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non en vertu des dites lettres, mais comme étant informés d'ailleurs des intentions du Roi ; et qu'on faisait filer des troupes dans cette province pour y assurer la tranquillité pendant la tenue prochaine des Etats. Il se répand aussi que le duc de Richelieu, gouverneur de la province de Guyenne, venait de partir en poste pour Bordeaux, muni de différents ordres du Roi tendant à faire faire sur les registres du Parlement quelques enregistrements forcés et quelques radiations. Il se répand en outre que M. le duc de Choiseul, ministre et secrétaire d'Etat, avait eu à Compiègne, avec M. le chancelier, une prise des plus violentes, que depuis ils ne se parlaient ni ne se regardaient plus et qu'ils passaient l'un devant l'autre sans se salucr. On disait aussi que la Csse du Barry venait d'être nommée dame d'atours de la future Csse de Provence.

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27 août. Ce jour, l'abbé de Cicé, l'un des deux anciens agents généraux du clergé, nommé par le Roi à l'évêché de Rodez, et l'abbé de Guerne, ci-devant grand vicaire d'Auxerre, nommé à l'évêché d'Aleria, dans l'île de Corse, sont sacrés en l'église des Grands-Augustins par l'archevêque, duc de Reims, grand aumônier de France et président de l'assemblée du clergé qui durait encore (de La Roche Aymon), assisté des évêques d'Auxerre et d'Autun (de Cicé et de Marbeuf). Tous les députés du premier et du second ordre assistent à cette cérémonie, ainsi que plusieurs des autres prélats qui se trouvaient pour lors à Paris et un grand nombre de personnes de distinction. L'abbé de La Luzerne, autre ancien agent du clergé, nommé par le Roi à l'évêché de Langres, ne peut être sacré ce même jour comme il l'avait projeté d'abord, l'expédition de ses bulles ayant éprouvé à Rome un retard par la prétention qu'il avait formée de les obtenir gratis pour raison qu'il alléguait que, ayant fait autrefois le voyage d'Italie, il avait été arrêté par accommodement qu'il ne paierait que 18.000 livres au lieu de 80.000 livres.

29 août. - [Assemblée des chambres du Parlement, arrêt rendu par rapport à la cherté du pain.]

2 septembre. Ce jour, les députés du premier et du second ordre composant l'assemblée générale du clergé, qui se tenait aux Grands-Augustins depuis le 14 mars précédent, sont admis à l'audience du Roi, à Versailles, avec tous les honneurs qu'a coutume de recevoir le clergé en corps. L'archevêque d'Arles

(de Jumilhac) porte la parole et il présente à S. M. les cahiers de l'assemblée qui se trouvait dissoute.

3 septembre. Ce jour à 9 heures et un quart du matin, le Roi part du château de Versailles ayant dans son carrosse le duc de Villeroi, capitaine de ses gardes, le duc de Fleury, pair de France et un autre duc et pair. S. M. qui était en manteau ducal prend des relais à la grille de Sèvres où elle arrive en moins d'une demi-heure, les chevaux étant tout couverts d'écume. Elle se rend en aussi peu de temps à Paris au Palais où elle arrive accompagnée des gens d'armes de la garde, des mousquetaires et des chevau-légers, au milieu de deux haies formées à droite et à gauche par le régiment des gardes françaises et celui des gardes suisses, depuis la porte de la Conférence jusqu'au bas de l'escalier de la Ste-Chapelle. Les gardes du corps du Roi s'étaient saisis dès le matin de l'intérieur du Palais et des portes de la Grand'Chambre.

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La séance se trouvant composée de la manière qui suit, savoir : 1o le Premier président (d'Aligre) et les présidents Lefèvre d'Ormesson, Bochart, de Lamoignon, de Gourgues, Le Peletier et Joly, présidents à mortier.

2o MM. Fermé, Gaultier, Pasquier, Mayneaud, Bretignières, Brochant, Degars, Rolland, Lemée, Dupont, Chavannes, Dubois, Noblet, Laguillaumye, Boucher, Boula, Poitevin, Goislard, Robert, Rolland, Pommyer, Lenoir, de Sahuguet, Pourcheresse, Regnault, Farjonel, Leprestre, Roussel, Borry, Sauveur, de Bèze, Nigon et Goujon, conseillers de Grand'Chambre, formant en tout le nombre de 33.

3o M. le Chancelier accompagné de 4 maîtres des requêtes seulement Mes Bertier, Meulan, Dufour et de Bonnaire.

4o Le Roi étant entré, précédé de M. le duc d'Orléans, de M. le duc de Chartres, de M. le prince de Condé, de M. le Cte de Clermont, et de M. le Cte de la Marche, princes du sang, et ayant pris sa place, se sont aussi placés : les ducs de Luynes, de Brissac, de Fronsac, de Villeroy, de Tresme, d'Aumont, Charost, de St-Cloud, archevêque de Paris, Rohan-Rohan, Villars-Brancas, de Valentinois, de Nevers, de Biron, de La Vallière, de Fleury, de Duras, de La Vauguyon, de Praslin, pairs de France, et, à main gauche du Roi, l'archevêque duc de Reims, seul des pairs ecclésiastiques.

5o Le Roi ayant ordonné que l'on allât aux Chambres et que

l'on envoyât aux requêtes du Palais, sont entrés successivement et se sont assis et placés en leurs places ordinaires, les présidents et conseillers des Enquêtes et Requêtes, au nombre de 99 en tout, en robes noires. Après quoi le Roi ayant déclaré que son chancelier allait expliquer ses intentions, M. le Chancelier a dit :

« Messieurs,

« Le Roi, après vous avoir fait connaître par une loi enregis«trée en sa présence, qu'il importait au secret et à l'exercice « de son administration, ainsi qu'à la tranquillité de la province « de Bretagne, que l'affaire intentée contre M. le duc d'Aiguillon, honoré de sa confiance et chargé de ses ordres, demeurât ⚫ ensevelie dans l'oubli, devait penser que, soumis à ses volontés, « vous cesseriez de vous occuper de cette affaire.

« Néanmoins, dès le 2 juillet dernier, sur une information ⚫ anéantie, vous avez rendu un arrêt par lequel, sans autre ⚫ instruction préalable, sans preuves acquises, et au mépris « des règles et formes judiciaires, vous avez tenté de priver des • principales prérogatives de son état un pair du royaume dont « la conduite a été déclarée irréprochable par S. M. elle-même. « Cet arrêt que S. M. a cassé par celui de son Conseil du « 3 juillet, qui vous a été signifié en la personne de votre greffier en chef, de l'ordre exprès de S. M., a été suivi de vos « arrêtés des 11 juillet et 1er août par lesquels vous avez persisté « dans l'arrêt du 2 juillet.

« Le Roi a écouté vos représentations, il y a reconnu l'esprit ‹ de chaleur et d'animosité qui les a dictées.

« Vous avez depuis multiplié les actes contraires aux volontés « de S. M.

« Votre exemple a été le principe et la cause d'actes encore « plus irréguliers, émanés de quelques autres Parlements.

« S. M. veut enfin vous rappeler à l'obéissance qui lui est dûe. Elle vient vous faire connaître ses intentions et vous impo

« ser le silence le plus absolu.

« Elle veut bien effacer jusqu'aux traces de votre conduite

« passée et vous ôter les moyens de lui désobéir à l'avenir.

« Le Roi ordonne que:

Les pièces envoyées au parlement de Paris, en conséquence ⚫ des arrêts du parlement de Bretagne des 21, 28 mars et 26 juillet derniers ;

-

la minute et les grosses de l'arrêt du 7

« avril qui déclarent nulles les informations faites en Bretagne ; la plainte rendue par le procureur général du parlement de

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« Paris; - celles rendues par M. le duc d'Aiguillon, MM. de la « Chalotais et le nommé Audouard; la minute et les grosses

« de l'information faite à Paris ; - les conclusions du Procureur « général; les arrêts des 9, 26 mai, 26 et 28 juin ; — les deux ⚫ arrêts du 2 juillet; l'arrêt du dit jour; la signification « qui en a été faite à M. le duc d'Aiguillon; - les représenta«tions arrêtées le dit jour; les arrêtés des 11 et 31 juillet; « les deux arrêtés du 1er août; ceux des 3, 8, 9 et 21 août « dernier, lui soient remis par les greffiers et ceux qui en sont les dépositaires ».

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Sur quoi, M. le Chancelier ayant appelé successivement Ysabeau, Dufranc, Fremin et Le Ber, ils se sont approchés et ont remis les pièces ci-dessus mentionnées.

Ensuite, M. le Chancelier a dit :

« Le Roi ordonne que les dits actes et procédures, arrêts et « arrêtés soient supprimés de vos registres.

« S. M. vous fait défense de tenter de les rétablir en votre « greffe par copies ou expéditions, si aucunes existent des dits « actes, pièces et procédures, ou par procès-verbaux de rémi«niscence du contenu des dits actes, pièces ou procédures, ou « par telle autre manière ou forme que ce puisse être.

« S. M. ordonne sous peine de désobéissance à son Premier « président ou à tout autre président ou officier qui présiderait ⚫ en son absence, de rompre toute assemblée où il pourrait • être question de rétablir, en tout ou partie les actes, pièces ou « procédures supprimés.

« Elle leur défend sous les mêmes peines, d'assister aux • délibérations que vous pourriez tenter de prendre malgré «eux à ce sujet, et d'en signer les procès-verbaux.

« A l'égard de vos représentations, S. M. a vu avec étonne«ment que vous tentiez d'établir des rapports avec les évène«ments de son règne et des évènements malheureux qui de« vraient être effacés du souvenir de tout bon Français, et aux« quels son Parlement ne prit alors que trop de part. Elle veut « croire qu'il n'y a que de l'imprudence dans vos expressions. « [On assurait qu'à cet endroit le Chancelier avait ajouté la « phrase suivante: « Quoiqu'elle soit bien persuadée que s'il

• existe aujourd'hui des troubles dans le royaume, c'est vous << seuls qui les avez causés. »>]

« S. M. persiste dans sa réponse au sujet des défenses qu'elle « a faites aux princes et aux pairs, et quoique ce qui se passe en << Bretagne vous soit étranger, elle veut bien vous dire qu'elle « ne souffrira jamais qu'on renouvelle une procédure que des « vues de sagesse et de bien public lui ont fait une loi d'éteindre ; « que les deux magistrats n'ont été arrêtés que parce qu'elle a « été offensée de leur conduite, et elle vous avertit que ceux « qui se conduiront comme eux ressentiront les effets de son « indignation.

«S. M. vous défend, sous peine de désobéissance toutes déli« bérations sur cet objet.

<< Elle vous défend pareillement de vous occuper de tout ce « qui n'intéresse pas votre ressort.

« Elle vous prévient qu'elle regardera toute correspondance « avec les autres Parlements comme une confédération criminelle contre son autorité et contre sa personne.

« Elle donne ordre à son Premier président et à tout autre « président et officier de son Parlement qui présiderait en son absence de rompre toute assemblée où il serait fait aucune « proposition tendante à délibérer sur les objets sur lesquels « elle vous a imposé silence, ainsi que sur tout envoi qui vous <scrait fait par les autres Parlements.

M. le Chancelier après avoir parlé au Roi a ajouté :

« Le Roi ordonne aux présidents et conseillers des enquêtes «et requêtes de se retirer dans leurs chambres pour y vaquer « à l'expédition des affaires des particuliers ».

Sur quoi ils se sont retirés et le Roi qui était entré à 10 heures et demi est sorti du Palais à 11 heures un quart pour se rendre au château de la Muette, devant chasser ensuite dans la plaine de Nanterre, et aller à Luciennes chez la Csse du Barry qui y occupait la maison qui appartenait ci-devant à la Csse de Toulouse. On remarqua que le prince de Conti, le duc de Choiseul, ministre et secrétaire d'Etat et le président Pinon, président à mortier, ne s'étaient point trouvés à cette séance. Le Conseil dans laquelle elle avait été déterminée n'avait fini la veille qu'à plus de 10 heures du soir, et les ordres n'avaient été expédiés qu'à minuit pour les troupes, tant à Versailles qu'à Paris. Le

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