M. annonçait qu'elle s'occupait sérieusement des moyens d'empêcher que pareille chose n'arrivât dans la suite, et ordonnait aux archevêques et évêques de se séparer, leur permettant de se rassembler au mois de mai 1766, sans qu'il fût besoin d'autre convocation que celle que contenait sa lettre.

2 octobre.-M. l'archevêque de Paris qui a droit par sa place d'assister trois fois à toutes les assemblées du clergé qui se tiennent en cette ville et à qui le Roi avait fait notifier par M. de Saint-Florentin au commencement et au milieu des séances de l'assemblée de ne pas s'y trouver, se rendit à celle de ce jour vers les 11 heures du matin, et y demeura pendant toute la séance. Il passa pour constant qu'il y avait adhéré à toutes les opérations de l'assemblée. Les évêques arrêtèrent, attendu la lettre du Roi qui les convoquait pour le mois de mai,de demeurer toujours assemblés et de rester à Paris; ils se séparèrent cependant ce même jour et reçurent ordre de retourner chacun dans leur diocèse. Vers ce même temps, M. de Noé, évêque de Lescar, qui avait été chargé par le Roi de faire l'oraison funèbre du feu duc de Parme à la cérémonie du catafalque qu'on projetait de faire dans l'église de Notre-Dame, ayant refusé de s'unir au corps des évêques qui composaient l'assemblée et d'adhérer à leurs actes, fut déchargé par le Roi du soin de faire

cette oraison funèbre, sur les représentations faites à S. M. par l'archevêque de Reims, grand aumônier de France et président de l'assemblée, par rapport aux difficultés qu'il imaginait que l'archevêque de Parls pourrait faire pour le licet, qu'il se verrait, lui, archevêque de Reims, forcé de lui donner en sa susdite qualité, ce qui fit prendre à M. l'évêque de Lescar le parti de retourner sur-le-champ dans son diocèse.

27 octobre. M. de L'Averdy, contrôleur général des finances depuis le mois de décembre 1763, ayant été déclaré par le Roi ministre d'Etat, prit séance pour la première fois au Conseil d'Etat de Sa Majesté.

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6 novembre. Mourut à Paris, rue Montmartre, maison de Mlle Touvenot, près la petite porte de St-Eustache, dame Anne Cordelier, dite de St François de Sales, religieuse Ursuline du monastère de St-Cloud, transférée par ordre du Roi, le samedi 19 octobre précédent, chez la dite demoiselle. Elle fut transportée dans la nuit de ce même jour au jeudi suivant, toute ensevelic, sur un brancard et accompagnée d'un exempt de police, à l'auberge de la Pomme de Pin, rue des Prêcheurs, où un convoi de petit chœur fit la levée de son corps le lendemain entre 9 et 10 heures. Elle fut portée à St-Eustache à la chapelle de la Vierge, où l'on chanta une grand❜messe à la fin de laquelle on observa pourtant de faire les encensements et autres cérémonies usitées pour les religieuses, après quoi elle fut inhumée dans la fosse commune du cimetière des Innocents. Elle avait été administrée avant sa mort par le curé de Saint-Eustache (Secousse). Le tout fut fait ainsi par les ordres de M. le lieutenant général de police, qui dit en avoir reçu lui-même de la cour, de prendre les moyens d'éviter toute espèce d'éclat. Elle était âgée de soixante et huit ans. Un cancer qu'elle portait depuis nombre d'années fut cause de sa mort. On ne laissa pas dans le public que d'être scandalisé du peu de décence qui avait été gardé envers elle dans ces dernières circonstances, vu les ménagements dont on avait usé jusqu'alors.

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8 novembre. M. l'archevêque de Paris qui avait déjà fait plusieurs voyages depuis qu'on s'était apercu que l'état de M. le Dauphin devenait plus dangereux, fit porter des billets dans les sacristies pour avertir de dire à toutes les messes qui se célébreraient les trois oraisons: Pro Serenissimo Delphino infirmo.

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13 novembre. L'abbé de Ste Geneviève reçut de grand matin des ordres de la cour de faire découvrir la châsse, et de commencer une neuvaine pour M. le Dauphin, dont on cachait depuis longtemps la maladie, par des raisons de politique que personne n'a pu pénétrer. L'abbé officia pontificalement à la messe qui fut chantée dans la matinée,à laquelle assistèrent les porteurs de la châsse. A midi, le duc de Bourbon, fils du prince de Condé, vint entendre une messe basse qui fut dite par un aumônier de ce prince. On avait aussi apporté vers 7 heures du matin de Fontainebleau un paquet de linge pour faire toucher à la châsse.

Le même jour, vers les 4 heures du soir, il arriva de Fontainebleau à l'archevêché un courrier chargé d'ordres du roi pour demander des prières publiques dans toutes les églises de Paris et des environs. M. l'archevêque ne se trouvant pas alors chez lui et personne ne pouvant dire où il était, on fut obligé d'attendre son retour jusqu'à 7 heures du soir. Alors le chapître s'étant assemblé selon l'usage,et la délibération prise pour commencer les prières, on sonna les grosses cloches à huit heures et on exposa le St-Sacrement pour le salut auquel l'archevêque officia ainsi qu'à la grand'messe et au salut les jours suivants. Mgr le Dauphin avait reçu le même jour le saint viatique comme il parut par le billet envoyé dans toutes les églises par M. l'archevêque dont voici la teneur :

« Quoique Mgr le Dauphin se soit trouvé un peu plus soulagé ce matin que pendant la nuit précédente, qu'il avait passée avec beaucoup d'agitation, sa piété le porta à demander de recevoir le saint viatique. S. M. désirant que l'on fasse des prières publiques pour demander à Dieu le rétablissement de la santé de ce prince, M. l'archevêque de Paris ordonne que dans toutes les églises de la ville, faubourgs de Paris et autres villes de son diocèse, on commence demain les prières de quarante heures, lesquelles continueront pendant trois jours avec exposition du T. St Sacrement, que le soir de chaque jour il y aura salut et bénédiction dans toutes les dites églises. Il exhorte aussi tous les fidèles à joindre leurs prières à celles du clergé pour demander à Dieu le prompt rétablissement de la santé d'un prince aussi cher à S. M. que précieux à l'Etat. »

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15 novembre. Le guet qui a coutume de se distribuer dans les différents corps de garde de la ville et faubourgs de Paris,

fut doublé en nombre, de manière qu'il en restât moitié dans les corps de garde et que l'autre moitié fut occupée pendant tout le jour à des espèces de patrouilles dans les différents quartiers et dans presque toutes les rues, paraissant examiner les passants et écoutant avec attention tout ce qui se disait jusque dans les boutiques. On ne put démêler les motifs de précautions si singulières qui causèrent beaucoup d'étonnement à la plupart des citoyens, mais qui, heureusement, ne jetèrent point l'alarme dans les esprits. On apprit les jours suivants que ces patrouilles étaient établies à perpétuité pour la plus grande sûreté publique; et qu'on avait doublé le nombre des soldats du guet, qu'on avait coutume de placer tous les jours dans les différents corps de garde, qu'afin qu'il s'en trouvât toujours un certain nombre en cas de besoin quand une partie serait en course de patrouille. La Gazelle de France de ce jour qui n'avait point parlé depuis plus de deux mois de la santé de M. le Dauphin, dont elle avait même annoncé le parfait rétablissement à la suite de l'espèce de dysenteric qu'il avait cue au retour de Compiègne, s'expliqua dans les termes suivants au sujet de sa maladie actuelle :

«La maladie dont Mgr le Dauphin est attaqué depuis quelque temps ayant fait des progrès, l'état de ce prince est devenu fort inquiétant la nuit du 11 au 12 de ce mois ; il a été encore très agité la nuit du 12 au 13 et quoiqu'il fût beaucoup plus tranquille, sa piété l'a engagé à demander le Saint Viatique, qui lui fut administré ce jour-là par le grand aumônier. S. M. a ordonné à l'abbé de Ste Geneviève de faire découvrir la châsse de cette sainte et a demandé aussi des prières publiques dans toutes les églises pour la conservation des jours de ce prince. »

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18 novembre. On reçut de Bretagne les nouvelles suivantes par rapport aux démissions du Parlement de cette province, dont l'affaire, depuis environ six mois, était demeurée comme dans une espèce d'assoupissement. Les premiers jours du présent mois, le plus ancien des deux avocats généraux qui était naturellement dans le cas de remplacer le procureur général, dont on projetait de se défaire, fut mandé à Fontainebleau. On vit ensuite arriver à Rennes M. de Broc, commandant de l'Etatmajor des troupes de la province. Les régiments qui étaient aux environs de la ville y entrèrent aussi, ce qui donna lieu d'attendre un événement funeste, et, effectivement, la nuit du 11 au 12,

les maisons des magistrats qu'on se proposait de faire arrêter furent investies de troupes. Les officiers du régiment d'Autichamp se transportèrent chez MM.de Caradeuc de La Chatolais, père et fils, procureurs généraux du Parlement, se saisirent du suisse, rompirent les portes et franchirent tous les obstacles qui se présentèrent à eux. M. de Caradeuc fils, éveillé par le bruit, courut au-devant de ces officiers, les pria de vouloir bien avoir quelque égard pour son épouse qui avait déjà eu cinq fausses couches, et qui se trouvait pour lors enceinte, prête d'accoucher, ce qu'il ne put pas obtenir, car à peine était-il passé dans sa chambre pour la prévenir, qu'on y fondit sur le champ avec la plus grande impétuosité. On s'empara militairement de tous ses papiers et de tous ceux de M. son père; on mit le scellé, partout dans son hôtel et à sa terre. Des officiers et des dragons les conduisirent ensuite l'un et l'autre au fort du Taureau. Ce fort est en pleine mer; on y habite dans des espèces de casemates, où l'on ne voit presque pas le jour; c'est l'endroit où l'on enferme les plus grands scélérats. Leur secrétaire fut aussi arrêté et conduit au château de Nantes. Plusieurs autres magistrats, MM. Picquet de Montreuil, Charette de La Gacherie et Charette de La Colinière, furent arrêtés également et conduits les uns au Mont-St-Michel, et les autres au château de Nantes, après qu'on cut mis les scellés, chez eux et qu'on se fut emparé de tous leurs papiers. On alla aussi au couvent des Jacobins où l'on mit le scellé sur tous les papiers du pricur, soupçonné d'avoir aidé ces Messieurs dans leur travail. Cette opération achevée, tous les autres membres du Parlement reçurent chacun une lettre de cachet qui leur ordonnait de se rendre en robe, rabat et bonnet carré dans la chambre où ils ont coutume de s'assembler à l'effet d'y recevoir les ordres du Roi, et qui leur défendait en même temps d'exercer en aucune manière leurs offices que ces ordres ne leur eussent été notifiés. Rassemblés en conséquence de cette première lettre de cachet, le Premier président leur en communiqua une seconde qui leur enjoignait d'enregistrer sur le champ, sans délibération et modification quelconque, la déclaration du Roi, qui fut mise sur le bureau, donnée à Fontainebleau, le 8 du même mois, à peine d'être réputés coupables de désobéissance. Il leur était aussi enjoint par cette même lettre de cachet de rendre la justice; qu'autrement il y serait pourvu par S. M. La lecture faite de la susdite déclaration, à la pluralité des suffrages, il fut conclu et arrêté

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