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qui supprimait cette bulle et renouvelait tous les anciens réglements concernant les bulles, brefs ou autres expéditions venues de Rome. Dans le réquisitoire l'avocat général donnait à entendre que la cour de Rome ferait sagement de se conduire avec prudence dans les circonstances actuelles et de ne point trop se livrer aux impressions de certains génies turbulents et intéressés å troubler la paix entre elle et la cour de France.

L'autre ordonnait également la suppression de trois brefs adressés, le premier à l'évêque de Grenoble (Caulet) pour le féliciter d'un ouvrage qu'il avait fait en faveur des soi-disant Jésuites; le second contre l'évêque d'Angers (de Grasse) qui avait reconnu les assertions, et le troisième contre l'évêque d'Alais (de Beauteville) qui avait reconnu les assertions et donné une magnifique instruction pastorale contre la morale perverse qu'elles contiennent.

21 février. --- Me Aubry, avocat de M. Noguier, continua le plaidoyer qu'il avait commencé le jeudi précédent dans l'affaire de la cure de St-Sulpice; le public se rendit au Palais en plus grand nombre qu'il n'avait encore fait jusqu'à ce jour. Les partisans du sieur Noguier furent enchantés de la manière dont le dit Me Aubry défendait sa cause. Il régnait dans tout son discours une clarté admirable et quoiqu'il eût pris le ton le plus modeste, il ne laissa pas de repousser très ingénieusement et avec finesse les raisonnements de son adversaire. Il n'y eut que les partisans du sieur du Lau qui furent consternés d'avoir affaire à un aussi habile défenseur.

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25 février. M. de Sartine, lieutenant général de police, se rendit par ordre de la Cour aux écoles de la faculté de droit, muni d'un arrêt du Conseil qui ordonnait la radiation de l'adhésion de la dite faculté au concile de la province d'Utrecht, conformément à l'invitation qu'elle en avait reçue de la part de l'archevêque de cette ville d'Utrecht. Le sieur Lorry, l'un des professeurs en droit, se distingua, dit-on, dans cette occasion par le zèle et la force avec laquelle il fit valoir les droits de la faculté qui peut connaître de tout ce qui a rapport à la jurisprudence canonique, comme de ce qui regarde la jurisprudence civile.

9 mars.

Il fut rendu aux Requêtes de l'hôtel un jugement souverain qui casse et annule l'arrêt du Parlement de Toulouse

qui avait condamné à la roue et fait exécuter à mort le sieur Calas père, de la religion prétendue réformée, atteint et convaincu, suivant les procédures faites en premier ressort par les capitouls de la sus dite ville et ensuite par appel au Parlement, d'avoir pendu lui-même un de ses fils, lequel jugement réhabilite la mémoire du défunt, et rend à sa veuve et à ses enfants l'honneur que ce jugement leur avait ôté. Des personnes qui étaient sur les lieux, lors de l'événement, se prétendent fondées à soutenir la validité du jugement du Parlement et l'injustice de l'appel de la veuve Calas.

10 mars. A 11 heures du matin, M. l'abbé de Talaru de Chalmazel, abbé commandataire de l'abbaye du Havre, ordre de Prémontré, et ci-devant archidiacre et grand vicaire du diocèse de Sens, nommé par le Roi à l'archevêché de Coutances, fut sacré dans l'église des Jacobins de la rue St-Dominique, faubourg St-Germain, par S. E. M. le cardinal de Luynes, archevêque de Sens, assisté des évêques d'Autun et de Troyes (Bouillé et de Barral). Quatorze prélats, entre autres le cardinal de Gesvres, évêque de Beauvais, et l'archevêque de Toulouse (de Brienne)assistèrent à cette cérémonie à laquelle se trouvèrent aussi beaucoup de dames de la première qualité. Le cardinal de Luynes donna ensuite chez lui un repas splendide. La première table était composée de 50 couverts; on avait acheté pour 2.000 francs de poissons et pour 600 livresde fruits.

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20 mars. Le nommé Louis-Michel Goulier, garçon boulanger, convaincu d'assassinats en la personne de J.-B. Raviot et en celle de la femme Raviot, enceinte de six mois et demi, ainsi que du vol des hardes, argenterie, bijoux, deniers comptants appartenant aux dits Raviot et sa femme, ses maître et maîtresse, fut exécuté à mort à 6 heures du soir, et vécut jusqu'au lendemain quatre heures du matin. Il n'avait été condamné au Châtelet qu'à être rompu vif; et par arrêt du Parlement rendu à 9 heures et demi sur l'appel a minima, il fut condamné à faire amende honorable devant la principale porte de l'église de Paris, nu-pieds, en chemise, portant une torche et ayant un écriteau devant et derrière portant ces mots : Assassin et voleur et ensuite rompu vif en place de Grève. On a dit qu'il était mort dans des sentiments fort chrétiens et qu'il avait témoigné le repentir le plus sincère.

Le même jour le Roi fit à tout le Parlement de Rennes, mandé à Versailles, la réponse suivante :

« J'ai lu vos remontrances, elles sont écrites avec une chaleur que je désapprouve, et j'en défends l'impression. Vous y dites que je n'ai pas été instruit, rien n'est plus faux. J'ai lu tout ce que vous avez fait, et on ne vous a rien adressé que je n'aie ordonné moi-même. Retournez sans délai à Rennes; que votre service soit repris dès le premier jour de votre rentrée. Je vous l'ordonne expressément. Je ne vous répondrai au reste que quand vous m'aurez obéi. C'est le scul moyen de mériter le retour de ma bienveillance. »

10 avril. suivante :

Le Parlement de Rennes adressa au Roi la lettre

« Sire,

« Obéir à son Roi est le premier devoir des sujets; nous en donnons l'exemple par l'arrêté que nous avons l'honneur d'envoyer à Votre Majesté ; remettre des offices dans lesquels nous ne pouvons servir avec honneur ni le Roi, ni l'Etat, est le devoir des magistrats dont la voix est impuissante pour faire connaître au Monarque les droits de la nation, des magistrats avilis aux yeux des peuples par les imputations les plus accablantes sorties de la bouche du souverain. Telles sont, Sire, les circonstances qui, sans altérer nos sentiments d'amour et de respect pour votre personne sacrée, nous forcent de substituer à des efforts inutiles et désapprouvés nos vœux les plus ardents pour le rétablissement des droits et franchises de la province. Nous ne nous prêterons jamais à leur renversement; nous sommes les dépositaires de la loi pour en être les défenseurs. Les magistrats qui nous remplaceront pourront être aussi attachés à leur devoir, aussi dévoués à Votre Majesté, aussi zélés pour le maintien du droit national, puissent-ils être plus heureux et mériter votre bienveillance par les mêmes causes qui nous l'ont fait perdre, et que nous avions cru devoir nous l'assurer. »>

18 avril. Le sieur Riballier docteur de la maison et société de Sorbonne, procureur du collège Mazarin, qui avait été autrefois successivement grand vicaire de la paroisse St-Landry et de celle de St-Paul, homme de beaucoup d'esprit et connu sans doute pour être capable de seconder les vues pacifiques relativement aux troubles qui agitent depuis si longtemps le diocèse

de Paris, et la faculté de théologie elle-même, fut élu syndic de cette faculté, au moyen d'un ordre du Roi, dans l'assemblée générale des docteurs convoqués à cet effet. C'était pour remplacer le sieur Gervaise, docteur de la maison et société de Navarre et grand maître de ce collège, lequel était décédé le 3 du même mois, âgé de 62 ans, après avoir été maintenu dans cette même place pendant un assez grand nombre d'années par des ordres particuliers de Sa Majesté.

19 avril. A 10 heures du soir, fut inhumée avec beaucoup de pompe, chez les Carmélites du faubourg St-Jacques, dans la sépulture des princesses de la maison de Condé, ElisabethAlexandrine de Bourbon-Condé, dite Mademoiselle de Sens, décédéc le lundi précédent, au troisième jour de sa maladie, en son hôtel, rue de Grenelle, faubourg St-Germain, âgée de 59 ans, sept mois. Elle avait encore chassé avec le roi, le vendredi 12 du même mois. Ses héritiers sont : 1o Louise-Elisabeth de Bourbon-Condé, princesse douairière, mariée à LouisArmand, prince de Conti, née à Versailles, le 29 novembre 1693, sa sœur; 2o Louis de Bourbon-Condé, comte de Clermont, abbé de St-Germain-des-Prés, né le 15 juin 1709, son frère; 3o Louis-Joseph de Bourbon, prince de Condé, né à Paris, le 9 août 1736, son nevcu.

[Incendie chez un épicier au coin de la rue Neuve des PetitsChamps et de la rue Richelieu].

24 avril. Louis-François de Bourbon, prince de Conti, qui avait été la veille prévenir le Premier président que son intention était de dénoncer au Parlement une requête présentée au Roi, signée de 15 pairs laïques et des 7 pairs ecclésiastiques, tendante à séparer totalement la Cour des pairs de celle du Parlement et à priver le Parlement du droit de faire le procès aux pairs qui se seraient rendus coupables de quelques délits, prit séance à l'assemblée des chambres, y fit la susdite dénonciation et demanda qu'il lui en fût donné acte. Sur quoi intervint arrêt qui ordonnait que les princes et les pairs seraient convoqués le vendredi suivant, huit heures du matin, à l'effet de statuer sur la demande de ce prince.

26 avril. A 8 heures du matin, les princes et les pairs se rendirent au Parlement suivant la convocation qui leur avait été signifiée. Ils n'étaient qu'au nombre de treize, savoir:

M. le duc d'Orléans, M. le duc de Chartres, M. le prince de Conti, le Cie de Lamarche, M. le prince de Condé (M. le Ce de Clermont, incommodé de la goutte et ne pouvant, pour cette raison, se trouver à l'assemblée, avait envoyé une lettre d'adhésion à tout ce qui y serait conclu et arrêté), MM. les ducs de Biron, de La Vallière, de Villars Brancas, de Duras, de Richelieu, d'Aumont, de Grammont et d'Aiguillon. Il fut rendu arrêt portant que sans avoir égard au mémoire, ni à la requéte qui en avait été la suite, la cour du Parlement de Paris demeurerait seule la cour des Pairs, et que le droit de faire le procès à un pair demeurerait inhérent à cette cour; le même arrêt donnait acte à M. le prince de Conti de la dénonciation qu'il avait faite de la susdite requête.

Tout le monde attribua cette levée de bouclier au duc de La Vauguyon, gouverneur des enfants de France, qui avait suggéré l'année dernière au duc de Sully un mémoire sur les droits de la pairie, qui fut si mal accueilli des personnes qu'il intéressait et du souverain lui-même.

5 mai. M. l'archevêque de Paris fit la cérémonie de bénir dans l'église de Notre-Dame une cloche pesant environ 5 à 6 milliers, qui était une des quatre qu'on appelle vulgairement les quatre coins. Mme la duchesse de Chevreuse, épouse du gouverneur, fut marraine et le Prévôt des Marchands à la tête du corps de ville fut parrain. La cérémonie fut des plus pompeuses, il y eut grande musique et l'archevêque traita le Corps de ville à dîner. L'étoffe d'or dont cette cloche était couverte fournit de quoi faire un magnifique ornement blanc.

21 mai. On tint à l'archevêché l'assemblée provinciale pour nommer les députés à l'assemblée générale du clergé qui furent pour le premier ordre : l'évêque de Chartres (de Fleury) et M. l'évêque de Blois (de Thémines), et pour le second ordre l'abbé Clément, aumônier du roi de Pologne, prédicateur du Roi, et l'abbé Lacorgne Delaunay, docteur de la maison et société de Sorbonne, archidiacre de Paris.

25 mai. Les archevêques et évêques ainsi que les députés du second ordre qui devaient composer l'assemblée générale du clergé, s'assemblèrent pour la lecture des procurations chez l'archevêque de Reims, nommé par le Roi pour présider cette assemblée, en son hôtel de la rue des Sts-Pères.

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